L'interview d'actualité - Savin Yeatman-Eiffel

Télématin

27/12/2023

À l'occasion du centenaire de la disparition de Gustave Eiffel, Jean-Baptiste reçoit Savin Yeatman-Eiffel commissaire de l’exposition Eiffel toujours plus haut qui a lieu sur le parvis de la Tour Eiffel.

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00:00 - Bonsoir Yvette Manessel, Eiffel. - Bonjour.

00:02 Merci d'être avec nous, c'était en effet le 27 décembre 1923,

00:05 il y a donc tout juste 100 ans que votre aïeul Gustave Eiffel nous quittait.

00:09 Vous êtes donc son arrière, arrière, arrière petit-fils, trois fois arrière,

00:13 et donc vice-président de l'Association des descendants de Gustave Eiffel.

00:16 Ça fait quoi d'abord d'avoir un ancêtre aussi célèbre dont quasiment tout le monde connaît le nom ?

00:21 Alors ça peut être un poids, je pense que pour les premiers descendants,

00:24 c'était assez dur de porter ce nom quand même.

00:26 Quoi qu'on fasse, on est comparé à Gustave Eiffel.

00:28 Nous, on est plusieurs générations plus tard, donc on voit ça qu'on est plus détendu.

00:31 Mais en tout cas, ça met un peu de pression, en tout cas d'inspiration pour ce qu'on fait dans la vie.

00:34 Une pression aussi pour votre association,

00:36 parce que le but vraiment, c'est maintenant de défendre son héritage.

00:39 Tout à fait, donc on a été créé en 1995,

00:42 en gros pour la majorité des descendants de Gustave Eiffel,

00:43 et on défend donc sa mémoire et aussi ses ouvrages,

00:45 parce qu'il y a beaucoup de ponts d'ouvrages qui disparaissent encore aujourd'hui malheureusement.

00:48 Alors c'est ça qui est étonnant, c'est qu'effectivement tout le monde connaît la Tour Eiffel,

00:50 mais Gustave Eiffel a fait plein plein d'autres choses,

00:52 et notamment il avait commencé par les ponts.

00:54 Absolument, donc Eiffel a construit des centaines de ponts dans le monde entier,

00:57 c'est sa spécialité.

00:58 Il peut faire des très très grands ponts, comme le pont Maria Pia à Porto,

01:01 qui fait avec une harche de 160 mètres au-dessus de Douro,

01:04 ou le viaduc de Garabi qui fait 700 mètres de long,

01:06 qui est 120 mètres au-dessus de la Trouillère,

01:09 donc c'est des ouvrages incroyables.

01:10 C'est grâce à ces ouvrages qu'il a pu faire la Tour Eiffel ensuite.

01:12 Et justement, il y a aussi un autre monument emblématique forcément,

01:15 que là tout le monde connaît, on ne pense pas forcément à Gustave Eiffel,

01:17 quand on parle de la statue de la liberté,

01:19 il a eu un rôle important dans sa construction ?

01:21 C'est comme assez incroyable d'être à la source

01:24 des monuments les plus iconiques de la planète.

01:26 Donc la Tour Eiffel, la structure interne de la statue de la liberté,

01:28 c'est Gustave Eiffel, et sans elle la statue ne tiendrait pas,

01:31 donc c'est un rôle aussi qui est très important.

01:32 Alors il y a 500 constructions à peu près

01:34 qui ont été référencées dans le monde, signées Gustave Eiffel ?

01:36 Il y a aussi des ponts portatifs,

01:37 il y en a encore plus dans le monde entier.

01:39 Encore plus ?

01:39 Tout à fait.

01:40 Vous avez un préféré là-dedans ?

01:41 Alors j'ai une petite préférence pour l'observatoire de Nice,

01:46 qui n'est pas le plus grand, mais qui est toujours dans Gustave Eiffel,

01:48 il y a toujours le petit truc technique en plus.

01:49 Et l'observatoire de Nice, c'est une coupole de 100 000 kg

01:53 qui repousse sur un flotteur annulaire,

01:57 et donc cette énorme coupole flotte sur un liquide,

01:59 et donc on peut la faire tourner avec une petite planivelle.

02:01 Donc il y a toujours des solutions pratiques comme ça

02:02 dans tout ce que fait Gustave Eiffel,

02:03 et c'est vraiment toujours très intéressant.

02:05 Qu'est-ce qu'il avait justement de plus

02:07 par rapport à tous les autres ingénieurs de son époque ?

02:09 Pourquoi son style reste encore aujourd'hui inimitable ?

02:11 Alors je pense qu'il y a beaucoup de raisons,

02:13 mais pour faire simple, il a un système d'organisation

02:16 qui est très très poussé, toujours à la pointe de la technique,

02:18 il dépose même beaucoup de brevets.

02:20 Il s'entoure de très très bons techniciens, d'ingénieurs,

02:23 qui restent avec lui tout au long de sa carrière.

02:24 Il veut toujours chercher de nouvelles techniques ?

02:26 Absolument, toujours à la pointe du progrès.

02:28 Et puis il y a la standardisation aussi,

02:29 c'est quelqu'un qui commence à trouver de nouvelles techniques,

02:31 et notamment la standardisation des pièces,

02:32 puisque tous ses ouvrages sont préfabriqués

02:34 dans ses usines de volopéret,

02:36 ensuite mis en caisse et envoyés dans le monde entier

02:39 où elles seront remontées comme des grands mécanos.

02:40 Ça c'est un des grands principes de Gustave Eiffel.

02:42 Alors intéressez-nous à la Tour Eiffel,

02:43 on en a parlé encore dans le journal,

02:45 avec effectivement ce son et lumière

02:47 qui a été réalisé sur cette Tour Eiffel,

02:49 300 mètres de haut.

02:51 Elle vient de où cette idée ?

02:53 Comment tout de suite il va se dire

02:54 on va faire une tour de plus de 300 mètres de haut en plein Paris ?

02:56 Alors ça c'est un des sujets qu'on aborde dans l'exposition,

02:58 c'est que Gustave Eiffel n'est pas venu un jour en disant

03:00 « tiens on va faire une tour de 300 mètres, ça serait sympa ».

03:02 Non, c'est un peu plus long à venir.

03:03 C'est une idée qui a commencé au début du 19e siècle,

03:06 en 1832 très exactement.

03:08 Il y a un ingénieur qui a dit « maintenant avec les nouvelles techniques

03:10 de la révolution industrielle,

03:11 on va pouvoir monter beaucoup plus haut qu'avant,

03:12 que les 150 mètres grosso modo des monuments

03:15 de la pyramide de Cheops ou des cathédrales.

03:18 Il va faire deux fois plus.

03:19 Voilà, on va doubler, on va atteindre 1000 pieds de haut,

03:21 donc ce qui fait à peu près 300 mètres.

03:22 Et il y a eu plusieurs projets donc tout au long du 19e siècle

03:25 qui essaient de s'approcher de cette hauteur mais qui n'y arrivent pas.

03:27 Et puis c'est enfin en 1989 que Gustave Eiffel

03:28 va être le premier à relever le défi.

03:30 Donc c'est d'abord une grande prouesse technologique.

03:32 Absolument.

03:33 Technique aussi, effectivement.

03:34 Il paraît que Gustave Eiffel avait un appartement privé,

03:36 premier étage de la Tour.

03:37 C'est vrai, ça fait partie des mythes ?

03:38 Absolument. Dans la convention qui est signée avec l'Amérique de Paris,

03:40 c'est bien stipulé que le troisième étage aura un appartement

03:43 réservé à Gustave Eiffel.

03:44 Il y reçoit tous les grands de ce monde.

03:46 Et puis c'est aussi un laboratoire puisque Gustave Eiffel utilise

03:48 la Tour Eiffel comme un laboratoire pour ses expériences,

03:50 pour ses recherches.

03:51 Donc c'est un lieu de travail aussi également.

03:52 La Tour Eiffel, elle est emblématique aujourd'hui,

03:54 évidemment de Paris, de la France.

03:55 Tout le monde la connaît dans le monde.

03:56 Et pourtant, à l'époque, c'est extrêmement décrié, ce projet.

03:59 Tout à fait.

03:59 Donc, c'est très intéressant de se dire que c'est devenu une évidence

04:04 pour nous, mais c'est tout le contraire.

04:05 En fait, il y a vraiment eu mille batailles que Gustave Eiffel a dû mener

04:08 pour convaincre les pouvoirs publics,

04:10 lutter contre les opposants et puis bien sûr la construire.

04:12 Donc, ça a été très, très compliqué.

04:13 Il y a eu, les plus grands artistes étaient contre.

04:15 Ils ont signé des pétitions pour essayer d'arrêter la construction.

04:17 Après la construction, il y a des comités qui ont essayé de...

04:19 Pour la détruire.

04:20 ... de la détruction.

04:21 Elle devait être détruite.

04:21 Elle devait être détruite, oui.

04:22 Elle devait être détruite, mais il y a des gens qui essaient de la détruire

04:24 même avant la fin de la concession.

04:25 Et ce qui va sauver la Tour Eiffel, c'est les recherches que Gustave Eiffel y mène,

04:28 les recherches scientifiques.

04:30 Et puis, la TSF qui va sponsoriser.

04:32 Il va faire venir le capitaine Ferrier qui développe la TSF pour l'armée,

04:35 mais qui n'a pas de financement de ses supérieurs hiérarchiques.

04:38 Il va tout financer de sa poche, l'installe.

04:41 Et grâce à ça, la TSF se développe et la Tour devient hautement stratégique.

04:44 Plus qu'une raison de la détruire maintenant.

04:45 Donc, c'est vraiment l'audiovisuel qui a un petit peu sauvé la Tour Eiffel.

04:48 D'abord, la radio.

04:49 C'est vrai que dès 1937, il y a eu les premiers essais de télévision

04:53 depuis la Tour Eiffel aussi.

04:54 Donc, c'est vraiment ça qui va sauver la Tour.

04:55 Vous parlez d'un mot, des ponts certains qui sont menacés.

04:58 Effectivement, aujourd'hui, on veut détruire certains ouvrages de Gustave Eiffel.

05:00 Alors, c'est compliqué quand on a des très grandes structures,

05:02 tant qu'elles sont utilisées.

05:03 Par exemple, le pont de Garaby, le viaduc de Garaby est toujours utilisé aujourd'hui.

05:07 Mais si la ligne devait s'arrêter, il y a des discussions autour de ça.

05:10 Alors, on se pose la question, même si le monument est classé,

05:12 même s'il est très important dans l'histoire de l'architecture et de l'ingénierie,

05:16 qu'est-ce qu'on en fait ?

05:16 Ça coûte quand même très cher de garder ces ponts en état.

05:19 Et on a le cas notamment à Porto,

05:20 où le pont Mariapia n'est plus utilisé depuis la fin des années 90

05:23 et son état se dégrade.

05:24 On est très inquiet.

05:24 Donc, on fait tout ce qu'on peut.

05:25 Là, vous arrivez à vous mobiliser.

05:26 Il faut aussi retrouver de nouvelles utilisations pour ces ouvrages.

05:29 C'est la meilleure manière de les sauver.

05:30 C'est ce qu'on fait à Bordeaux, où ce qu'on appelle aujourd'hui la passerelle Saint-Jean,

05:33 qui est un pont de Gustave Eiffel, devait être détruite.

05:36 On l'a fait classer.

05:36 C'est grâce à votre association en partie.

05:38 Grâce au soutien de l'UNESCO aussi.

05:40 Et maintenant, on se bat pour trouver une utilisation,

05:41 notamment en circulation douce, pour Bordeaux,

05:43 pour que ça justifie sa pérennité.

05:45 En mars dernier, juste d'un mot pour finir,

05:47 vous avez déposé une demande de panthéonisation de votre aïeul Gustave Eiffel.

05:50 On en est où ?

05:51 Est-ce que ça a une chance de voir le jour ?

05:52 C'est un long processus.

05:54 C'était le moment de le faire cette année du centenaire.

05:57 Ça nous paraît très important par rapport à l'œuvre de Gustave Eiffel,

05:59 mais aussi tous les bâtisseurs, les constructeurs, les ingénieurs

06:02 qui ne sont pas du tout représentés ou très peu au Panthéon.

06:05 C'est un combat qu'on a commencé, on ne va pas le terminer.

06:07 Si ce n'est pas cette année, on va continuer à défendre l'idée.

06:10 On espère que dans quelques années, il sera honoré de cette manière.

06:13 Effectivement, c'est un nom qui restera pour toujours dans l'histoire de France.

06:16 Merci beaucoup Samuel Yedman Eiffel.

06:18 Je rappelle votre exposition Eiffel, toujours plus haut.

06:20 C'est à voir jusqu'au 7 janvier.

06:21 Donc on se dépêche, il reste quelques jours.

06:23 C'est sur le parvis de la Tour Eiffel à Paris.

06:25 Merci beaucoup, bonne journée.

06:26 Merci à vous.

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