L'édito de Paul Sugy : «Emmanuel Macron, président indécis»
Dans son édito du 04/01/2024, Paul Sugy revient sur les rumeurs de remaniement au gouvernement.
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00:00 Depuis le report du Conseil des ministres, le temps politique semble comme suspendu.
00:03 Les rumeurs de remaniement, les noms qui circulent sous le manteau,
00:06 comment s'échangent des produits de contrebande sur le marché noir.
00:08 Vous savez, à mi-voix avec des airs d'initié, il paraît que ça sera le cornu.
00:13 Non, moi j'ai entendu Romain Dezarbre.
00:14 Chut !
00:15 Bon bref, spéculation des conseillers qui ne savent rien mais qui diront quand même tout aux journalistes.
00:21 Bref, tout ceci participe à une atmosphère d'apparente fébrilité
00:24 alors qu'en fait, il ne se passe tout simplement rien.
00:26 On attend, Emmanuel Macron s'avoue aussi dans cette attente le plaisir de redevenir,
00:30 le temps de quelques jours seulement, le maître des horloges.
00:33 Mais cette illusion de maîtrise peine bien vite à dissimuler le fond de l'affaire.
00:37 Si le président temporise autant, c'est qu'il tâtonne.
00:39 Quand il annonçait en décembre un rendez-vous avec la nation pour la rentrée,
00:42 il est resté volontairement évasif.
00:43 On a d'abord pensé au coup de génie.
00:45 On s'est dit, c'est l'effet d'annonce, créé par l'attente, un désir, c'est une prouesse de communicant.
00:49 En fait, la réalité est plus prosaïque.
00:50 Il bluffe parce que lui-même ne savait à peine ce qu'il allait sortir de son chapeau.
00:55 Alors, qu'est-ce qu'il faut attendre ?
00:56 Romaniement, annonce politique, nouveaux gadgets de démocratie participative,
01:00 rendez-vous symbolique, dissolution, démission, révolution.
01:03 Je m'emballe un peu, mais un conseiller de l'Élysée, finalement, a bien résumé les choses avant-hier.
01:07 Tout est possible, y compris rien.
01:10 Prendre le temps, ce n'est pas forcément une mauvaise chose.
01:13 Est-ce que la prudence, ce n'est pas une vertu politique ?
01:17 Mais vous avez raison, Romain, je vous verrai très bien à Matignon.
01:19 Mais plus sincèrement, oui, la prudence est même la plus élémentaire des qualités d'un homme d'État.
01:23 C'est d'ailleurs la grande leçon que fait le roi au petit prince.
01:25 Vous savez, j'attendrai, dit-il, dans ma science du gouvernement,
01:28 que les circonstances soient favorables à l'heure de l'accélération des flux,
01:32 de l'info en continu, des jugements à l'emporte-pièce.
01:34 On ne peut pas reprocher au chef de l'État de prendre le temps du discernement
01:37 à l'heure de prendre des grandes décisions.
01:39 Mais, à la fin, il faut quand même décider.
01:42 C'est justement tout le problème d'Emmanuel Macron.
01:44 C'est ce qui lui avait valu d'ailleurs la dernière crise politique de l'année 2023
01:47 sur cette loi immigration à laquelle il n'a pas su donner une tonalité claire.
01:51 Et même chose aussi après les émeutes.
01:52 Souvenez-vous, le président a mis en scène sa prise de recul
01:55 en promettant de ne parler que le moment opportun lorsqu'il aurait bien compris
01:58 ce qui s'était véritablement passé dans le pays.
02:00 Résultat, quand il a parlé, il n'a rien dit ou presque rien annoncé.
02:03 Et ceux qui attendaient un sursaut en auront été pour leurs frais.
02:07 Alors là, cette fois, on sera quand même vite fixé sur sa décision pour un éventuel remaniement.
02:13 Le JDD parle d'un remaniement avant le week-end.
02:16 Ce qui est sûr, c'est que remaniement ou pas, il y a un jour,
02:18 on saura effectivement quelle est la décision d'Emmanuel Macron.
02:20 Mais le temps que met le chef de l'État à se fixer devient finalement suspect,
02:24 puis contre-productif.
02:25 Déjà par le passé, Emmanuel Macron avait mis du temps à désigner Elisabeth Borne.
02:29 Puis de re-chef en juin, il avait mis du temps à dissiper la rumeur
02:32 d'un changement de premier ministre avant de finalement remanier à Minima.
02:35 Alors Elisabeth Borne, si elle est maintenue dans ses fonctions d'ici la semaine prochaine,
02:39 eh bien personne ne pourra croire qu'elle dispose de l'entièreté de la confiance du chef de l'État.
02:43 Et si elle est remplacée, qui pourra croire que son successeur était le seul choix naturel,
02:47 évident et adéquat pour Emmanuel Macron ?
02:50 Rappelez-vous, en mai 2022,
02:52 ça c'est Catherine Vautrin qui l'a raconté beaucoup plus tard,
02:55 celle dont le nom circulait pour être première ministre a déjeuné avec Emmanuel Macron
02:58 qui venait d'être réélu.
03:00 Elle serait première ministre jusqu'aux Jeux Olympiques, ça avait été fixé,
03:03 le nom de son chef de cabinet avait été arrêté.
03:05 Et puis finalement, patatra, on connaît l'histoire, elle n'a pas été désignée.
03:09 Elle était elle-même évidemment fragilisée poétiquement,
03:10 mais Elisabeth Borne, depuis qu'elle est première ministre,
03:13 vit avec au-dessus de sa tête cette impression de ne pas avoir été le premier choix du chef de l'État.
03:17 Finalement, cette indécision devient catastrophique.
03:19 [Musique]
03:23 [SILENCE]