Zineb El Rhazaoui : "L'armée israélienne est barbare !"

Sud Radio

16/11/2023

Avec Zineb El Rhazoui, écrivaine, journaliste, ex-journaliste de Charlie Hebdo

Retrouvez Parlons Vrai chez Bourdin du lundi au vendredi de 10h30 à 12h30 sur Sud Radio

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00:00 - Il est 9h19, vous êtes sur Sud Radio, encore une fois merci, vous êtes de plus en plus nombreux à nous écouter, ça nous fait plaisir.

00:06 Avec nous, Zineb El Razoui, bonjour !

00:10 - Bonjour !

00:12 - Je rappelle que vous êtes écrivaine journaliste, que vous avez travaillé pour Charlie Hebdo de 2011 à 2016,

00:19 vous êtes très protégée parce que vous avez été très menacée,

00:23 et vous avez pris des positions là sur le conflit du Proche-Orient qui ont fait réagir,

00:29 vous l'avez remarqué, Zineb El Razoui ?

00:33 - Absolument ! Ecoutez, Monsieur Bourdin, moi mon combat a toujours été un combat pour la liberté,

00:40 notamment pour la liberté d'expression,

00:42 donc c'est une liberté que je saisis aujourd'hui pour défendre quelque chose qui me semble juste.

00:47 Et ce qui me semble juste, c'est qu'il n'y ait pas de double standard,

00:50 lorsqu'on parle d'un conflit aussi douloureux, aussi long que celui du Proche-Orient, en Israël-Palestine,

00:59 et je vous avoue que j'ai été plus que choquée, c'est-à-dire que cela m'a glacé le sang, Monsieur Bourdin,

01:07 de voir qu'il y a beaucoup de voix qui en France agissent sous le couvert de l'humanisme, de la laïcité, de l'universalisme,

01:16 qui depuis maintenant des semaines ne condamne que la mort des civils du côté, voire même la mort des militaires du côté israélien.

01:26 Pour ma part, je condamne toutes les morts civiles, sans distinction entre le côté israélien et le côté palestinien.

01:36 Il y a eu le jour du 7 octobre, lors de l'attaque perpétrée par le Hamas, selon le bilan israélien, 1200 morts,

01:43 dont une partie de militaires. - Vous le mettez en cause, ce bilan ?

01:48 - Je ne le mets pas en cause, mais en tant que journaliste, je dois préciser la source qui donne le bilan.

01:54 Vous voyez, ce n'est pas moi qui le donne, ce n'est pas mon bilan, je ne suis pas sur place.

01:58 - Pardon, excusez-moi, je vous interroge juste un petit, au passage, je ne veux pas revenir sur les 1200 morts,

02:06 chiffre israélien, du massacre du Hamas.

02:09 Puisque vous me dites que vous êtes journaliste et que vous donnez vos sources, je lis vos tweets,

02:14 depuis 36 jours, plus de 11 000 palestiniens ont été tués par l'armée israélienne,

02:17 plus que dans la guerre en Ukraine en un an. Vous ne donnez pas vos sources, là.

02:21 Vous ne dites pas que c'est la source du Hamas, là.

02:24 - Alors, le nombre de morts du côté palestinien sont données soit par le Hamas,

02:31 soit par le gouvernement de l'autorité palestinienne, soit aussi par des forces...

02:36 - Pardon, mais les chiffres viennent du Hamas, vous le savez bien, Zineb.

02:40 - Excusez-moi, il y a une autorité palestinienne qui est en Céjordanie,

02:45 qui n'est pas coupée de la bande de Gaza, qui est coupée géographiquement,

02:48 mais qui n'est pas coupée sur le plan social, sur le plan populaire. Et je vous rappelle aussi...

02:55 - Alors, autant préciser que les chiffres viennent aussi de l'autorité palestinienne, autant le préciser.

03:01 - Absolument, absolument. Et vous savez que ce sont les seuls chiffres qu'on a à notre disposition.

03:07 - Vrai ou faux, on ne sait pas.

03:09 - On ne sait pas, mais toutefois, alors on sait aujourd'hui, les chiffres qui ont été révélés

03:15 par des organes de presse comme Le Monde, comme le New York Times,

03:20 parlent, à l'heure où nous parlons, d'à peu près 12 000 morts du côté palestinien.

03:24 - Mais vous avez remarqué, pardon Zineb de vous interrompre encore une fois,

03:28 mais vous avez remarqué que Le Monde, comme le New York Times,

03:31 prennent des précautions lorsqu'ils donnent des chiffres.

03:34 - Il faut toujours prendre des précautions lorsqu'on donne des chiffres.

03:37 - À juste raison, je suis d'accord avec vous.

03:38 - Et je les prends aussi, ces précautions. Toutefois, il apparaît évident aujourd'hui que,

03:44 quelle que soit la précision des chiffres ou pas, nous avons quand même

03:48 beaucoup, beaucoup plus de morts du côté palestinien.

03:52 Et je tiens à ce que, dans un pays comme la France,

03:55 où nous avons toujours été attachés à la justice et à l'égalité et à l'esprit de fraternité,

04:00 nous condamnions aussi ces morts-là.

04:02 Alors, ne pas condamner évidemment les morts des militaires et des combattants des deux côtés,

04:07 mais les morts des civils des deux côtés cheval, pour moi le sang est le sang, la vie est la vie,

04:12 et un enfant palestinien n'a pas moins de valeur qu'un enfant israélien.

04:16 Et c'est pour ça que j'ai fait cette sortie, parce que je trouve cela insupportable

04:20 que l'on déshumanise le peuple palestinien, et que l'on considère que ces milliers,

04:26 ces centaines, je ne sais combien, évidemment je ne suis pas sur place, M. Bourdin,

04:30 je ne peux pas vous donner de chiffres précis, mais que toutes ces morts,

04:34 tous ces innocents qui ont péri, ne soient pas considérés comme simplement des dommages collatéraux.

04:39 C'était aussi des êtres humains.

04:41 - Alors, précisons, Zineb, et vous serez d'accord avec moi,

04:45 Zineb El Razoui, précisons que dans une guerre, les dommages collatéraux sont les civils.

04:51 Je voudrais quand même arrêter d'employer cette expression de dommages collatéraux que je déteste,

04:57 ce sont des civils qui sont tués, d'ailleurs dans les guerres, des civils sont tués,

05:01 c'est malheureusement toujours comme ça que ça se passe.

05:04 Vous parlez de barbarie israélienne ?

05:07 - Absolument, parce que je suis d'accord, d'abord sur ce terme que vous qualifiez de détestable à raison,

05:14 les dommages collatéraux.

05:16 Toutefois, vous savez, si l'État d'Israël avait fait une incursion au sol, combattant contre combattant,

05:23 je pense que personne, personne n'aurait contesté la légitimité d'une riposte israélienne.

05:30 Mais bombarder de façon continue, avec autant de bombes, des populations,

05:36 alors on prétend qu'on leur a dit de partir, mais partir où ?

05:40 Il n'y a pas d'endroit safe à Gaza, où peuvent-ils partir ?

05:44 Donc c'est pour moi, c'est comment dire, il en va de notre humanité,

05:49 il en va de notre crédibilité de dire ces mots-là.

05:53 Vous voyez, on a même coupé l'eau à la population de Gaza,

05:57 vous faites l'air d'humanitaire, vous êtes inhumain, inhumain !

06:00 - Oui, vous employez le mot à des fins, barbarie israélienne, vous le maintenez.

06:07 - Quand on tue des enfants, monsieur Boudin, de tous, quel que soit l'assassin,

06:13 et quelle que soit l'origine, la religion, la couleur des enfants,

06:17 lorsqu'on tue des enfants, ça s'appelle de la barbarie, je ne trouve pas d'autres mots pour caster ça.

06:21 - Barbarie du Hamas, de la même manière.

06:24 - Barbarie, pour moi, toute personne ou institution qui tue des enfants et qui tue des civils,

06:31 est une institution barbare. Le Hamas, comme l'armée israélienne, sont des barbares.

06:36 - Est-ce que la riposte d'Israël est légitime ?

06:42 - Écoutez, il ne faut pas oublier que dans cette situation, on a un occupé et un occupant.

06:50 Et selon tous les critères du droit international, un peuple qui subit l'occupation

06:55 a le droit de se défendre par les moyens qui sont à sa disposition, y compris des moyens militaires.

07:01 Par contre, droit de riposte, droit de défense de l'occupant, je ne sais pas dans quelle mesure cela est pertinent juridiquement.

07:08 Donc je comprends que l'État d'Israël veuille riposter contre le Hamas,

07:13 mais que cela se transforme en punition collective contre des civils des armées,

07:17 ceci est inacceptable dans toutes les morales et dans toutes les lois du monde.

07:24 - Je me souviens de ce que vous disiez en janvier 2020, Zineb El Razoui.

07:29 Vous étiez auditionnée par une commission d'enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste en France,

07:35 et vous affirmiez, je vous cite, "les frères musulmans sont aux portes du pouvoir".

07:40 Vous diriez toujours la même chose ?

07:42 - Écoutez, moi, mon combat a été un combat pour la laïcité et pour la liberté.

07:50 Et quand on dit laïcité, on a le devoir moral, pour être crédible,

07:55 de dénoncer tous les extrémistes religieux.

07:59 Alors aujourd'hui, quand on voit des colons israéliens fanatisés, radicaux,

08:06 pratiquer la colonisation illégale anti-jordanique, je pense qu'il faut aussi les dénoncer.

08:13 Et je ne comprends pas les doubles standards de ceux qui, en France, sous couvert de laïcité,

08:18 dénoncent l'islamisme à raison, mais se taisent, voire légitiment,

08:23 les crimes aussi qui sont religieux de la part du côté israélien.

08:28 Moi, personnellement, je ne ferai pas de différence entre les religions,

08:31 vous savez, je ne suis pas religieuse.

08:33 Pour moi, tous les religieux sont pareils, et pour moi, toutes les religions ont leurs extrémistes,

08:38 et je saisis ma liberté d'expression, puisque c'est ça l'esprit Charlie,

08:42 pour dénoncer cette mascarade-là, et pour dénoncer ces doubles standards que je trouve inadmissibles.

08:48 - Donc, vous rediriez "les frères musulmans sont aux portes du pouvoir".

08:52 - Ce n'est pas ce que j'ai dit, il me semble, dans ma réponse.

08:55 Je vous ai parlé d'autre chose, mais non, j'ai dit que moi, je dénonce aujourd'hui.

08:59 - Oui, oui, non, mais c'est ce que vous avez dit en 2020.

09:04 - Monsieur Cotard, il y a des massacres qui se produisent à l'instant même où on parle,

09:09 ce qui est important, ce n'est pas ce que j'ai dit en 2020.

09:11 Ce qui est important, c'est l'actualité d'aujourd'hui, et aujourd'hui, je dis...

09:15 Aujourd'hui, je dis... Voilà ce que je dis aujourd'hui.

09:17 Aujourd'hui, je dis, les extrémistes de tous bords doivent être dénoncés.

09:22 Si on est sincère dans notre lutte pour la laïcité, pour nos valeurs universalistes,

09:28 eh bien, il n'y a pas de différence entre un être humain et un autre,

09:31 et il n'y a pas de différence entre un extrémiste et un autre.

09:33 Il n'y a pas des extrémistes qu'il faut dénoncer, et d'autres sur lesquels, dont il faut taire les crimes.

09:39 Ça, je n'en serai jamais complice, monsieur Bourdin.

09:41 - Merci beaucoup, Zineb El Razoui. - Merci à vous.

09:43 Je vous ai offert la parole, ce qui est normal, parce que je voudrais absolument...

09:49 Vous savez, ce n'est pas facile, dans ces conditions, de faire son travail de journaliste,

09:53 mais c'est notre rôle de donner la parole à tous.

09:56 Ce n'est pas facile, parce que tout de suite, c'est une position extrême qui est prise par les uns ou par les autres.

10:03 Moi, je ne veux pas de ça, et je ne serai jamais dans une position extrême.

10:06 Bien, merci Zineb El Razoui.

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