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  • 06/11/2023
Ecrivain, journaliste, philosophe et éditorialiste à Radio Notre Dame, Gérard Leclerc est un esprit libre. Il le prouve dans un bel essai intitulé "Une autre Action Française". L’ouvrage est tout d’abord l’évocation d’un parcours politique personnel. Séminariste, militaire, c’est mai 68 qui mène Gérard Leclerc vers le journalisme… et vers la découverte de certains de ses futurs maîtres : Gustave Thibon, Pierre Boutang et Pierre Debray. Dans cet essai, l’écrivain s’exprime aussi sur la figure tutélaire de Charles Maurras : "En dépit de tous les problèmes que j’ai pu avoir avec lui, avec son héritage, je ne me suis jamais séparé de Maurras. Sans lui, je ne serai pas royaliste !". Il dépeint un Maurras humaniste et chrétien. Ces affirmations ne manqueront pas de susciter le débat. En conclusion, Gérard Leclerc rappelle que toute sa vie, à son poste de vigile et de militant, il a essayé de répondre aux enjeux du temps. Un entretien instructif et attachant…

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Transcription
00:00 Écrivain, journaliste et philosophe, éditorialiste à Radio Notre-Dame, Gérard Leclerc est un
00:11 esprit libre et il le prouve dans cet essai intitulé "Une autre action française".
00:16 C'est aux éditions de Flore et c'est en vente sur le site de TVL.fr, dans la boutique de TVL,
00:22 sur le site boutiqueTVL.fr. Les textes ont déjà été publiés mais ce n'est pas une
00:29 simple compilation. On va le voir Gérard Leclerc. Bonjour. Bonjour. Effectivement ce n'est pas une
00:33 simple compilation, c'est une révision complète des textes d'origine. Oui, ces textes sont parus
00:40 à peu près tous dans la Nouvelle Revue Universelle à part un, celui sur Gustave Thibon qui est paru
00:47 dans France Catholique. Certains d'ailleurs viennent de causeries que j'ai fait à des
00:55 étudiants et en fait ça constitue quand même un ensemble qui renvoie à une histoire très riche
01:04 qui est celle de l'action française. Effectivement vu sous un certain angle souligné par mon
01:11 préfacier Frédéric Rouvillois, ce qu'il y a d'autres façons d'envisager l'histoire de l'action
01:16 française, moi je dirais que c'est l'aspect disons le plus culturel voire civilisationnel.
01:23 Alors une autre action française, bien sûr c'est le titre que vous avez choisi et quelle est
01:29 celle qui vous intéresse ? Alors c'est vrai que dans sa préface le professeur Rouvillois que vous
01:32 venez de citer indique, un peu si bilingue, que l'action française qui vous intéresse c'est,
01:37 je le cite, au-delà du catéchisme, des violences et des bouffonneries, celle qui se conçoit comme
01:42 une immense effort pour défendre la civilisation humaine. Est-ce que c'est cela le cœur de la
01:48 défense de la civilisation ? C'est cela que vous retenez comme comme un espèce centrale de
01:53 l'action française ? Parce que souvent on a retenu de Maurras disons le côté polémiste voire
01:58 violent. Or Maurras est d'avant tout ce que j'appellerais un grand humaniste. Humaniste non
02:04 pas au sens viril nié que l'on accorde au terme, mais plutôt d'ailleurs au sens du 16e siècle,
02:10 c'est-à-dire quelqu'un qui est féru de grande culture. Il suffisait de consulter sa bibliothèque
02:19 à Martigues pour voir en fait que cet écrivain avait été formé aux plus fortes humanités. Un
02:30 simple exemple, un des plus beaux textes de Maurras s'appelle "Le conseil de Dante". Or il est
02:36 évident quand on lit ce texte que Maurras lisait et avait retenu Dante dans le texte, ce qui à mon
02:45 sens n'était le texte original. Ce qui à mon sens n'était même pas le cas de Peggy ou de Claudel
02:52 qui étaient de grands admirateurs aussi de Dante. Petit clin d'œil aussi, T.S. Eliot, immense poète
03:04 de la sphère anglo-américaine, accordait le plus grand crédit au texte de Maurras parce qu'il a
03:14 lui-même écrit son Dante qui commençait par une citation du conseil de Dante. Et vous retenez
03:20 donc c'est important de Maurras l'aspect humaniste et vous l'avez dit aussi mais c'est pas ce que la
03:27 postérité a retenu de lui. Oui parce que évidemment ce qu'on a retenu souvent c'est la période de
03:35 Vichy où Maurras a soutenu, je dirais mordicus, jusqu'au bout le maréchal Pétain. Alors il faut
03:44 bien voir quel est le sens de cet appui parce que, c'est amusant d'ailleurs, l'action française
03:51 est gaulliste jusqu'au 18 juin 1940. Quand De Gaulle rentre au gouvernement, l'action française
03:58 en fait des tonnes. Et pourtant il est sous-secrétaire d'État je crois à la guerre et l'action
04:04 française magnifie en quelque sorte en disant voilà c'est le grand homme. Et puis le 18 juin,
04:10 non pas du tout. Pourquoi ? Parce qu'à ce moment-là Maurras et Pigeot font le choix en fait de Pétain
04:18 et de Végan comme protecteurs du pays face à cette immense, comment dirais-je, désastre de mai 1940.
04:27 Et ils iront jusqu'au bout. Alors à mon sens il y a quand même un gros problème en 1942. Parce que
04:36 Churchill disait que l'armistice en fait lui avait rendu service. Mais en 1942 les choses ne sont
04:44 plus les mêmes qu'en 1940. Il n'y a plus de zone libre, la folte française s'est coulée etc. Donc
04:53 le propre neveu de Charles Maurras que j'ai bien connu, Jacques Maurras, pensait que le journal
05:00 aurait dû interrompre sa diffusion en 1942. Mais Maurras a préféré continuer, soutenir le
05:06 maréchal jusqu'au bout. Évidemment il l'a payé très cher par un procès et par des années
05:13 d'emprisonnement, pratiquement jusqu'à sa mort. Et ce que l'on retient évidemment c'est cette
05:18 période-là. Et ce qui aggrave les choses je dirais c'est l'antisémitisme de Maurras,
05:24 qui s'explique, qui n'a rien à voir avec l'antisémitisme nazi évidemment. Et qui s'explique
05:32 notamment par l'affaire Dreyfus, mais c'est toute une histoire, il serait un peu trop long de rappeler.
05:38 Mais autre idée reçue sur Maurras, à laquelle vous tordez le cou, c'est que l'auteur d'Athéna
05:45 n'est pas, de votre point de vue athée, qu'il n'est d'ailleurs pas du tout foncièrement hostile
05:51 au christianisme. Vous dites que ceux qui pensent cela c'est un contresens.
05:55 Oui alors là je rentre en fait dans une polémique je dirais avec mes amis démocrates chrétiens qui
06:02 n'ont cessé de... notamment Jacques Maritain, qui après une grande période, 20 ans en fait,
06:07 de proximité avec sa française, s'en est retrouvé l'adversaire le plus résolu. Et alors là il y a
06:14 évidemment tout un débat important. Moi je me fonde sur les taxes de Maurras. Alors là encore
06:26 c'est une longue histoire. Maurras perd la foi. Il perd la foi à la suite d'une épreuve personnelle.
06:34 Il devient sourd à l'adolescence, 14-15 ans, et c'est, comment dirais-je, une énorme épreuve
06:40 personnelle qui va l'amener d'ailleurs au bord du suicide et qui l'amènera à perdre la foi.
06:47 Et cependant cette perte de la foi ne signifie pas, je dirais, le désaveu du catholicisme dans
06:56 lequel il a été élevé. Et Maurras se fera l'apologète, à mon sens très inspiré, du catholicisme
07:05 comme colonne vertébrale vraiment de, comment dirais-je, de l'humanisme au sens fort du terme.
07:13 Et contrairement à ce qu'on dit, Maurras ne soucie, comment dirais-je, n'est pas l'apologète
07:18 du catholicisme uniquement en fonction des liens du catholicisme avec notre histoire nationale,
07:24 mais il est l'apologète du catholicisme comme à l'échelon universel. Ce que la civilisation
07:35 admet ailleurs, a supérieur, pour Maurras, elle le doit au catholicisme.
07:38 Alors ce qui est toujours intéressant dans l'ouvrage "Patience" c'est qu'on voit l'impact,
07:44 si vous me permettez le terme, que Maurras a eu sur les intellectuels de son époque,
07:48 puis après sa mort. Je pense premièrement à vous d'ailleurs parce que vous dites "en dépit de tous
07:54 les problèmes que j'ai pu avoir avec lui, avec son héritage, je ne me suis jamais séparé de Maurras,
07:58 sans lui je ne serais pas royaliste". Donc déjà parlons de vous, il a bien évidemment,
08:04 vous devez verser votre vie, parce que si j'ai bien compris, vous étiez séminariste,
08:09 vous auriez dû être prêtre, vous étiez militaire, vous auriez pu être militaire de carrière,
08:14 et vous avez endossé la triste mission et métier de journaliste.
08:20 – Oui, et ça je raconte comment les choses se sont passées. Alors je fais une petite,
08:25 comment dirais-je, objection, en fait je n'étais pas militaire de carrière.
08:33 Quand j'ai fait mon service militaire à la coopération dans un pays qui s'appelait à l'époque
08:39 la Haute-Volta, qui est aujourd'hui le Burkina Faso, et j'étais dans une mission de père blanc,
08:46 et les pères blancs auraient bien voulu que je continue en fait au-delà de mon année de
08:50 service militaire, et puis en fait je dirais que c'est l'appel de la patrie qui m'a requis.
08:55 Et je me suis retrouvé pour faire une licence de philosophie à la Sorbonne à l'époque,
09:01 et dans le climat de mai 68. Et c'est mai 68 qui m'a amené à l'engagement politique,
09:10 parce que il se trouve que j'ai joué, alors que c'était tout à fait inattendu,
09:16 enfin une sorte de leader, je suis devenu un peu le leader de la, comment dirais-je,
09:24 des jeunes d'Action Française, et alors on avait besoin d'un rédacteur, etc.,
09:32 qui représente en fait cette nouvelle génération, et c'est comme ça que j'ai été engagé
09:36 comme journaliste à Semaine de la France, et toute mon histoire en est sortie.
09:41 – À Semaine de la France qui avait pris la succession de l'Action Française,
09:43 ce journal étant interdit, il fallait bien évidemment changer de nom,
09:47 et cette fois-ci à Semaine de la France, à ce moment-là, n'est plus dirigé par Maurice Pujot,
09:52 compagnon de Maurras, mais par son fils Pierre Pujot.
09:56 Vous m'avez répondu à votre parcours personnel et politique,
10:02 vous ne m'avez pas dit en quoi Maurras était important pour vous,
10:06 sans lui je ne serais pas royaliste.
10:09 – Oui, parce que bon, il se trouve que j'étais d'une famille royaliste,
10:13 mon père était royaliste, mais, comment dirais-je, à cause de l'Action Française.
10:19 L'Action Française est venue dans ma famille à cause du frère aîné de mon père,
10:24 famille Nombreuse du Nord, mon père était le petit dernier, le douzième,
10:27 et son frère aîné était prêtre, et mon parrain d'ailleurs.
10:31 Et l'Action Française est venue dans la famille à cause de mon parrain prêtre,
10:35 à qui un paroissien, alors qu'il était vicaire dans les mines dans le Nord,
10:39 avait refilé le journal, et c'est comme ça que l'Action Française est entrée dans la famille,
10:44 et le plus mordu, enfin celui qui était le plus mordu à cause de mon oncle prêtre,
10:49 c'est mon père, et mon père était un redoutable, comment dirais-je, dialecticien,
10:56 et j'ai assisté très jeune à des conversations, etc.
11:01 Donc c'est lui qui m'a marqué, et je fais cette anecdote, je peux avoir dix ans,
11:07 je revenais de l'école avec un camarade, et je lui ai fait une profession de poids,
11:13 mon père et moi, nous sommes royalistes.
11:15 Alors le camarade en question était un peu surpris et pas très content,
11:19 parce qu'il était fils d'un garde mobile au service de la République,
11:23 et il avait été un peu décontenancé.
11:25 – Voilà, comme disait Maurice Chevalier, tout ça faisait le bon français au final quand même.
11:29 Alors ce qui est passionnant aussi dans l'ouvrage,
11:32 ce sont les nombreuses rencontres qui jalonnent votre parcours politique,
11:36 votre parcours professionnel, votre parcours journalistique,
11:39 et la proximité de certains maîtres, puisque c'est le terme que vous utilisez,
11:43 certains maîtres, et le tout premier est Pierre Boutan.
11:45 Alors comment le présenter rapidement à nos téléspectateurs, Pierre Boutan ?
11:50 – C'est pas facile, comment dirais-je, tout à la fin de son livre "Notre avant-guerre",
11:58 Braziac évoque sa dernière visite avec Maurras,
12:05 la guerre est déclarée, etc.
12:07 et il rencontre au bas de la prévue de l'Action Française, Pierre Boutan,
12:13 qu'il définit comme un bon appart jeune.
12:16 Déjà à l'époque, il était tout jeune, Boutan,
12:20 on sentait qu'il y avait un déconcertant génie derrière cet homme,
12:24 et Maurras en la personne de Boutan avait trouvé un interlocuteur à sa taille.
12:30 Alors il s'agit de philosophe, moi je dirais que Pierre Boutan est
12:33 le vrai philosophe de l'Action Française.
12:36 – Comment est-ce ?
12:38 – Il l'est professionnellement,
12:40 il l'est professionnellement et il a publié vraiment de très grands livres,
12:46 en particulier "L'anthologie du secret" et "L'apocalypse du désir"
12:53 qui sont des livres, à mon sens, considérables pour la pensée du XXème siècle.
12:58 Et quelqu'un qui l'a tout de suite reconnu, c'est Georges Steiner,
13:04 qui considérait que "L'anthologie du secret" était un texte considérable
13:08 et qui aurait toute une postérité.
13:11 Donc Boutan c'est d'abord un grand philosophe,
13:14 mais alors très très proche de Maurras et qui en a assumé,
13:17 je dirais, la succession à ce moment-là de la France,
13:22 où il a commencé, il faisait l'éditorial,
13:27 reprenant d'ailleurs la politique de Maurras, c'était la vie politique.
13:33 Et puis évidemment il y a la rupture en 1953,
13:36 Boutan quitte Aspect de la France et va fonder un nouveau journal,
13:40 mais tout à fait royaliste, qui s'appellera "La Nation Française".
13:43 Moi, ma rencontre avec Boutan en fait date de 71,
13:47 parce que j'étais à l'origine avec d'autres d'une rupture,
13:51 nous avons fondé à l'époque la "Nouvelle Action Française"
13:54 et c'est à cette occasion que j'ai rencontré Pierre Boutan
13:58 et je dirais que c'est une amitié qui s'est nouée avec lui jusqu'à sa mort.
14:05 – Pierre Boutan, fils de Maurras, fils spirituel de Maurras ?
14:09 – Absolument oui, même s'il est très différent du certain Boutan,
14:13 parce qu'il a toute une culture philosophique
14:15 qui était complètement étrangère à Maurras,
14:18 quand on parle de Heidegger, Vico, etc.
14:20 Donc, ce n'est pas du vert maurrasien,
14:23 mais il a considérablement élargi effectivement la culture maurrasienne.
14:28 – Alors, le deuxième, et on va rester dans les philosophes,
14:31 c'est une personnalité que moi j'ai eu la chance de côtoyer,
14:35 qui était un grand philosophe, alors il n'a pas de nom de rute en France,
14:39 même s'il le mériterait 100 fois, c'est Gustave Thibon,
14:42 vous dites de lui, Gustave Thibon, "La légende précédait l'homme",
14:46 ça c'est très joli, Thibon, le philosophe paysan, c'était tout lui.
14:50 – Alors, je l'ai assez bien connu, je l'ai rencontré un certain nombre de fois,
14:54 et j'ai eu mon premier souvenir avec lui,
14:57 c'est que nous avons parlé ensemble à Rouen,
15:00 c'était pour le centenaire de la naissance de Maurras, en 1968,
15:04 moi j'étais tout jeune, et j'ai fonctionné avec Gustave Thibon,
15:11 ce qui était vraiment pour moi un très grand honneur,
15:14 je me souviens du cadre, d'ailleurs c'était une église désinfectée de Rouen,
15:18 une très belle église, qui avait été changée en salle de conférence,
15:22 je me souviens de toute conversation avec Gustave Thibon
15:26 dans les vieilles rues de Rouen, et puis je l'ai revu plusieurs fois,
15:30 j'avais lu ses livres, et dès nos premières rencontres,
15:37 évidemment il y a eu tout de suite une grande entente,
15:42 et moi j'étais très ému, notamment de l'entendre évoquer,
15:49 Simon Veil, qui a tellement compté dans sa vie,
15:52 Simon Veil qu'il avait reçu chez lui à Saint-Marcel-d'Ardèche,
15:57 pendant la guerre, et moi je parle à ce propos d'une véritable visitation,
16:03 évidemment Simon Veil n'est pas la Vierge Marie,
16:06 mais c'est une personnalité,
16:08 – Nous parlons bien de la philosophie Simon Veil, bien sûr.
16:10 – Il y a eu telle force, etc, que Gustave Thibon a été marqué à vie,
16:15 et moi à chaque fois que j'ai eu l'occasion d'avoir une conversation avec lui,
16:19 sans arrêt il y avait des citations de Simon Veil qui revenaient dans sa bouche.
16:24 – La grande Simon Veil.
16:26 Gustave Thibon, là aussi, aucun hommage national, aucun lycée,
16:31 et pourtant son nom se transmet de génération en génération,
16:37 et je suis toujours surpris de voir des journalistes, des écrivains,
16:41 qui citent ou se revendiquent de Gustave Thibon, une permanence.
16:47 – Oui, il y a une force de sa pensée qui lui survit,
16:54 qui lui survit forcément, il y a un très très beau livre de Gustave Thibon,
16:59 alors évidemment il a, comment dirais-je,
17:01 il s'exprime plutôt sous le mode de l'aphorisme,
17:04 en quoi d'ailleurs il est un peu disciple de Nietzsche,
17:07 qui l'a tellement marqué, et auquel il a consacré un très beau livre,
17:12 "Nietzsche, le déclin de l'esprit",
17:15 et il y a une force, comment dirais-je, du philosophe
17:20 qui s'affirme dans un certain style, qui est celui de l'aphorisme.
17:25 – Oui, c'est ça.
17:28 – Il y aurait beaucoup d'autres choses à dire de Thibon,
17:32 qui, comment dirais-je, comme analyste du présent aussi,
17:36 il a écrit énormément de chroniques, qui sont maintenant publiées d'ailleurs,
17:43 où il analysait l'actualité au jour le jour.
17:48 – C'est très bien de faire revivre ces grands personnages.
17:51 Tiens, dernier portrait, parce qu'il nous reste encore quelques minutes,
17:54 une personnalité là aussi peu connue du grand public,
17:56 et pourtant un vendéen hors normes, un orateur né,
18:00 et ça, là aussi j'en atteste, un intellectuel de grande classe
18:03 au parcours intéressant, et qui s'appelait Debré, Pierre.
18:07 – Pierre Debré, et son véritable nom c'était Sadie,
18:11 Louie, Coué, Sadie, vous ne voyez pas, un prénom républicain,
18:15 parce qu'il était né dans une famille non pas chouane,
18:19 non pas vendéenne, au sens de charrette,
18:23 mais il était un bleu de Vendée.
18:25 Il parlait toujours qu'il avait été élevé, plus que par son père,
18:31 par un grand-père qui était syndicaliste révolutionnaire.
18:34 Et d'ailleurs ça l'a toujours marqué, parmi les références de Pierre Debré,
18:38 il y avait toujours Sorel,
18:42 il y avait toute cette lignée qui passait aussi par Péguy,
18:49 mais Debré avait eu un itinéraire tout à fait exceptionnel.
18:55 Il avait été baptisé, il avait perdu tout contact avec l'Église,
19:00 et il a été converti au catholicisme par un jeune professeur de philosophie,
19:08 qui était disciple de Maurice Blondel,
19:11 et il a été vraiment converti à ce moment-là,
19:15 et c'était juste à la veille de la guerre, ensuite il s'est retrouvé à la Sorbonne,
19:21 de la guerre il est rentré dans les mouvements de résistance,
19:24 il a été rédacteur en chef d'un journal qui était en fait
19:29 l'organe d'expression des jeunes chrétiens dans la résistance.
19:35 Et alors, je suis obligé d'aller vite,
19:38 il se trouvait qu'aussitôt après la guerre, il a été pris dans ce mouvement
19:43 qui entraînait nombre d'intellectuels catholiques à la proximité du Parti Communiste.
19:48 Et il est devenu ce qu'on appelait à l'époque un compagnon de route
19:52 du Parti Communiste avec des responsabilités extrêmement importantes.
19:58 Il était secrétaire par exemple de France-URSS,
20:01 où il avait des responsabilités aussi au mouvement de la paix.
20:05 Alors, et puis il se passe une chose très étrange,
20:10 c'est qu'en 1953, à la suite d'un débat, d'un dialogue extrêmement approfondi avec Pierre Boutan,
20:17 il se rend à l'Action Française.
20:19 Il passe pratiquement du Parti Communiste à l'Action Française et part Boutan.
20:25 Et puis Boutan s'en va de l'AF en 1953,
20:29 et il est remplacé par qui comme intellectuel ?
20:31 Par celui qu'il avait amené.
20:33 Le fait que Boutan me racontait,
20:35 disons, quand je suis parti, ce salopard, le premier qui devait me suivre c'était Debray.
20:40 Or il restait dans la vieille maison.
20:42 Et ça d'ailleurs grâce au jugement très aigu de Maurice Pujol,
20:47 qui pensait qu'il fallait absolument un intellectuel de grande qualité pour remplacer Boutan.
20:53 Donc ils ont choisi Debray,
20:55 et c'était un très très bon choix parce que pour moi c'était décisif.
20:59 J'étais adolescent, je me précipitais sur l'aspect de la France,
21:02 et le premier article que je lisais c'était "Le combat des idées" de Pierre Debray.
21:06 Et c'est Debray qui m'a, comment on dirait, ce qui est à l'origine de ma vocation en fait,
21:11 de journaliste, d'écrivain, etc.
21:13 Parce que c'est lui qui m'a rompu justement à ce combat des idées.
21:18 – Gérard Leclerc, on pourrait vous écouter pendant des heures, on ne les a pas.
21:22 Mais c'est un plaisir, et j'invite bien évidemment nos téléspectateurs
21:27 à retrouver tout cela dans une autre Action française.
21:30 Deux questions rapides, la première,
21:33 vous êtes toujours attentif à la vie religieuse en France et dans le monde.
21:37 Ce synode de la synodalité en deux mots,
21:41 ça suscite une très vive inquiétude parmi les catholiques,
21:45 on y voit loin d'une modernisation des fois et des fractures.
21:48 Quel est votre sentiment ?
21:50 – C'est très difficile, j'avoue que je suis dans une grande perplexité.
21:55 À ce point de vue, je ne sais pas très bien ce qui va sortir de ce synode.
21:58 – Un Vatican III, vous pensez ? On dit un Vatican III.
22:02 – Ça je ne crois pas du tout, Vatican II, quel que soit le jugement qu'on porte,
22:09 c'est un concile qui a fait des mises au point doctrinales extrêmement importantes.
22:17 Un synode, c'est forcément un objet beaucoup moins ambitieux.
22:25 Mais je ne sais pas, franchement je ne sais pas ce qu'il en sortira,
22:30 on est dans une époque vraiment de grande incertitude
22:33 en ce qui concerne l'Église aujourd'hui.
22:36 Moi, si vous voulez, puisque vous avez cité Vatican II,
22:40 il se trouve que j'étais très proche d'un des grands inspirateurs de Vatican II,
22:45 qui était le cardinal de Lubach.
22:47 Et je vous fais une confidence, il y a 15 jours,
22:52 j'ai témoigné au procès de béatification du père de Lubach,
22:57 que j'avais très très bien connu.
23:00 Or, il me semble que si l'on veut, comment dirais-je,
23:04 se ressourcer vraiment auprès d'une pensée, d'une théologie
23:09 qui peut nous éclairer, il faut recourir à l'œuvre du père de Lubach
23:16 qui était un des meilleurs et des plus profonds connaisseurs
23:18 de la tradition de l'Église.
23:20 – Au moins ça le mérite, c'est une pédagogie,
23:22 on sait maintenant où il faut se rendre pour comprendre.
23:25 Si je vous dis en conclusion qu'à votre poste de vigile et de militant,
23:29 vous vous êtes efforcé tout votre vie de répondre aux enjeux du temps,
23:33 est-ce que c'est cela qui vous décrit le mieux ?
23:35 Cette phrase-là, répondre aux enjeux du temps.
23:38 – Je pense, comment dirais-je, j'ai vécu une histoire
23:44 que je n'aurais jamais imaginée en fait.
23:48 Devenir journaliste, même éditorialiste,
23:55 il se trouve aussi que, si vous voulez,
23:58 mon passé de séminariste m'a rattrapé dans les années 80
24:03 parce que Philippe Tesson, dont je réveille la mémoire,
24:08 m'a fait venir au quotidien de Paris
24:10 et j'ai traité de la question religieuse à ce moment-là.
24:13 Et du coup, je suis revenu au cœur du religieux
24:18 et j'ai très bien connu, notamment à l'époque, le cardinal Lustiger
24:24 et du coup, à ma dimension, si vous voulez, de politique,
24:32 s'est ajoutée cette dimension d'informateur religieux,
24:38 mais au sens le plus fort du terme.
24:41 – Informateur religieux, il n'y en a plus beaucoup,
24:43 il n'y en a plus beaucoup de qualité,
24:44 vous en faites partie, Guenois, quelques autres bien évidemment,
24:47 Dandrieu, etc. enfin il y en a quand même,
24:49 il y en a, vous voyez, j'arrive à retrouver quand même quelques-uns.
24:52 On revient à cette autre action française,
24:54 préface de Frédéric Rouvillois,
24:56 conçue grâce à Christian Franchez-Despéré,
24:59 à la Nouvelle Revue Universelle,
25:01 et c'est un ouvrage aussi qui est éclairé des notes de Philippe Lallemand
25:05 et c'est aux éditions Leflore et sur la boutique www.tvl.fr.
25:08 C'est toujours un plaisir et un honneur de vous recevoir Gérard Leper.
25:11 – Merci, merci à vous.
25:12 (Générique)

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