[#Exclusif] Interview du collectif des survivants du naufrage du navire Esther Miracle du 9 mars 2023
066441717 011775663
̂ :
https://lc.cx/9dgPhl
#GMT
#GMTtv
#Gabon
066441717 011775663
̂ :
https://lc.cx/9dgPhl
#GMT
#GMTtv
#Gabon
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 Avant tout nous n'aurons de cesse, alors là, jamais de cesse, de dire merci à Dieu qui nous a tiré
00:18 de l'eau, de l'océan Atlantique et qui nous a sorti de la mort, une mort certaine. Nous sommes
00:27 le produit de son miracle et de son amour. Ensuite nous disons merci au peuple Gabonais qui,
00:36 comme un seul homme, unit dans la douleur et le malheur et la fraternité, s'est associé à nous,
00:47 nous apportant un amour certain, un reconfort certain. Je suis survivant du naufrage de Esther
01:01 Miracle le 9 mars 2023 à Nyonier au large des côtes du Gabon avec moi deux sœurs à moi qui
01:12 sont des survivantes de la dite catastrophe. Par ailleurs je suis le président du collectif de
01:21 survivants de la dite tragédie. Je suis Euloges Foundjangoy. Nous sommes ici pour essayer d'élucider
01:37 quelques zones d'ombre et exprimer notre désarroi au vu de l'évolution de notre situation après
01:47 accident. Il y a bien eu le 9 mars 2023 au Gabon, il y a eu un naufrage, c'était une idée dite,
01:59 il n'y a jamais eu une telle situation au Gabon. Il y a eu un naufrage, un naufrage du bateau Esther
02:09 Miracle de la compagnie Royal Coast en partance de Libreville pour Port Gentil. Il était une
02:20 heure du matin lorsque l'agent de gendarmerie est venu nous annoncer que le bateau était défaillant,
02:28 que le commandant avait décidé de repartir sur Libreville. Puis à 2 heures du matin il revient
02:35 pour nous dire le commandant ne repart plus sur Libreville, il a dit il cherche une côte. Zita
02:41 à ma gauche lui demande même vous êtes sûr que dans une heure on va arriver à la côte parce
02:46 qu'il avait promis que c'est dans une heure. Les minutes qui ont suivi le bateau a été arrêté en
02:52 plein océan et voici que la catastrophe a commencé. Les gens couraient dans tous les sens, aucune
02:59 instruction nous avait été donnée. Les gilets que nous avions pu trouver, qui trouvait un gilet,
03:04 pouvait dire à l'autre regarde à tel endroit et puis ça criait dans tous les sens, c'est allé dans
03:09 tous les sens. Le bateau s'est renversé, certains d'entre nous ont vu d'autres mourir, ont vu le
03:18 sang gicler. Bref c'est des faits que nous avons vécu que nous ne souhaitons à personne, même pas au
03:28 pire de nos ennemis. Nous n'avons reçu le secours ni de Royal Coast parce qu'ils se sont placés dans
03:38 leur canoë et puis se sont retirés, nous regardant flipper dans le bateau. Ils se sont mis à l'écart
03:45 sans nous donner des recommandations. Ensuite nous n'avons reçu aucun secours de l'état et puis
03:55 nous sommes restés dans l'eau de 3 heures du matin, 2 heures moins, 3 heures moins à 8 heures du matin
04:03 lorsque le commandant Mugula de la compagnie Pesho vient nous chercher. C'est pourquoi en plus de Dieu
04:13 du peuple gabonais, nous n'aurons de cesse d'exprimer et nous ne savons comment le faire,
04:21 notre reconnaissance à cet homme, ce héros national, Gui Noël Mugula, sans qui nous ne serions plus.
04:31 Parce qu'à midi, le 9, à 17 heures, nous serions en train de nous regarder mourir l'un après l'autre,
04:39 impuissant et puis c'était fini. Depuis que nous sommes à terre, nous observons un délaissement
04:52 et de la compagnie Royal Coast qui était notre armateur, propriétaire de Esther Miracle et de
05:04 toutes les entités administratives qui auraient pu nous apporter assistance. Deuxièmement,
05:14 il nous a été fait le reproche de nous être tués parce que nous aurions reçu 3 millions de francs.
05:25 Nous allons dire que nous nous sommes tués parce que nous nous sommes confiés à la justice du pays,
05:33 simplement parce qu'il souviendra à tout le monde qu'une instruction avait été lancée par le
05:41 gouvernement. Le procureur de la république désigné pour cette affaire avait lancé les démarches,
05:50 avait lancé les enquêtes et le dossier est en cours au tribunal. Tout le monde sait que c'est
05:59 une affaire très lourde, très difficile. Le dossier est en cours au tribunal, il est en instruction.
06:05 Et donc nous nous sommes remis à la justice, espérant qu'après avoir vidé cette partie pénale,
06:16 nous puissions enfin nous introduire un dossier pour ce qui est de la partie civile. Voici
06:25 principalement ce qui explique notre silence. Deuxièmement, nous revenons sur le fait de 3
06:33 millions que nous avons reçus de la part du président de la république de l'époque. Et
06:40 nous allons vous dire au cours de la visite que le premier ministre de cette époque nous a
06:46 réservé, il a dit ceci exactement. Je suis venu vous apporter un petit geste du chef. Le geste
06:59 du chef c'est vrai n'est jamais petit, mais c'est un geste. Un geste pour essayer de vous acheter
07:07 tout ce que vous avez perdu en mer. Et ce n'est pas une indemnisation. Il a été clair, il n'a
07:17 nullement été ici question d'indemnisation, ni des survivants qui ont reçu chacun 3 millions de
07:23 francs, ni des personnes disparues, décédées, dont les familles ont reçu 10 millions à l'effet
07:32 de l'organisation des obsèques. Donc nous sommes ici pour essayer de recadrer tout le monde, pour
07:41 rappeler la conscience collective. Il y a bien eu un naufrage au Gabon et au Gabon on ne peut pas
07:48 faire, ni les pouvoirs publics, ni le peuple, faire comme s'il n'y avait pas de naufrage au
07:58 Gabon. En plus il y a eu des survivants à ce naufrage au Gabon et nous laisserons toujours
08:05 entendre notre voix. Nous parlerons toujours au nom de nos parents qui sont partis dans l'eau,
08:11 au nom des nôtres qui ont disparu. Nous parlerons toujours à notre nom. C'est pourquoi nous sommes
08:19 vivants ici, nous sommes restés survivants. Nous en appelons très humblement à la très haute
08:35 attention du président de la transition, chef de l'état, président du comité pour la restauration
08:48 des institutions, le général de brigade Brice Clotaire Olegui Ngema, à avoir pour nous un
09:04 regard bienveillant pour pouvoir faciliter le règlement de cette situation. D'une part.
09:15 D'autre part, il n'est pas possible que l'on fasse aux sorties de cette catastrophe comme si
09:21 de rien n'était au Gabon, comme si rien n'avait eu lieu. De cette situation nous devons tirer un
09:28 héritage, un héritage que nous allons confier, que le Gabon entier doit confier aux générations
09:36 à venir, aux générations futures. Ce serait notre mal, ce serait la politique d'autruche que nous
09:45 devons faire comme si il n'y avait jamais eu de catastrophe. C'est inédit, ça n'arrive jamais
09:51 tout le temps. Si c'est arrivé, pourquoi ? Que faire pour que ça n'arrive plus jamais ? Donc
10:01 c'est la raison pour laquelle nous sommes venus ici. Il faut un héritage certain que l'on laisse
10:07 aux générations futures dans notre pays à l'issue de cette catastrophe. Je martèle pour dire que les
10:16 3 millions que nous avons reçus n'étaient pas une indemnisation. On ne peut pas indemniser un
10:24 survivant ou un rescapé d'une catastrophe maritime à hauteur de 3 millions, même pas un décédé à
10:33 hauteur de 10 millions. Tout est codé, tout existe dans un code. C'est planifié, c'est prévu. Ça
10:45 c'est le 1. Le 2, nous avons comme je vous le disais été auditionnés. C'est tout. Les résultats
10:55 de l'enquête ou des enquêtes, nous ne les avons pas encore jusqu'à maintenant. Voilà, tout ce que
11:01 nous savons, c'est que le dossier est en cours. Il est en cours d'instruction. Le moment viendra
11:08 certainement où les personnes indiquées, les personnes qui peuvent donner les résultats de
11:14 ces enquêtes devront se prononcer et les donner. Nous avons appelé à la haute attention du
11:25 président républicain, c'est à dire le pouvoir sortant. Maintenant nous sommes dans une nouvelle
11:31 ère. Notre pays traverse, vit, accédé à une nouvelle ère. Nous en appelons bien sûr à la
11:40 plus haute autorité de ce pays pour pouvoir se pencher sur ce problème afin qu'il soit réglé.
11:49 Régler ce problème, ce n'est pas qu'une question d'indemnisation, mais c'est bien au-delà. C'est
11:58 bien au-delà. Et là, nous qui avons vécu cette situation, nous en avons des propositions.
12:04 Je me prénomme Niyongi Zida, survivante du 9 mars 2023 du Esther Miracle. Alors je prends juste
12:18 la parole pour dire huit mois après, pour exprimer mon sentiment, huit mois après le naufrage Esther
12:26 Miracle. C'est tout simplement un sentiment de désolation, un sentiment de honte parce que nous
12:34 sommes dans un état de droit et dans un état de droit où les choses ne sont pas faites dans les
12:41 normes, ça fait mal. Au sortir de ce naufrage traumatisé que nous étions, on n'avait pas cette
12:51 pensée de faire un tapage médiatique parce que de facto on fait confiance à la justice gabonaise.
12:58 Parce que si Gabonais lambda, nous ne faisons plus confiance à la justice, où irons-nous alors ? Nous
13:06 en sortant de là, on fait confiance à cette institution et on se dit les choses se feront
13:12 dans la norme parce qu'il y a eu mort d'hommes et parce qu'il y a des témoins, des témoins vivants
13:19 de cette catastrophe. Alors au vu de la tournure de certaines situations, on se rend compte que
13:30 notre état n'a même pas un regard vis-à-vis des vivants, des survivants, des témoins de ceux-là
13:38 qui sont décédés. Nous encore nous avons eu la grâce d'être en vie mais ceux-là qui ne sont
13:44 plus pour dire comment ils sont morts. Pour ceux-là que des parents n'ont même pas pu retrouver leur
13:54 leur corps. Qu'est ce qu'on fait d'eux ? Est-ce qu'il suffit juste de rester les bras croisés et
14:02 attendre que les survivants viennent faire un tapage ? Non ! Ça, ça devait d'abord, ça devait
14:11 interpeller tout le monde. Ça ne peut, ce qui arrive aux autres peut également nous arriver.
14:19 Aujourd'hui la marine marchande se permet, huit mois après, de faire une merse d'action de grâce.
14:29 Vous faites une action de grâce où vous ne conviez même pas les survivants de qui se moquent-on.
14:36 Dans ce naufrage, moi j'en ai perdu cinq membres de ma famille et cinq membres de ma famille,
14:44 c'est pas des cousins, c'est la même famille, la même maison. Vous vous rendez compte ? Ces
14:51 personnes ont laissé des enfants. Nous sommes tous africains. Qu'est mieux que son parent peut
14:56 prendre soin de son enfant ? Je pourrais avoir une somme de 10.000 francs. De facto mon regard ne va
15:02 pas d'abord se tourner vers eux, il se tournera d'abord vers les miens. Et ces enfants-là,
15:07 qu'est-ce qu'on fait d'eux ? L'État aussi là, il ne dit rien. Pourtant c'est un bateau, c'était une
15:14 compagnie qui avait tous les papiers, si je peux dire ça comme ça. Si le bateau a eu cette
15:25 autorisation de navigation, c'est parce que l'État a mis son cachet. Ça veut dire que le
15:31 temps a un rôle à jouer dans ça. Et pourquoi rester muet ? Pourquoi attendre que les survivants
15:39 fassent un tapage, sachant très bien qu'il y a eu cette catastrophe au Gabon ? Pour revenir,
15:45 le premier ministre sortant, Billy Binzey, nous laissait croire qu'il devait y avoir un monument.
15:53 Il n'y a même pas l'ombre des travaux, il n'y a même pas un semblant de sable qui prouve que
16:02 bon à cet endroit on va ériger un monument en mémoire des disparus. Pourtant ce sont des promesses
16:11 qui ont été tenues. Est-ce que cela ne compte pas ? Donc pour moi c'est décevant, décevant dans
16:23 un État où on s'est dit un État de droit. Nous avons eu confiance à la justice gabonaise et jusque
16:35 là encore on croise les doigts parce qu'on se dit qu'il y a encore des gens qui ont la morale,
16:43 il y a encore des gens sensés. Il y a des gens qui se disent qu'on fera taire cette histoire comme
16:51 il y a eu lors du crash. Mais nous nous disons non, nous allons nous lever parce que nous avons
17:02 peur des gens. Pour moi lorsque je parle de cette histoire ça me refait vivre. Moi quand je fais le
17:07 bord de mer je ferme les yeux. Ça fait huit mois que je n'ai pas mis pied à la mer. Pour moi,
17:14 pauvre gentil, pourtant j'ai ma famille qui s'y trouve, mais je ne rêve même plus un seul instant
17:18 et aller. Est-ce que ces gens pensent à l'état psychologique des survivants ? Ils ne pensent pas
17:26 cela. Aujourd'hui lorsque tu vas dans une structure hospitalière, tu vas te présenter, on ne va pas
17:32 te considérer en fait. On ne te considère pas. Même si tu dis que tu as été naufragé, on ne te
17:38 considère pas. Moi pratiquement à trois heures du matin je ne dors pas. C'est devenu comme si
17:43 c'était une cloche. Dès qu'il est trois heures, peu importe ce que je peux faire, trois heures je
17:47 suis debout. Et c'est jusqu'à quatre heures, cinq heures. Est-ce qu'on connaît les répercussions
17:52 de ça ? Dans cinq, six, sept ans, dix ans après. Pourquoi ? C'est pourquoi nous appelons au président
18:03 de la transition. Nous savons que c'est une transition qui vient d'arriver, qui a trouvé
18:09 tellement de problèmes. Mais les sortes de la félicité passent par tout cela. Avoir un oeil
18:18 regardant face à cette situation qui se déroule en fait. On ne peut pas vouloir arranger X et
18:30 laisser X. Qu'ils mettent un regard à cette situation. De telle sorte que si au niveau de la
18:41 justice, connaissant l'ancien système, on est capable de se dire "laissons tomber" et puis
18:50 essayons de tourner ça comme ça jusqu'à ce qu'on leur fera oublier ça. Mais c'est la chose que nous
18:59 ne voulons pas. S'il fallait qu'on se lève de jour comme de nuit pour faire entendre notre voix,
19:04 on le fera. Mais huit mois après, c'est juste un sentiment de désolation. Et on se dit "on aurait
19:11 aimé que les chaînes publiques, face des émissions, nous interpellent, nous demandent". Mais on n'a rien,
19:20 rien, rien reçu de ça. Et même lorsque ces personnes-là venaient nous interviewer, les
19:25 réactions que l'on donnait, la vérité n'a jamais été dite. Beaucoup prenaient juste les séquences
19:31 où on prenait à peine une personne et on remercie le chef de l'état. C'est tout ce qu'on prend. Mais
19:36 le fond, on ne le prenait pas. Et c'est ça qui a fait en sorte que certains aînés se sont dit "bon
19:42 comme nous avons eu 3 millions et puis on a fermé nos bouches". Mais non, on a dénoncé certaines
19:47 choses mais qui n'ont jamais été dites. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus si ceux qui sont censés
19:57 nous relayer ne le font pas ? Nous avons quel pouvoir ? Mais huit mois après, c'est une douleur
20:07 qui est là. Tu dors, tu te réveilles, tu peux même faire semblant d'être occupé. Mais la chose est là.
20:13 Ce n'est pas traité en fait. Et puis revenir à chaque fois. Parce qu'il faut toujours y penser,
20:18 le procès, il faut toujours y penser. On revit toujours la même chose. Mais nous on a envie de
20:23 se séparer de ça. Parce que me retrouver à une réunion où je dois parler toujours d'Ester,
20:28 Miracle, ne me donne pas de bons souvenirs en fait. J'ai envie que cela cesse, que ça se termine. Je
20:38 me fais suivre. Mais revenir à chaque fois et me dire qu'il y a des gens qui ne veulent pas faire
20:44 en sorte que les choses aillent dans l'optique de pouvoir arranger les choses, ça fait plus mal.
20:52 Voilà.
20:53 [Musique]