• il y a 11 mois
La téléconsultation, une véritable avancée ou un faux remède ? Marion Lagneau en est convaincue, cette façon 2.0 de consulter est devenue indispensable dans la pratique des médecins aujourd’hui. Mais la maitrisent-ils vraiment ? Et comment réaliser un bon interrogatoire ?

Ancienne gastroentérologue libérale en banlieue parisienne mais également ex-directrice médicale d’une plateforme de téléconsultation, elle nous présente son livre « Téleconsultation : de l'interrogatoire à la décision clinique », un livre qui répertorie les 150 motifs de consultation les plus fréquents et l’orientation médicale qui y est associée selon les cas. À mettre entre toutes les mains des médecins connectés.

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Transcription
00:00 Si je regarde en arrière dans mes 40 ans de gastro-entérologie,
00:03 je peux compter sur les doigts d'une main les cas où j'ai fait vraiment brillamment un diagnostic
00:10 juste au moment de l'examen clinique,
00:11 diagnostic que je n'aurais pas suspecté en interrogeant les patients.
00:15 Le Covid les a obligés du jour au lendemain à se mettre à la téléconsultation.
00:27 Donc beaucoup se sont mis à la téléconsultation à contre-cœur.
00:30 Or on ne fait bien que ce qu'on maîtrise et ce qu'on fait avec plaisir.
00:34 Et depuis de nombreuses années, je réponds à tous ceux qui viennent me voir un peu agressivement
00:40 en disant "tu fais de la téléconsultation mais l'examen clinique est indispensable".
00:44 Je leur réponds, ceux qui disent ça le plus sont ceux qui examinent le moins les patients.
00:48 Beaucoup de consultations présentielles sont parfois de véritables téléconsultations.
00:56 Pour le médecin, ça lui permet d'avoir des consultations le soir,
01:00 peut-être un petit peu le week-end, de dépanner ses propres patients.
01:03 Après, il y a deux formes de téléconsultation.
01:05 Il y a la consultation avec ses propres patients,
01:07 où là on connaît les patients et où c'est assez ponctuel, ou pour du renouvellement.
01:12 Et puis il y a de la téléconsultation avec des patients qu'on ne connaît pas.
01:15 C'est ça qui heurte beaucoup de médecins.
01:17 C'est la Haute Autorité de Santé qui a répondu il y a des années.
01:24 Est-ce qu'on peut tout faire en téléconsultation ? La réponse est oui.
01:26 On peut tout débrouiller en téléconsultation, on peut gérer tous les patients en téléconsultation.
01:31 Maintenant, quand on nous allait au médecin que une téléconsultation
01:35 qui débouche ensuite sur une consultation présentielle n'a servi à rien,
01:39 je pense que ce n'est pas vrai.
01:40 Ça permet d'orienter des gens vers de l'urgence si c'est urgent,
01:44 de les rassurer si ce n'est pas inquiétant,
01:47 ou alors ça permet déjà aussi de demander certains examens
01:50 pour lesquels on n'a pas besoin de voir les patients,
01:52 et d'orienter vers une consultation présentielle.
01:55 Donc une téléconsultation qui ne solutionne pas tout,
01:57 ce n'est pas une téléconsultation inutile.
01:59 J'ai commencé à faire des téléconsultations, j'étais dans les premières en 2015.
02:06 Si je regarde en arrière dans mes 40 ans de gastro-entérologie,
02:10 je peux compter sur les doigts d'une main les cas où j'ai fait vraiment brillamment un diagnostic
02:16 juste au moment de l'examen clinique,
02:18 diagnostic que je n'aurais pas suspecté en interrogeant les patients.
02:22 En général, l'examen clinique, c'est la prolongation
02:24 de ce qu'on a évoqué en interrogeant les patients.
02:27 En fait, on a pris la majorité des symptômes qui existent en médecine,
02:35 finalement, il n'y en a pas tant que ça.
02:36 On a créé des interrogatoires autour de ces symptômes,
02:39 et à partir de ces interrogatoires, on a sorti les signes
02:43 qui étaient des signes d'alerte qui indiquaient aux praticiens
02:46 si le patient a tel, tel, tel, tel signe,
02:48 il faut l'envoyer directement vers des urgences.
02:51 Si c'est un petit peu moins inquiétant,
02:52 il faut lui proposer des examens de débrouillage et une consultation présentielle.
02:56 Et puis si c'est vraiment rassurant, on peut tout gérer en téléconsultation.
03:00 Chaque chapitre est complété par une petite notice
03:05 de toutes les éthiologies possibles de chaque symptôme.
03:08 J'étais directeur médical d'une grande plateforme de télémédecine,
03:14 et j'ai rapidement remarqué que l'interrogatoire était souvent beaucoup trop succinct.
03:19 Alors surtout à distance, où vraiment, c'est la seule façon de communiquer avec le patient.
03:23 Je pense aussi que les médecins actuellement ont beaucoup d'anxiété, beaucoup d'angoisse,
03:29 ils voient des tâches se déléguer vers d'autres praticiens de santé,
03:33 ils ont l'impression que les choses leur échappent.
03:35 À mon avis, ce qu'il ne peut pas échapper aux médecins
03:38 et ce qu'ils doivent vraiment préserver, c'est la sémiologie.
03:43 Je pense que l'unique problème qu'il peut y avoir dans cette forme d'exercice,
03:50 c'est l'abattage qui est soit proposé au médecin, soit décidé par le médecin,
03:55 parce que plus il voit de patients et évidemment plus la rentabilité est importante.
04:00 La médecine, quelle que soit la façon dont on la fait, il faut la faire correctement.
04:03 Ça, c'est un de mes grands regrets.
04:08 Je n'ai jamais mal au ventre.
04:09 J'avais des patients en face de moi qui disaient "j'ai mal au ventre docteur,
04:13 vous comprenez ?"
04:13 Oui, oui, je comprends.
04:17 Mais moi, je n'ai jamais eu mal au ventre.
04:19 Alors, ça m'arrive de temps en temps, je me dis "chouette, j'ai mal au ventre".
04:22 C'est un chirurgien parisien qui s'appelait Jean-Henri Alexandre,
04:29 à qui j'ai demandé juste quand j'ai été nommée à l'internat,
04:33 "qu'est-ce que vous me conseillez comme socialité ?"
04:35 Et il m'a répondu quelque chose que j'ai toujours, toujours suivie
04:38 et toujours conseillé aux autres, c'est "la vie est difficile, alors fais ce qui te plaît".
04:42 [Musique]

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