L’édition 2022 du colloque de lutte contre les violences faites aux femmes a eu lieu le 22 novembre au Palais de la Musique et des Congrès. Portant cette année sur le thème de la pornographie, il a permis de rassembler plus de 1000 participant·es.
Discours de bienvenue et d’ouverture : Christelle Wieder, adjointe à la Maire.
Les intervenantes : Céline Piques, Lorraine Questiaux, Alyssa Ahrabare, Sophie Jehel, Maria Hernandez-Mora et Laurence Rossignol.
Echanges animés par Marie-Sophie Kormann
Discours de bienvenue et d’ouverture : Christelle Wieder, adjointe à la Maire.
Les intervenantes : Céline Piques, Lorraine Questiaux, Alyssa Ahrabare, Sophie Jehel, Maria Hernandez-Mora et Laurence Rossignol.
Echanges animés par Marie-Sophie Kormann
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00:00:00 Bonjour à toutes et à tous.
00:00:07 Merci d'être aussi nombreux et nombreux aujourd'hui et bienvenue surtout à ce 12ème colloque
00:00:13 de lutte contre les violences faites aux femmes.
00:00:16 Il intervient, comme vous le savez, en préambule de la journée du 25 novembre et cette année
00:00:22 traitera de l'industrie pornographique et de son impact sur les violences faites aux
00:00:27 femmes.
00:00:28 Je suis Leila Badry, chef de projet stratégique à la Direction de la culture de la ville
00:00:34 de Strasbourg et j'animerai cette journée.
00:00:38 J'ai le plaisir d'être votre Madame Loyale aujourd'hui.
00:00:41 Comme vous le savez et comme chaque année, la journée est filmée dans son intégralité.
00:00:48 Vous allez pouvoir retrouver, je crois derrière moi, dans quelques instants, le lien pour
00:00:57 accéder à cette vidéo, mais surtout sur nos affiches, vous avez les QR codes que vous
00:01:03 pouvez flasher.
00:01:04 Si jamais il y avait des questions liées au droit à l'image et d'ailleurs pour toute
00:01:09 autre question, n'hésitez pas à vous rapprocher de notre équipe d'accueil qui porte des macarons
00:01:14 violets.
00:01:15 Nous sommes accompagnés aujourd'hui d'Hélène Pouille qui est facilitatrice graphique et
00:01:23 qui pourra présenter ses croquis tout au long de la journée.
00:01:26 Vous trouverez donc le programme.
00:01:31 Nous n'avons pas encore le programme.
00:01:35 Je pense que vous l'avez en main.
00:01:37 J'ai le programme.
00:01:39 Très bien.
00:01:40 Alors, on va certainement décaler un petit peu nos échanges pour pouvoir faire une pause
00:01:46 de 30 minutes vers 10h30 puis laisser un temps de déjeuner de midi 45, certainement à 14h.
00:01:56 On verra.
00:01:57 Vous trouverez pendant ces temps à l'Agora les associations membres de la commission
00:02:04 plénière, nos partenaires institutionnels, la Fondation des femmes, le Conseil de l'Europe
00:02:11 également ainsi que la bibliothèque Olympe de Gouges et le Cadet Brume qui sont nos partenaires
00:02:19 en ce qui concerne les ressources, le guide des ressources que vous trouverez également
00:02:23 en ligne.
00:02:24 Vous avez, c'est important de le rappeler, un espace sécure qui est ouvert de 9h à
00:02:34 midi et de 14h à 16h.
00:02:37 Il est à la salle Madrid et c'est vraiment un espace de repos pour se ressourcer, échanger
00:02:43 avec des travailleurs et des travailleuses sociaux sociales si vous en avez besoin.
00:02:48 N'hésitez pas.
00:02:49 Au premier étage, vous avez une exposition que je vous invite à découvrir autour de
00:02:55 la place des femmes dans l'espace public.
00:02:58 Elle a été préparée par le groupe de travail Jean Réville.
00:03:01 Et vous avez également, mais elles se déplaceront et viendront à votre rencontre, les Grandes
00:03:07 Girl qui sont deux journalistes qui animent un média indépendant et engagé.
00:03:13 Elles sont là aujourd'hui pour venir à votre rencontre, vous interviewer, préparer
00:03:18 des capsules vidéos qui seront ensuite disponibles en ligne.
00:03:22 Je vous invite à les rencontrer au hasard de vos déambulations.
00:03:28 Quelques consignes pour finir et avant de laisser la parole.
00:03:33 N'oubliez pas, évidemment, de mettre vos téléphones en silencieux.
00:03:38 Si sortis, il devait y avoir.
00:03:42 Merci d'être discrète lorsque les interventions sont en cours.
00:03:48 Je ne doute pas que les échanges aujourd'hui seront riches et constructifs.
00:03:54 Et je vous invite évidemment au respect et à la bienveillance pour que nous puissions
00:04:01 toutes et tous en profiter tout au long de la journée.
00:04:04 Je passe la parole à Reyan Nessami qui intervient en préambule ici aussi pour le collectif
00:04:14 de solidarité avec le peuple iranien.
00:04:17 Il nous a semblé que c'était d'actualité.
00:04:19 Merci.
00:04:20 Mesdames et messieurs, est-ce que vous m'entendez ?
00:04:31 Non ? C'est bon.
00:04:37 Oui, vous pouvez y aller.
00:04:39 Ce que vous allez entendre n'est qu'une petite liste d'obstacles qu'une Iranienne
00:04:45 peut trouver sur son chemin au cours de sa vie.
00:04:49 Je m'appelle Masa, je m'appelle Mika, peut-être même Hagis, pourquoi pas Shirin.
00:04:55 Je pourrais être Sarah, mais peu importe, je suis une femme née en Iran.
00:05:01 Ma mère voulait m'aborter car elle préférait un garçon, mais j'ai survécu.
00:05:07 A six ans, je dois porter le voile à l'école pour avoir une bonne donne de discipline.
00:05:13 À 9 ans, on organise une fête pour me faire comprendre que le voile est désormais obligatoire,
00:05:19 article 67, règlement exécutif des écoles.
00:05:23 À 10 ans, mon père voulait me forcer à me marier.
00:05:27 Je n'ai pas voulu, j'ai quitté la maison et la vie, et j'ai survécu.
00:05:33 Article 1041 du Code civil autorise le mariage avant l'âge légal pour une fille si le père donne son accord.
00:05:41 En grandissant, je suis tombée amoureuse.
00:05:44 Je devais cacher ma relation car les relations hors mariage sont interdites.
00:05:48 Honteuse pour la famille et punie par la loi.
00:05:52 Mes frères l'ont su, ils m'ont tabassée à mort, mais j'ai survécu.
00:05:58 D'ailleurs, aucune loi n'existe dans la Constitution,
00:06:02 mais dans la charia, la sanction va jusqu'à 99 coups de fouet.
00:06:07 Si mes frères m'avaient tuée, ils n'auraient pas été punis par la loi.
00:06:12 Je suis lesbienne, ma famille m'a chassée de la maison.
00:06:16 Je suis restée une semaine dans la rue, mais j'ai survécu.
00:06:20 Article 237 à 240 du Code pénal islamique.
00:06:26 Un garçon est tombé amoureux de moi, mais moi, j'avais donné mon cœur à quelqu'un d'autre.
00:06:31 Il m'a attaqué à l'acide pour se venger.
00:06:34 J'ai perdu une partie de mon visage, mais j'ai survécu.
00:06:39 Cet acte est encouragé par les imams en Iran et n'est puni par aucune loi.
00:06:45 Je suis sportive de haut niveau.
00:06:48 Je devais partir en compétition à l'étranger.
00:06:51 Mon mari m'a interdit de sortir du pays.
00:06:54 Mon rêve s'est envolé, mais j'ai survécu.
00:06:58 Article 18 du règlement des passeports en Iran.
00:07:02 J'ai tenu la main de mon amoureux dans un jardin public.
00:07:05 La police des mœurs m'a arrêtée.
00:07:07 J'ai reçu 40 coups de fouet, mais j'ai survécu.
00:07:12 Aucune loi n'existe dans la Constitution, mais dans la charia, c'est autorisé.
00:07:17 Une fois mariée, quand je sortais de la maison, sans la permission de mon mari,
00:07:23 il me frappait et m'enfermait dans la chambre, mais j'ai survécu.
00:07:28 Il avait droit de me violer quand je refusais d'avoir un rapport sexuel avec lui.
00:07:33 Il m'a accusée d'adultère. On l'a cru sans entendre ma version.
00:07:39 Selon l'article 102 du Code pénal islamique,
00:07:42 j'ai été condamnée par un juge à la lapidation,
00:07:46 mais j'ai survécu.
00:07:49 Un soir, un homme m'a agressée. Il m'a touchée.
00:07:52 Je l'ai poussée, et il est tombé. Il est mort.
00:07:56 Selon la loi du Talion, la justice m'a condamnée à la peine capitale
00:08:00 pour avoir tué mon agresseur.
00:08:02 Oui, même en cas de légitime défense,
00:08:05 ma vie ne vaut que la moitié de la vie d'un homme en Iran.
00:08:09 J'ai refusé de me couvrir les cheveux.
00:08:12 La police des Mors m'a arrêtée pour que les hommes ne tombent pas dans les péchés.
00:08:16 Ils m'ont battue. Je suis morte deux jours après par un oedème cérébral.
00:08:23 Je m'appelle Masa Amini. J'ai 22 ans.
00:08:27 Mais l'Iran survivra.
00:08:30 Merci.
00:08:32 (Applaudissements)
00:08:54 N'hésitez pas à aller à leur rencontre à l'Agora.
00:08:58 Ils sont présents. Le collectif de solidarité avec le peuple iranien est là.
00:09:04 Merci pour ces témoignages.
00:09:07 Bonjour Christelle. Bienvenue.
00:09:10 J'accueille maintenant Christelle Vider, adjointe à la maire en charge des droits des femmes,
00:09:15 référente également du quartier Cronanbourg-Nord, conseillère eurométropolitaine.
00:09:20 Je lui laisse la parole.
00:09:22 Merci beaucoup Leïla. Bonjour à tous et à toutes.
00:09:26 Merci pour ces paroles fortes et émouvantes
00:09:30 qui nous rappellent que des femmes se battent courageusement en Iran pour leur liberté au péril de leur vie.
00:09:37 Nos pensées vont évidemment également aux femmes afghanes qui vivent toujours sous le joug des talibans.
00:09:43 Elles vont aussi aux ukrainiennes qui vivent les horreurs de la guerre
00:09:47 et notamment des viols utilisés délibérément comme armes de guerre.
00:09:52 Nulle hiérarchie des souffrances ne peut s'établir cela s'entend.
00:09:55 Notre ville a toujours été à leur côté et continue à soutenir et accueillir
00:10:01 celles qui souffrent, celles qui fuient l'obscurantisme et le patriarcat dans sa forme la plus abjecte.
00:10:08 En cette journée exceptionnelle dédiée à la lutte contre l'violence faite aux femmes,
00:10:14 je suis ravie de vous accueillir ici au PMC
00:10:18 et en particulier mes collègues élus de la ville de Strasbourg et de l'euro-métropole.
00:10:24 Soyez les bienvenus.
00:10:26 Je suis aussi ravie d'accueillir les intervenants et intervenantes qui ont accepté notre invitation.
00:10:33 En particulier notre grande témoin, Mme Laurence Rossignol, sénatrice qui arrivera tout à l'heure
00:10:39 et Mme Sylvie-Pierre Brossolette, présidente du Haut Conseil à l'égalité.
00:10:44 Je suis également touchée et honorée de la présence de Mine Gunbaï
00:10:47 qui fut l'initiatrice en 2010 de ce colloque sous l'impulsion des associations féministes locales.
00:10:54 Merci aux représentants de la Direction régionale des droits des femmes, Mme Bohn et M. Rod Fichet.
00:11:01 Et grand merci bien évidemment aux membres des associations de la Commission plénière
00:11:06 qui ont proposé le thème de cette journée et ont contribué pendant de longs mois à l'élaboration de sa programmation.
00:11:14 Merci aux membres de la Mission pour les droits des femmes de la ville de Strasbourg,
00:11:18 Sophie Clair, Corinne Jacob, Siobhan Guignon et Camille Kreps pour leur immense travail consacré à l'élaboration de cette journée.
00:11:26 Et enfin, merci à vous de vous être inscrits en si grand nombre pour cette journée d'études.
00:11:32 Nous avons eu 1300 inscriptions pour cette journée. Grand bravo pour votre mobilisation.
00:11:39 Vous faites d'année en année de cette journée une journée exceptionnelle.
00:11:44 En effet, il s'agit du plus grand rassemblement en France consacré à la lutte contre les violences faites aux femmes
00:11:50 et tout simplement le plus grand rassemblement en France consacré aux droits des femmes.
00:11:55 Vous montrez par votre présence fidèle chaque année votre intérêt pour les droits des femmes
00:12:01 et renforcez ainsi le rayonnement féministe de notre ville.
00:12:06 Ensemble, citoyens et citoyennes, membres associatifs, élus, agents et agentes de la ville de l'Eurométropole,
00:12:13 nous construisons chaque jour une ville plus juste et égalitaire.
00:12:18 Nous avons le souci de créer le débat et de diffuser les connaissances sur des sujets féministes.
00:12:24 Nous faisons avancer les droits des femmes et l'égalité.
00:12:28 La ville de Strasbourg cultive ses ambitions depuis de nombreuses années.
00:12:32 Depuis l'arrivée de notre équipe municipale dirigée par une femme jeune, féministe et progressiste,
00:12:40 nous avons renforcé ses ambitions féministes.
00:12:43 Ainsi, le budget de la mission pour les droits des femmes a été triplé.
00:12:48 Cela a permis de renforcer le soutien aux associations locales,
00:12:52 notamment celles qui œuvrent au quotidien pour soutenir les femmes victimes de violences.
00:12:57 Nous avons créé 74 places pour les femmes victimes de violences et leurs enfants.
00:13:03 Une mesure nécessaire, mais malheureusement toujours insuffisante,
00:13:07 pour faire face aux violences machistes qui ont augmenté ces dernières années.
00:13:12 Dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes,
00:13:15 soulignons la contribution de l'Eurométropole au point accueil victime au commissariat central.
00:13:22 Nos centres médico-sociaux ont aussi le souci de parfaire l'accueil des victimes.
00:13:28 Ainsi, tout prochainement, nos agentes vont proposer un kit d'urgence aux femmes
00:13:35 qui fuient leur logement suite à des violences.
00:13:38 Comme vous le savez, notre police municipale a été également formée
00:13:42 contre les violences sexuelles et sexistes.
00:13:44 Et comme vous l'avez peut-être vu dans les transports en commun qui vous ont amené dans cette salle ce matin,
00:13:49 une campagne a été déployée en partenariat entre la CTS et des associations locales
00:13:54 contre le harcèlement sexiste et sexuel dans les transports.
00:13:59 Cette dynamique ne serait pas possible sans des choix politiques très largement partagés
00:14:04 au sein de notre équipe municipale.
00:14:07 Cette dynamique ne serait pas possible sans des moyens financiers à la hauteur de ces ambitions.
00:14:12 Ce sont 800 000 euros qui sont consacrés chaque année à la lutte contre les violences faites aux femmes.
00:14:18 Cette dynamique ne serait pas possible sans vous, collègues élus, bien sûr,
00:14:22 membres d'associations et agents et agentes de la ville qui êtes ici présents en nombre,
00:14:28 et je vous en remercie.
00:14:31 Après cette mise en contexte de l'événement et des politiques de lutte contre les violences faites aux femmes
00:14:36 menées par la ville de Strasbourg, il est temps d'aborder la thématique de cette journée, la pornographie.
00:14:43 Jusqu'à très récemment, ce sujet était un impensé politique.
00:14:47 Et pourtant, ce sujet tabou, parce que très intime, est éminemment politique.
00:14:53 Il l'est d'autant plus en raison de la diffusion exponentielle de contenu pornographique ces dernières années,
00:14:59 à mesure qu'Internet s'est diffusé sur une grande partie de la planète.
00:15:04 Il y a quelques jours, la semaine dernière, dans une salle de spectacle voisine que vous connaissez peut-être,
00:15:09 Le Maillon, un comédien un peu exalté encourageait la salle à réfléchir aux grandes révolutions de la communication
00:15:19 dans notre civilisation.
00:15:21 Bien sûr, il y a eu l'invention du langage, l'invention de l'écriture, l'invention de l'imprimerie, et enfin, Internet.
00:15:30 Et ce comédien trouvait que nous ne célébrions pas suffisamment cette période de l'humanité si fascinante.
00:15:40 Et pour rendre ce moment plus festif, il nous a suggéré de sortir de la salle de spectacle et de danser
00:15:48 en arrachant nos vêtements pour montrer collectivement que nous étions ravis de vivre dans cette période
00:15:55 qui permettait une diffusion massive de savoirs et de cultures.
00:16:00 Alors, comme il faisait 10 degrés seulement dehors, peu de gens se sont lancés dans cette folle farandole.
00:16:06 Ensuite, on sait qu'à Strasbourg, il y a eu des précédents un peu fâcheux liés à des danses collectives.
00:16:12 Je ne sais pas si ça vous parle, mais évidemment, il était de bon ton de se prémunir de ces dérives.
00:16:19 Et enfin, et surtout, et je suppose que vous l'avez à l'esprit, 25% de cette révolution médiatique
00:16:28 est consacrée aujourd'hui à la consommation de contenus pornographiques.
00:16:33 Et cela est vraiment, malheureusement, loin d'élever notre civilisation à un degré suprême de sagesse et de connaissance.
00:16:41 L'industrie pornographique est devenue au fil des années une pornocratie.
00:16:46 Ce terme, forgé par Ovidie, montre le pouvoir pris par l'industrie pornographique.
00:16:52 Pour satisfaire l'appétit grandissant des consommateurs avides de nouveautés en ligne,
00:16:57 l'industrie de la pornographie doit produire toujours plus, au mépris des actrices.
00:17:02 Dans le but d'alimenter cette course frénétique à la nouveauté,
00:17:06 l'industrie broie physiquement et psychologiquement des milliers de femmes vulnérables.
00:17:12 Notre propose aujourd'hui n'est pas de jeter l'opprobre sur la pornographie dans son ensemble
00:17:18 ou de dire que toute la pornographie constitue une violence par essence.
00:17:22 Nous ne sommes pas ici pour porter un jugement moralisateur sur les personnes qui exercent ce métier,
00:17:27 ni sur les consommateuristes.
00:17:29 Nous sommes aujourd'hui mobilisés aux côtés des victimes de cette industrie
00:17:33 et souhaitons participer à un mouvement qui consiste à faire changer la honte de camp.
00:17:39 Ce n'est pas l'actrice abusée qui doit avoir honte,
00:17:44 mais les personnes qui ont exploité son consentement, son image, sa dignité, son corps et son esprit.
00:17:51 Lorraine Questiaux, avocate de femmes victimes de l'industrie pornographique,
00:17:55 se fera leur porte-voix tout à l'heure.
00:17:58 La grande majorité des contenus disponibles en ligne présentent des femmes réduites à l'état d'objet.
00:18:03 Le porno est de ce fait le meilleur vecteur de la domination masculine,
00:18:07 l'instrument rêvé du patriarcat, car il érotise les violences faites aux femmes.
00:18:13 En effet, 80% des scènes disponibles sur les sites les plus consultés
00:18:18 contiennent des violences physiques et/ou verbales.
00:18:22 Ces violences ne sont pas simulées, les actrices les subissent.
00:18:26 Même si elles ont consenti par contrat à ces violences, elles les subissent.
00:18:32 C'est une question à la frontière de l'éthique et du droit.
00:18:35 Peut-on vendre son consentement à l'humiliation, à la dégradation, à la barbarie ?
00:18:42 La puissance tentaculaire de la pornocratie colonise et contrôle les imaginaires,
00:18:47 les désirs et les représentations.
00:18:51 Les vidéos présentent des corps stéréotypés,
00:18:54 elles présentent une vision de la sexualité ultra-normée,
00:18:57 centrée sur le désir et le plaisir masculin.
00:19:01 Elles véhiculent l'idée qu'une femme prend son plaisir sous la contrainte et dans la souffrance.
00:19:07 Ces représentations créent des carcans pour les imaginaires
00:19:11 et surtout des obstacles pour l'affirmation d'un désir et d'un plaisir féminin.
00:19:16 Ces représentations sont des violences symboliques pour les femmes.
00:19:21 Ces contenus, comme vous le savez, sont gratuits, disponibles partout et tout le temps.
00:19:26 L'âge moyen de la première exposition est de 14 ans,
00:19:29 ce qu'une majorité de parents ont du mal à concevoir ou à admettre.
00:19:34 Sophie Géel abordera la réception des images chez les adolescents tout à l'heure au cours de cette journée.
00:19:41 Cette curiosité saine pour la sexualité à l'adolescence trouve malheureusement des réponses malsaines,
00:19:46 comme l'a dit la présidente de l'association e-Enfance.
00:19:51 De plus, des phénomènes d'addiction existent.
00:19:54 Ce sera le propos de Mme Hernandez-Morat tout à l'heure.
00:19:57 Et ces phénomènes existent aussi bien chez les jeunes que chez les adultes.
00:20:01 En effet, une drogue gratuite, accessible partout, sans limite, est évidemment hautement addictive.
00:20:08 Notre société n'est malheureusement pas prête ni à prévenir, ni à recueillir la parole des personnes
00:20:14 qui ne parviennent pas à sortir d'une forme d'escalade dans leur consommation.
00:20:18 Nous appelons bien évidemment à l'application de la loi Aubry pour une éducation sexuelle à l'école
00:20:25 abordant ce sujet sans moralisation ni condamnation.
00:20:30 Cette industrie est aussi une puissance économique qui amasse 15 milliards d'euros par an.
00:20:39 15 milliards d'euros par an, c'est plus que ce qu'amasse Netflix,
00:20:43 c'est plus que ce qu'amasse l'industrie du cinéma à Hollywood.
00:20:47 Une grande partie de cette puissance financière s'est bâtie en dehors des cadres légaux,
00:20:52 en dehors du contrôle des états de droit.
00:20:54 La planète porne est un état virtuel insaisissable.
00:20:59 Encore une fois, malheureusement, le patriarcat et le capitalisme se donnent la main
00:21:04 pour exploiter, dominer et détruire.
00:21:08 Au fil des derniers mois en France et ailleurs en Europe, mais aussi aux USA,
00:21:13 les mobilisations citoyennes, politiques et judiciaires tentent de clouer ce monstre tentaculaire,
00:21:19 de le disséquer, de le contrôler pour limiter les dégâts sur notre société.
00:21:24 Ainsi, deux procès retentissants ont secoué l'industrie du porno en France ces derniers mois,
00:21:30 celui dit de French Booker ainsi que celui de la société de Jackie et Michel.
00:21:35 L'effet sur l'opinion publique est palpable grâce à de solides relais dans la presse.
00:21:41 Parallèlement, le Sénat se saisit du sujet et produit un rapport sorti très récemment.
00:21:46 Enfin, le Haut Conseil à l'égalité a lancé un groupe de travail sur le même sujet,
00:21:51 sous la houlette de Céline Pic qui, sur la première intervenante, a s'exprimer aujourd'hui.
00:21:57 Nous voyons ici à l'œuvre la configuration idéale pour faire un changer, un aspect de la société.
00:22:03 Le monde associatif, le monde politique, universitaire, judiciaire et politique
00:22:10 s'allient pour dénoncer collectivement un aspect des violences faites aux femmes.
00:22:15 Notre journée s'inscrit dans ce mouvement.
00:22:19 Il ne s'agit pas de tenter de tuer le monstre car nous savons bien qu'il est trop puissant et que ce combat serait vain.
00:22:26 Nous tenons aujourd'hui à montrer les liens qui existent entre la pornographie et les violences faites aux femmes
00:22:31 et qui est malheureusement incontestable, sans pour autant condamner d'un bloc toute forme et usage de la pornographie.
00:22:41 Nous ne nions pas évidemment des voies nouvelles, originales et militantes pour transformer l'industrie pornographique de l'intérieur.
00:22:49 Ces tentatives louables représentent toutefois une goutte d'eau dans un océan de contenu
00:22:54 qui promeuvent des pratiques délictuelles voire criminelles.
00:23:00 Aujourd'hui, nous posons les éléments du débat, nous proposons d'en discuter grâce aux regards croisés interdisciplinaires de nos intervenantes.
00:23:09 Ces éléments de compréhension sociologique, juridique, économique, politique vous donneront les clés pour mieux comprendre le phénomène et ses conséquences sur notre société.
00:23:20 Le sujet est clivant, vous le savez, et peut susciter des réactions vives.
00:23:26 Les tensions ont existé également au sein de notre groupe de préparation.
00:23:32 Une porte aux paroles de ce groupe de préparation va d'ailleurs intervenir juste après moi, et je le remercie.
00:23:39 Le chemin qui nous a amené à la programmation de cette journée a été ardu,
00:23:43 mais marqué par l'envie d'offrir des points de vue différents sur les violences perpétrées par l'industrie pornographique.
00:23:50 L'autre difficulté que nous avons rencontrée est que le sujet est vaste et complexe.
00:23:56 Il est malheureusement impossible d'aborder toutes les facettes en une seule journée.
00:24:01 Ainsi, nous n'avons pas pu donner de place spécifique à des thèmes comme la pédopornographie,
00:24:06 le racisme éveillé dans de nombreuses vidéos, le revenge porn, le porno gay,
00:24:11 les nouvelles formes de porno telles que l'émergence d'OnlyFans, le porno audio ou le porno alternatif.
00:24:18 Si ce sujet ne font pas l'objet d'un temps dédié dans notre programmation, ils seront toutefois abordés lors des échanges.
00:24:26 Comme vous le savez et comme chaque année, le micro sera aussi ouvert en salle pour recueillir vos observations et questions.
00:24:34 Tout complément de point de vue sera évidemment le bienvenu s'il est fait dans un cadre respectueux, propre à élever le débat.
00:24:42 Comme toujours, cette journée s'articulera en deux temps.
00:24:46 Celui des apports plutôt théoriques en matinée, puis en après-midi,
00:24:50 il s'agira d'entendre les professionnels qui travaillent sur le terrain, notamment éducatifs.
00:24:57 Vous aurez l'occasion de rencontrer les associations, comme Laila vous l'a suggéré,
00:25:02 lors de la pause de ce matin et d'aller donc profiter de cette agora associative.
00:25:08 Ne manquez pas d'apporter votre soutien aux associations présentes, l'expérience militante étant la plus riche qui soit.
00:25:16 Je remercie une nouvelle fois les personnes qui ont permis la tenue de cette journée.
00:25:21 Merci à vous d'être présents en si grand nombre aujourd'hui.
00:25:25 Que cette journée soit enrichissante pour tous et toutes. Je vous remercie.
00:25:30 (Applaudissements)
00:25:45 Nous accueillons maintenant Gisèle Ecobé, qui vient prendre la parole en tant que présidente de l'association Geméa,
00:25:53 mais aussi et surtout membre du comité d'organisation du colloque. Merci, Gisèle.
00:26:00 Bonjour, mesdames, messieurs. Je suis Gisèle Ecobé, présidente de l'association Geméa.
00:26:05 Je vais vous présenter la commission plénière "Égalité femmes-hommes" et le travail préparatoire au colloque d'aujourd'hui.
00:26:14 La commission plénière est un espace démocratique animé par Madame Védèle, élue en charge des droits des femmes et égalité des gens.
00:26:25 La commission œuvre pour les droits des femmes et lutte contre toutes les formes de violence à leur encontre.
00:26:32 Les membres de la commission plénière sont des représentants d'associations locales qui se réunissent tout au long de l'année
00:26:39 pour proposer des actions en ce sens et notamment pour préparer le colloque dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes.
00:26:48 À ce titre, huit réunions de travail auront été nécessaires pour préparer ce colloque.
00:26:53 La première réunion se tenue le 8 avril. Nous avons commencé nos travaux par un rappel de l'édition 2021, qui avait pour thème "Les droits des femmes à l'égard des crises".
00:27:06 Pendant cette réunion, les membres de la commission plénière ont proposé plusieurs thèmes.
00:27:11 Le thème de la pornographie a remporté largement les suffrages exprimés auprès des membres présents composants du groupe de travail de la commission plénière.
00:27:22 Le sujet est encore trop tabou dans l'espace public. Nous ne souhaitons plus l'occulter.
00:27:30 À la deuxième réunion, le thème de la pornographie a été validé par Madame la maire, Jeanne Bazigian, et son cabinet.
00:27:39 Nous avons alors commencé à mener une réflexion sur le contenu. Qui sera invité ? Qu'est-ce qu'on va mettre en avant ? Comment définir la pornographie ?
00:27:50 Qu'est-ce que la pornographie éthique ? Est-ce que ça existe ? La pornographie industrielle du sexe ? Dénoncer les ravages de l'industrie du porno ?
00:28:00 Quelles sont les conditions de travail des acteurs et des actrices ? Quels sont les mécanismes de la domination masculine dans le porno ? La pornographie au service du patriarcat ?
00:28:10 Que peut-on attendre de la loi pour protéger les jeunes, les femmes, les citoyens ? Autant de questions qui nous ont animés.
00:28:19 À la troisième réunion, nous avons débattu dessus les notions de pornographie, notions de consentement et d'expression à la sexualité,
00:28:28 tout en prenant soin de délimiter quatre axes majeurs, qui sont les suivants.
00:28:33 L'approche socio-historique avec la définition de la pornographie, le ressort du patriarcat.
00:28:39 Pourquoi on n'arrive pas à se déconnecter du schéma domination-soumission ? La pornographie et le cadre juridique.
00:28:47 Que peut-on attendre de la loi pour protéger ? La pornographie business.
00:28:52 Quels sont les enjeux économiques ? Et enfin, l'éducation à la sexualité.
00:28:58 Quel impact du porno sur l'entrée dans la sexualité ? La santé physique et psychologique des acteurs et des actrices, mais aussi du public.
00:29:08 Nous avons parlé du plaisir, du désir, du consentement.
00:29:13 Lors de la quatrième réunion, ce sujet a été mis en question par les membres de la Commission,
00:29:21 au motif que l'approche retenue pour traiter la thématique semble ruditrice.
00:29:28 Les débats étaient vifs.
00:29:33 Arrivé le 15 juin, le désaccord entre les membres de la Commission fut persistant.
00:29:40 La pornographie provoque les violences.
00:29:43 La pornographie est une violence.
00:29:46 Mais nous avons avancé en revenant sur un autre objectif, qui est de démontrer en quoi la pornographie génère des violences.
00:29:55 Le 30 juin, Mme Viller, élue en charge des droits des femmes et égalité des gens, a pris la parole.
00:30:01 Elle a rappelé que ce sujet était définitif, parce qu'il avait obtenu la majorité des suffrages des membres présents, et Mme Lamey l'avait validée.
00:30:16 Les échanges entre les membres du groupe de travail ont repris avec beaucoup de sérénité.
00:30:22 Nous avons parlé du business de la pornographie.
00:30:25 Pour comprendre la dimension de l'influence de l'industrie pornographique aujourd'hui, il faut considérer qu'elle est l'une des plus rentables au monde, étant multimilliardaire.
00:30:36 Selon The Telegraph, dans un article publié en 2017, on pense que la pornographie en ligne est un secteur dont le chiffre d'affaires annuel est d'environ 15 milliards de dollars.
00:30:49 Par curiosité, un article de Quartz 2018 a remporté Netflix que le revenu annuel est de 11,7 milliards de dollars.
00:31:01 Hollywood, 11,1 milliards de dollars.
00:31:05 Donc vous comprenez.
00:31:07 Nous avons voulu parler des deux facettes de la pornographie, visible et invisible.
00:31:13 Concernant la pornographie visible, il s'agit ici de montrer que la pornographie est visible dans la société,
00:31:21 avec notamment la massification des contenus sexuels explicites et leur facilité d'accès entraînant une généralisation des normes esthétiques, corporelles, sexuelles,
00:31:34 issues de la pornographie, que l'on peut retrouver aujourd'hui dans les codes de la mode, de la publicité, de la télé-réalité, ou encore influenceurs dans les réseaux sociaux, par exemple Culture Power.
00:31:50 Tout en restant invisible, car elle reste tabou, la pornographie fait rarement l'objet de débats dans l'espace public.
00:32:02 Et ça compagne d'un certain nombre de dérives.
00:32:05 Il s'agit de démontrer en quoi la pornographie peut avoir des conséquences violentes pour les femmes.
00:32:12 Là encore, la pensée dominante ne voit que du sexe, plaisir, liberté sexuelle.
00:32:20 Au-delà de ce qui est montré à l'écran, ce sont des différents types de violences qui sont à ce niveau à dénoncer.
00:32:29 Actes de viol, d'humiliation et de torture infligées, questions de consentement, violences encore aujourd'hui fortement invisibilisées.
00:32:39 Enfin, la pornographie représente un obstacle à l'égalité entre femmes et hommes, faute d'éducation à la vie sexuelle et affective.
00:32:49 Ces vidéos pornographiques éduquent les adolescents et les adolescentes à l'érotisation et à la banalisation de la violence sexiste,
00:33:00 à la haine des femmes et à la haine raciale, avant même que le jeune fasse l'expérience de son corps,
00:33:09 de ses pulsions et d'une sexualité réelle en contact avec un autre vrai.
00:33:16 Il fait l'expérience d'une sexualité qui correspond plutôt à du sexe dur, violent, où la femme est un objet de consommation à prendre et à jeter,
00:33:29 et où les dimensions constitutives d'une sexualité saine telle que l'intimité, la confiance, l'affectivité, le respect, le consentement sont absolument absentes.
00:33:44 Une étude récente a montré que 80% des adolescents et adolescentes consommateurs de pornographie reproduisent un ou plusieurs comportements sexuels agressifs.
00:33:55 Le 13 septembre et le 20 octobre, nous avons finalisé la préparation du colloque par le graphisme et les intervenants.
00:34:05 Cette année, ce colloque est le douzième organisé par la ville de Strasbourg,
00:34:10 par la mission des droits des femmes et égalité des genres, et se place dorénavant comme un moment fort du calendrier des actions locales autour de la journée internationale
00:34:20 pour l'élimination des violences faites aux femmes, le 25 novembre prochain.
00:34:26 Reconnu nationalement et considéré comme un temps de formation incontournable des agents et des agentes de la collectivité,
00:34:34 il est le fruit d'une réflexion portée par les membres de la commission plénière Égalité Hommes-Femmes,
00:34:41 animée par l'élu en charge des droits des femmes et égalité des genres, Mme Vidal.
00:34:48 Il vise à permettre aux participantes et participants de rencontrer les associations locales
00:34:56 et à mieux faire connaître les mécanismes qui conduisent aux violences dont les femmes sont victimes
00:35:02 et les dispositifs de prise en charge d'accompagnement et d'orientation.
00:35:07 L'édition 2022 d'aujourd'hui, mardi 22 novembre au Palais des congrès de Strasbourg, salle des Choiseurs,
00:35:18 le programme aujourd'hui résulte d'une co-construction d'une équipe tripartite composée de l'élu en charge des droits de femmes et égalité des genres,
00:35:27 des agents de la ville et de 18 associations locales directement impliquées auprès des femmes.
00:35:37 Il est récemment devenu notable que les discussions concernant le rôle des femmes dans la société,
00:35:44 la violence à l'égard des femmes, l'objectivisation du corps féminin,
00:35:50 entre autres sujets qui concernent la dynamique entre hommes et femmes,
00:35:55 se sont développées et ont consolidé un agenda de plus en plus urgent.
00:36:01 La réalité est que la relation domination masculine sur les femmes montre les résultats regrettables.
00:36:10 122 féminicides en janvier 2021 avaient une progression de 20% depuis.
00:36:17 Bien que les violences auxquelles sont confrontées les femmes soient claires dans de nombreux domaines,
00:36:23 certaines sont très subtiles mais elles sont potentiellement nocives.
00:36:28 Les racines de la violence à l'égard des femmes remontent à un passé lointain fondé sur une société misogyne et patriarcale,
00:36:38 avec toutes les implications que ces qualificatifs sont capables de contenir.
00:36:45 Les formes de violences résultant de ces perceptions sont aujourd'hui plus ou moins voilées et masquées,
00:36:51 mais elles continuent d'exister, y compris dans la pornographie.
00:36:56 De plus, les productions imposent des stéréotypes et des comportements générateurs de souffrance,
00:37:02 fonctionnant comme une nouvelle forme de pression de femmes.
00:37:06 Mais, ladies and gentlemen, sans oublier mes sisters and brothers, je vais terminer mon propos par deux invitations.
00:37:14 Il faut que ce soit un peu plus gai.
00:37:16 Nous serons présents au marché du partage à la place Cléber.
00:37:25 La première fois, le 9, Venez soutenir ces femmes qui font tout pour tenir debout.
00:37:31 Et la deuxième fois, on sera du 19 au 24.
00:37:34 La deuxième invitation concerne le projet de méga marche objectif 10 000 femmes et hommes dehors le 8 mars 2023.
00:37:47 Est-ce que c'est réalisable ?
00:37:49 Oui !
00:37:50 Sûr ?
00:37:51 Oui !
00:37:52 Préparez-vous, je vous attends. Save the dates !
00:37:55 (Applaudissements)
00:38:11 Génération #MeToo, économistes, féministes et maires, c'est Céline Pic qui va prendre la parole avec nous.
00:38:18 Engagée depuis 10 ans dans la lutte contre le sexisme, les violences masculines, les violences prostitutionnelles et porno-criminelles,
00:38:26 elle est autrice d'un essai intitulé "Déviriliser le monde", représentante de l'association "Osez le féminisme" au Haut Conseil à l'égalité.
00:38:36 Céline Pic, à vous la parole.
00:38:38 (Applaudissements)
00:38:46 Bonjour à toutes, bonjour à tous.
00:38:51 Juste par rapport à... Je vais avoir une petite question technique concernant comment je fais pour avancer.
00:38:58 Ça c'est pour... D'accord. Ça c'est pour avancer. Et si je veux reculer ? Là. D'accord.
00:39:04 C'est vraiment un grand honneur d'être invitée aujourd'hui parce que ça a été dit par Christelle Wider et par les deux interventions précédentes.
00:39:16 La pornographie est un sujet assez tabou, dont on ne parle pas bien, ou au contraire, dont on en parle mal.
00:39:25 C'est-à-dire que vous allez voir que le déroulé de mon intervention, ça va être essentiellement qu'on puisse ensemble définir ce que c'est la pornographie.
00:39:35 Et pour cela, on va faire un énorme travail sur les mots, parce qu'on le sait bien, quand il s'agit de la cause féministe, le choix des mots est important.
00:39:44 Et toute mon intervention va être presque une intervention sémantique pour essayer de disperser un certain nombre de mots
00:39:54 qui sont aujourd'hui des mots qui sont comme des paravents aux violences porno-criminelles,
00:39:59 et d'examiner la réalité matérielle, la réalité factuelle des conditions de ce qui se passe dans l'industrie pornographique.
00:40:11 Alors, comment en est-on arrivés là ? Effectivement, membre du Haut Conseil à l'égalité, on prépare aujourd'hui un rapport.
00:40:20 Un rapport, je pense, qui fera date, comme celui du rapport du Sénat qui est sorti au mois de septembre 2022 sur le sujet.
00:40:29 Et c'est un nouveau regard sur ce qu'est l'industrie pornographique.
00:40:35 Et comment tout ça a commencé ? Tout ça a commencé à peu près en 2020.
00:40:42 L'affaire a commencé de façon extrêmement simple. À Osée le féminisme, où j'étais militante,
00:40:48 nous étions extrêmement conscientes de l'existence de violences structurelles, systémiques, dans l'industrie pornographique.
00:40:58 Nous n'étions pas étonnés par tout ça. Et puis, tout commence en 2020, où un livre sort, "Judy, Sofia, Lola et moi".
00:41:22 Et dans ce livre, "Judy, Lola, Sofia et moi" de Robin D'Angelo, et dans la vidéo de Konbini qui sort en février 2020,
00:41:30 on a des femmes à visage découvert qui racontent ce qui leur est arrivé dans la pornographie.
00:41:36 Elles ont été effectivement piégées. Elles ont été piégées par ce qu'on appelle un rabatteur.
00:41:42 Ce sont les mêmes techniques que celles dans la prostitution.
00:41:45 Alors le rabatteur, il leur proposait avant tout de l'argent. De l'argent rapide, avec un travail d'escorte.
00:41:52 Avec une nuit d'escorte, où elles étaient supposées se faire une grosse somme d'argent.
00:41:57 Et le rabatteur en fait était caché derrière un profil féminin pour faire ce qu'on appelle un viol d'abattage.
00:42:06 Le viol d'abattage, c'est le viol qui va permettre de casser la femme victime de violences porno-criminelles au tout début,
00:42:13 et donc la conditionner par un premier viol.
00:42:16 Alors pour ce viol, c'est un viol d'abattage qui est effectivement un viol orchestré pour préparer et conditionner cette victime.
00:42:26 Donc le rabatteur avait un profil féminin sur les réseaux sociaux,
00:42:31 piégait ses femmes en leur disant qu'il y avait de l'argent facile, que c'était un travail comme un autre,
00:42:35 que c'était un travail facile et que ça allait permettre de résoudre leurs problèmes.
00:42:41 Il se trouve en fait que ce profil féminin était un homme qui ensuite venait lui-même dans la chambre d'hôtel pour violer cette femme
00:42:51 et ensuite proposait à cette femme de l'accompagner sur des tournages pornographiques.
00:42:58 Et que se passait-il ? Dans cette vidéo de février 2020, tout est dit.
00:43:03 Le système de rabattage, le système du viol prostitutionnel,
00:43:07 le système des viols sur les tournages pornographiques avec des pratiques sexuelles extrêmement violentes,
00:43:13 tout ça est dit à visage découvert et on entend un enregistrement, un enregistrement assez sidérant en fait,
00:43:22 où on a le propriétaire de Jacqui et Michel, un des dirigeants de la société Ares,
00:43:28 qui dit "Bien sûr, si tu me ramènes une fille, on te fera une facture,
00:43:34 alors bien sûr on ne va pas mettre proxénétisme,
00:43:38 on ne va pas mettre proxénétisme parce que le proxénétisme est interdit.
00:43:42 On aura une discussion juridique sur les termes, parce que les termes de l'industrie sont extrêmement importants.
00:43:47 Le proxénétisme c'est le fait de tirer parti de la prostitution d'autrui tout simplement et il rigole.
00:43:53 Et donc face à cette impunité, face au fait que de nombreuses femmes disaient à visage découvert avoir été violées,
00:44:00 séquestrées, torturées sur des tournages pornographiques, et il ne se passait rien,
00:44:05 donc nous avons décidé avec deux autres associations qui sont les Effrontés et le Mouvement du Nid,
00:44:10 de faire des signalements au procureur de Paris.
00:44:13 Tout simplement, je rappelle aussi que tous les citoyens et les citoyennes ont la possibilité de faire des signalements
00:44:20 quand ils prennent connaissance de faits criminels, en particulier de faits de pédocriminalité,
00:44:26 c'est un devoir éthique, c'est un devoir de protection, et nous avons fait ces signalements.
00:44:31 Et ces signalements ont été entendus par la justice.
00:44:34 Deux autres instructions, deux instructions, on a appris quelques mois plus tard que deux instructions ont été ouvertes,
00:44:41 et dans ces instructions, les chefs d'inculpation étaient sidérants.
00:44:47 C'est-à-dire que nous avions simplement pris le récit de ces femmes, nous sommes partis de la parole de ces femmes,
00:44:53 et nous avons retranscrit en termes juridiques les actes qui étaient perpétrés dans ce cadre.
00:44:59 Et les actes, quels étaient-ils ? Nous avions bien sûr le qualificatif de viol aggravé.
00:45:05 De viol aggravé, c'est-à-dire que les femmes qui se présentaient sur ces tournages n'avaient aucune idée des pratiques sexuelles qui leur seraient infligées,
00:45:14 et les pratiques sexuelles aujourd'hui dans la pornographie sont extrêmement violentes.
00:45:19 Donc par exemple, quand on parle de l'affaire French Bukake, voilà de quoi on parle.
00:45:25 C'est de ça. Donc l'affaire a commencé par l'affaire French Bukake.
00:45:30 Alors un bukake, c'est simple. Donc monsieur Pascal Opet était un producteur, un des principaux producteurs de l'industrie pornographique française,
00:45:42 et sa spécialité était donc le bukake, c'est-à-dire que tous les dimanches après-midi, il louait un hangar à Paris,
00:45:51 il mettait une palette et il invitait des hommes, des messieurs tout le monde, des pères de famille qui avaient un travail par ailleurs,
00:45:58 et qui pouvaient participer à ce viol collectif. Puisqu'il faut dire, je pense que tout le travail de la sémantique sur les mots,
00:46:05 et de savoir de quoi on parle, on ne parle pas ici de sexualité, on ne parle pas ici de tournage d'un film, ce n'est pas un film,
00:46:14 c'est une scène de torture filmée. Nuance. Et donc on a 50, 80 hommes qui vont passer tour à tour sur la même femme,
00:46:24 qui sera effectivement, qui dans la plupart des cas n'est même pas prévenue du nombre de personnes qui vont venir.
00:46:33 Dans la procédure judiciaire, selon l'article du Monde que je vous invite à lire du 15 décembre 2021, il y a à peu près plus de 500 hommes
00:46:43 qui ne sont pas des acteurs. Je pense que sur l'analyse des mots, il faut, je pense, se débarrasser d'un certain nombre de mots
00:46:55 qui sont des mots qui sont des paravents à la réalité des violences. Ceux ne sont pas des acteurs.
00:47:01 Ce sont des hommes qui veulent participer à un viol collectif filmé et qui vont passer tour à tour sur cette femme.
00:47:09 Donc ça c'est Pascal Opet qui a été un des premiers mis en examen. Un autre homme qui a été mis en examen est Mathieu Loret,
00:47:17 qui est le principal producteur de "Jacky et Michel". Et nous avons été, pas étonnés, mais submergés d'appels de femmes
00:47:25 qui nous ont appelés quand dans la presse est sorti les mises en examen de ces pornocrates. Les mises en examen, que sont-ils ?
00:47:36 Ils sont donc viol aggravé, proxénétisme aggravé, traite des êtres humains et acte de torture et de barbarie.
00:47:43 Acte de torture et de barbarie, c'est important comme qualificatif parce qu'on ne peut pas imaginer que cette scène
00:47:53 soit autre chose qu'une scène de viol collectif qui porte grandement atteinte à la dignité humaine.
00:48:00 Et pourtant, en fait, les scènes de Bukaké sont quelque chose qui aujourd'hui sont passées dans la pornographie comme quelque chose de mainstream.
00:48:07 Ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire. Si vous allez sur les grandes plateformes pornographiques aujourd'hui,
00:48:13 des scènes de Bukaké, il y en a des dizaines de milliers. Et les récits que font les femmes qui ont été victimes de ces viols
00:48:22 sont terribles quant aux conséquences psychiques et psychotraumatiques de ces viols commis en bande organisée, je dirais non.
00:48:32 Donc, on est en septembre 2020 et ensuite, les choses s'emballent. Et aujourd'hui, on a deux affaires qui, je le pense,
00:48:40 et je pense qu'il faut en être conscient, sont non seulement historiques en France, elles sont qualifiées par l'article du Monde
00:48:47 qui a fait cette enquête assez incroyable à lire le 15 décembre 2021. Nous allons assister avec ces deux procès,
00:48:55 aux deux plus grands procès de l'histoire des violences sexistes et sexuelles en France.
00:49:01 Et nous avons aujourd'hui 20 producteurs avec ces chefs d'inculpation de viols aggravés, de proxénétisme aggravé,
00:49:10 de traite des êtres humains et d'actes de torture et de barbarie. Et en face à eux, nous avons aujourd'hui des dizaines de femmes victimes.
00:49:22 On a aujourd'hui plus de 60 femmes victimes qui se sont constituées parties civiles et qui disent aujourd'hui ce que c'est
00:49:31 que aujourd'hui la réalité de l'industrie porno-criminelle. Et c'est ces victimes-là que nous accompagnons et que nous écoutons.
00:49:37 Parce que ce qu'il faut bien voir, c'est que tout ça, tout ça existe depuis très longtemps. Certaines personnes, et on pourra en parler,
00:49:46 pourront dire qu'il y a eu une surenchère dans le sadisme, dans les pratiques sexuelles de la pornographie.
00:49:53 L'industrie pornographique a toujours commis des violences contre les femmes. L'industrie pornographique a toujours utilisé des stratagèmes
00:50:02 pour attirer des femmes vers des tournages qu'elles ne souhaitaient pas réaliser. Donc, suite à cela, l'affaire a grossi et nous sommes aujourd'hui à,
00:50:16 je dirais, un tournant historique. Un tournant historique parce que nous voyons les choses d'une manière telle que nous ne les avons jamais vues.
00:50:26 Et ce qui est sidérant, moi, ça fait trois ans que je travaille sur ce sujet de façon assez extensive. Ce qu'il faut bien voir et pourquoi c'est historique,
00:50:35 c'est que l'intégralité de l'industrie pornographique est aujourd'hui dans l'illégalité. Elle est aujourd'hui dans l'illégalité pour plusieurs choses.
00:50:44 Elle est dans l'illégalité par rapport aux pratiques sur les tournages. Aujourd'hui, on a l'essentiel, une majorité de producteurs qui sont effectivement
00:50:59 mis en examen et dont, j'ai oublié de le dire, Michel Piron. Michel Piron, c'est le propriétaire de Jacquier et Michel et il est lui-même mis en examen
00:51:07 pour traite des êtres humains et complicité de viol. Alors, l'industrie est aujourd'hui accusée par rapport aux pratiques qui sont commises contre ces femmes
00:51:20 et il y a également la question de la diffusion des contenus. La diffusion des contenus, on a aujourd'hui un procès historique en France, mais ce mouvement,
00:51:28 c'est un mouvement qu'il faut imaginer, qu'il faut appréhender comme quelque chose qui est un mouvement mondial. Aujourd'hui, on a aux Etats-Unis en particulier
00:51:38 une pornhub. Donc, on va revenir un petit peu sur les différentes plateformes également. Il y a différents niveaux dans l'industrie pornographique.
00:51:46 Il y a bien sûr la question des producteurs, ce qu'on appelle les producteurs et au-dessus, nous avons donc les plateformes qui représentent des trafics
00:51:55 extrêmement importants. Pornhub, par exemple, est une des plus grosses plateformes pornographiques et comme ça a été dit tout à l'heure, l'ensemble des contenus
00:52:05 sur Internet représentent 35% des contenus sur Internet aujourd'hui. Et Pornhub, aujourd'hui, il est aussi sous le coup de différents procès.
00:52:14 Différents procès parce qu'il y a aussi inconcevable que ça puisse paraître puisqu'on parle de contenus à caractère sexuel, donc des contenus hautement sensibles.
00:52:26 Pornhub ne vérifie rien de ce qui est téléchargé sur ces plateformes. Et depuis maintenant deux ans, il y a aussi un certain nombre de femmes,
00:52:36 des centaines de femmes aujourd'hui qui parlent aux Etats-Unis. Et une enquête qui est sortie dans le New York Times qui raconte en particulier comment
00:52:43 des enfants qui ont été violés ont vu les vidéos de leurs viols sur les sites pornos et en particulier sur les sites de Pornhub.
00:52:52 Et là, nous avons à l'image Serena Flightus. Serena Flightus a été violée à l'âge de 14 ans. À l'âge de 14 ans, elle a été violée et ce que démontre
00:53:01 l'article du New York Times, c'est que la vidéo de son viol a non seulement été uploadée sur Pornhub, mais ensuite, pendant des mois, pendant des mois
00:53:09 et pendant des mois, elle a supplié, supplié la plateforme pour dire qu'elle avait été violée et qu'il fallait retirer cette vidéo.
00:53:18 Pornhub n'a jamais retiré la vidéo qui était en ligne et elles sont aujourd'hui plus de 150 femmes qui, dans le cadre d'une classe action qui va se préparer
00:53:32 aux États-Unis, va devoir rendre des comptes à Pornhub qui, aujourd'hui, ne contrôle toujours pas qu'est-ce qui est uploadé sur le site.
00:53:41 Alors, vous allez me dire, ça semble sidérant. Ça semble effectivement sidérant dans le sens où tout est illégal. C'est-à-dire la façon dont sont faits
00:53:53 ces tournages sont illégaux, la façon dont ils sont diffusés sont illégaux et la raison pour laquelle il est possible, il est possible d'avoir
00:54:02 cette zone de non-droit qu'est la pornographie, c'est que la pornographie, aujourd'hui, entretient un certain nombre de mythes, un certain nombre de mythes
00:54:11 qu'on va essayer de décrypter ensemble et de déconstruire ensemble. Alors, la première mythologie que nous... qu'entretient la pornographie, c'est que la pornographie
00:54:26 serait du cinéma. Alors, c'est, je dirais, le premier mot qui a été posé par l'industrie pornographique pour nous faire croire que la pornographie
00:54:40 était légale. Alors, la question de dire est-ce qu'on veut interdire la pornographie ou pas, la question n'est pas d'interdire la pornographie ou pas,
00:54:47 la question qui nous est posée aujourd'hui, c'est comment faire rentrer la pornographie dans le cadre légal actuel. Et dans le cadre légal actuel,
00:54:55 la pornographie n'est pas du cinéma. La pornographie n'est pas du cinéma pour une simple et bonne raison, c'est que les actes qui sont filmés
00:55:05 ne sont pas des actes qui sont simulés. Tout simplement, les actes de pénétration, les actes de violence physique et sexuelle qui sont commises
00:55:15 contre les femmes ne sont pas simulés. C'est la grosse différence entre un objet culturel que le cinéma et la pornographie. À partir du moment
00:55:24 où les actes ne sont pas simulés, on ne peut plus considérer cela comme du cinéma. Donc ça, c'est le premier mot, le premier mot qu'il faut, je dirais,
00:55:33 faire dissiper pour pouvoir regarder la réalité des tournages. Alors, juste pour revenir, je vais revenir en arrière, sur ce que représente
00:55:46 aujourd'hui la pornographie. Donc la pornographie, par rapport à ce que je disais sur Pornhub, on est aujourd'hui sur des contenus qui sont massifs,
00:55:56 puisque 30% de tout ce qui passe sur Internet est aujourd'hui de la pornographie. 70% des hommes âgés de 18 à 24 ans visitent des sites pornographiques
00:56:12 et on a aujourd'hui, en termes de contenu, plus de visiteurs pornos chaque mois que sur Netflix, Amazon et Twitter. Alors, donc ça, je reviendrai après dessus,
00:56:32 sur la représentation. Voilà, à nouveau des chiffres sur les plateformes pornographiques. Nous avons 47 milliards de visites chaque année sur Pornhub,
00:56:45 130 millions de visites journalières et 962 recherches par seconde, 4,79 millions de vidéos chaque année sont uploadées sur Pornhub.
00:56:57 Donc c'est un empire gigantesque qui n'a aucun contrôle sur les contenus. Alors, si on examine ensuite, je pense que ce qui est intéressant de regarder,
00:57:07 c'est, à nouveau, on va essayer de faire cette déconstruction, cette déconstruction sur les mots. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand on parlait dans l'introduction
00:57:17 de l'érotisation des violences sexistes et sexuelles, je pense qu'il faut tout simplement regarder de façon assez crue, assez directe, les catégories qu'on retrouve
00:57:27 sur ces plateformes. De quelles catégories parlons-nous aujourd'hui sur les plateformes ? Ce sont les pratiques aujourd'hui qu'on appelle des pratiques mainstream.
00:57:35 Je suis vraiment désolée, je mets un petit trigger warning parce qu'on a des contenus qui sont assez violents. Les catégories aujourd'hui sont des pratiques
00:57:44 qui confinent, et je pense que ce sera jugé comme tel dans le cadre du Bukaké, à une forme de sadisme contre les femmes. C'est-à-dire que l'ensemble des scénarios
00:57:54 pornographiques, on parlait de 90% des vidéos aujourd'hui qui sont sur les plateformes, contiennent des scènes de violence. Et on va essayer de faire un petit travail
00:58:05 de remise à l'endroit d'un certain nombre de mots. Donc les pratiques aujourd'hui qui sont communes, on a la pratique du gagging. Le gagging, c'est l'étouffement
00:58:17 par fellation profonde. C'est un acte de violence. C'est quelqu'un qui s'étouffe, une femme qui s'étouffe et qui n'arrive pas à respirer. Et on a des vidéos où on voit des femmes
00:58:27 qui littéralement suffoquent par étouffement. On a ensuite des... alors double anal, double anal, triple pénétration anal. On a aujourd'hui des vidéos, je pense qu'on a à peu près
00:58:45 300 000 vidéos aujourd'hui sur Pornhub qui concernent des doubles pénétrations. Des doubles pénétrations, donc c'est... de façon, là aussi je suis vraiment désolée,
00:58:55 de façon extrêmement crue pour ceux et celles qui n'ont jamais été sur un site pornographique, ça veut dire deux sexes en même temps dans un anus. On a aujourd'hui des femmes
00:59:06 qui témoignent de dégradation physique de leur vagin et de leur anus du fait de ces doubles pénétrations et de ces triples pénétrations. On ne peut pas considérer, là aussi,
00:59:21 ça comme un travail, ni comme un travail, ni comme un rôle d'acteur. Et là, je répète à nouveau quelque chose qui semble simple en fait. Cette violence, elle est réelle.
00:59:34 Cette violence, elle est subie par des millions de femmes qui sont aujourd'hui représentées dans ces vidéos, dans la pornographie. Ensuite, on va continuer les catégories qu'on peut trouver.
00:59:45 On a une catégorie qui s'appelle strangulation, donc de l'étranglement. Donc là aussi, si on enlève le mot sexe, si on enlève le mot pornographie, on ne peut pas consentir à sa propre torture.
00:59:58 On ne peut pas consentir à être frappée, étouffée, étranglée contre de l'argent en fait. Donc même le mot acteur, le mot actrice est problématique. Les femmes que nous accompagnons,
01:00:13 à qui ont subi un certain nombre de sévices et qui aujourd'hui voient leur parole entendue par la justice, ne se sont jamais considérées comme des actrices.
01:00:23 Donc peut-être que ce que j'espère, en tout cas à l'issue de ma présentation, c'est que les mots de l'industrie tombent par terre enfin.
01:00:30 Donc en fait, je pense qu'il faudrait premièrement arrêter d'utiliser le mot cinéma, arrêter d'utiliser le mot actrice, qui est un mot qui invisibilise les actes réellement commis
01:00:42 contre ces femmes. Alors ensuite, nous avons bien sûr tout un éventail de sévices physiques qui vont jusqu'à le crachat, l'éjaculation faciale qui est quand même une obsession
01:00:58 de la pornographie parce que c'est une forme finalement de souillure qu'on va infliger à une femme par l'éjaculation faciale, le fisting qui est quelque chose aussi encore
01:01:09 aujourd'hui d'extrêmement courant. Le bukkake, c'est la scène que nous avons vue tout à l'heure avec viol collectif, puis éjaculation en meute sur cette femme
01:01:20 qui va être pénétrée par 30 à 80 hommes. Et nous avons bien sûr les coups, tirage de cheveux, crachat, urine. Et on arrive aujourd'hui sur des scénarios
01:01:33 dans la surenchère du sadisme actuellement des pornocrates. On a aujourd'hui maintenant des scènes d'électrocution qu'on trouve là aussi facilement, en deux clics,
01:01:43 accessibles à tous. Des scènes où on électrocute des femmes et qu'on les filme. Alors, surenchère du sadisme et de l'érotisation de la violence sexiste.
01:01:59 Alors, beaucoup de gens me disent "oui, c'est vrai". Mais effectivement, il y a eu une forme de surenchère par la recherche du clic. Je rappellerai aussi que ces
01:02:14 plateformes, elles sont pour la plupart gratuites, facilement accessibles, financées essentiellement par la publicité. Donc, il faut faire du clic. Et la recherche du clic
01:02:24 a développé des contenus de plus en plus violents année après année. C'est certes vrai. Il y a un certain nombre de pratiques que je vous montre là qui n'existaient pas
01:02:34 il y a quelques années. Mais il y a eu surtout, je pense, avec l'arrivée d'Internet, une massification. Une massification du nombre de contenus. On peut regarder par exemple
01:02:45 le nombre de vidéos sur Pornhub. On a à peu près 3 millions de vidéos aujourd'hui sur Pornhub. On a une massification du contenu. On a des contenus qui sont beaucoup plus
01:02:53 accessibles, beaucoup plus accessibles à tout âge, puisqu'il n'y a aucun contrôle d'âge mis en place malgré la loi qui existe interdisant l'accès de la pornographie aux mineurs.
01:03:02 Mais la pornographie, il faut bien le rappeler, a toujours, toujours été violente et a toujours été façonnée pour érotiser la violence commise contre les femmes, raconter une histoire
01:03:16 qui est en fait l'histoire du patriarcat. Et je vais vous raconter peut-être une anecdote, ou plutôt je vais vous faire un petit retour sur l'histoire de la pornographie.
01:03:27 Un des premiers films grand public, et je vous invite vraiment à lire le livre de Gayle Dines qui s'appelle "Pornland" qui le raconte extrêmement bien. Il date de 1972.
01:03:39 En 1972, c'est-à-dire il y a maintenant 50 ans, nous étions déjà, nous, féministes, en train de dénoncer l'industrie porno-criminelle dans le cadre de la sortie d'un film
01:03:52 qui s'appelait à l'époque "Gorge profonde". "Gorge profonde", c'est le premier blockbuster. C'est le coup de maître d'une industrie pornographique naissante qui avait réussi
01:04:02 à sortir des cinémas porno pour faire un film grand public où le scénario était extrêmement clair. C'était effectivement le début de la pratique du gagging
01:04:15 avec un étouffement par "Gorge profonde". Et l'actrice Linda Marchiano, elle a raconté, et c'est ensuite uni aux féministes pour lutter contre l'industrie porno-criminelle.
01:04:27 On l'a bien sûr à l'époque présentée comme une femme qui aimait ça. Une femme, le scénario du script était extrêmement clair. Elle jouerait avec le fond de sa gorge
01:04:40 et donc il y avait tout un scénario et elle a tourné sur un certain nombre de médias pour dire qu'elle était effectivement, elle aimait ça.
01:04:48 C'est quelque chose qui est extrêmement important dans la rhétorique des pornocrates, c'est de faire croire que les femmes consentent à ces actes et consentent à subir
01:04:59 ces actes de violence, ces actes de torture. Ça c'est extrêmement central. Et pourtant, peu de temps après, elle a effectivement raconté les conditions du tournage.
01:05:09 Les conditions du tournage, c'était son conjoint, c'était aussi son proxénète, qui l'a forcée à faire ce tournage-là, qui s'appelle "Gorge profonde" et qui en fait a été extorquée.
01:05:21 Elle a été menacée par un flingue et ce film n'est que la vidéo de son viol où elle a été forcée par son conjoint à tourner ce film.
01:05:31 Et elle a raconté quelque chose, elle s'est unie avec un certain nombre de féministes, en particulier deux féministes qui s'appellent Andrea Dworkin et Catherine McKinnon
01:05:40 qui ont à ce moment-là dit exactement ce que nous féministes disons aujourd'hui. La pornographie est intrinsèquement une violence et la pire des violences faites contre les femmes.
01:05:55 Alors pourquoi elle existe-t-elle ? Ouvrons les yeux. Et à l'époque, Catherine McKinnon et Andrea Dworkin ont essayé de faire une campagne aux Etats-Unis contre la pornographie.
01:06:07 On a essayé de déposer un certain nombre de propositions de loi et Linda Marciano a dit quelque chose qui est très juste.
01:06:14 C'est non seulement que j'ai été violée sur le tournage de "Gorge profonde" mais chaque fois, chaque fois que cette vidéo qui est aujourd'hui, qui a été vue des millions de fois,
01:06:24 chaque fois qu'un homme se masturbe, chaque fois qu'un homme regarde "Gorge profonde" et se masturbe sur la vidéo de mon viol, c'est comme si j'étais à nouveau violée.
01:06:36 Car la spécificité de la pornographie c'est que non seulement les femmes qui ont nous accompagnées exactement comme Linda Marciano en 1972 ont été violées,
01:06:48 mais aussi incroyable que ça puisse paraître, les vidéos des viols aujourd'hui sont encore sur les plateformes et sont encore en ligne et il est impossible de les faire retirer.
01:07:01 Donc la violence du premier viol se continue par la violence, par la diffusion incontrôlée des vidéos sur les plateformes.
01:07:12 Alors on va revenir pour les catégories. Alors, ça, ce sont, alors, juste je voulais quand même vous montrer, excusez-moi c'est un petit peu violent,
01:07:27 mais vous voyez, je vous ai mis à droite également un certain nombre de titres de vidéos. Les titres de ces vidéos, ce sont des titres complètement mainstream,
01:07:38 ce sont des titres qui sont aujourd'hui complètement acceptés, librement accessibles et donc par exemple le premier, ça m'a mis exactement 2 minutes 30 pour trouver ce titre.
01:07:49 On a, alors je vois pas le premier chiffre parce que c'est, 39, donc "femme enceinte de 39 semaines qui est prise brutalement par du sexe anal".
01:08:06 Alors une grossesse c'est 42 semaines, donc vous êtes à terme, des femmes enceintes, il y en a, des dizaines, des centaines, qui sont souvent prises de façon extrêmement brutale,
01:08:18 jusqu'au terme d'une grossesse. Et en dessous, on a aussi, je pense qu'il faut, j'ai un peu de mal à le lire parce que c'est un petit peu violent, mais on a là aussi,
01:08:30 je sais pas si vous le voyez, "étouffée, une milf". Donc on a cette, même dans les titres, on a une apologie de la violence. Alors maintenant on va essayer de regarder
01:08:42 comment ces titres, comment ces intitulés de cinéma, enfin ces intitulés, pardon, de vidéos, peuvent être interprétés à l'aune du droit.
01:08:56 Nous avons là, en fait, non seulement une apologie de la violence, mais plutôt même des actes de violence sadique perpétrés contre des femmes, qui sont illégaux et qui ne sont pas simulés.
01:09:14 Alors, je vais vous montrer maintenant une autre typologie des catégories qu'on trouve sur les sites. Là aussi, c'est quelque chose qui est librement accessible à tous et à vos enfants.
01:09:30 À gauche, nous avons des scénarios racistes. Donc on a un certain nombre de blackface dans la pornographie, chose qui serait absolument, absolument impossible hors de la pornographie.
01:09:43 Mais dans la pornographie, il est possible aujourd'hui d'avoir des scénarios, des scénarios coloniaux, des scénarios qui font l'apologie de la haine raciale.
01:09:53 On a ce titre qui s'appelle "Une chienne mulâtre excitée qui aime se faire baiser". On est dans des scénarios coloniaux, car avec une catégorie en particulier qui serait, je pense, interdite nulle part ailleurs par rapport à, hors de la pornographie.
01:10:15 La catégorie interraciale, telle qu'elle est décrite aujourd'hui, les femmes sont soit classées par pratique, par violence sexuelle, soit elles sont classées par race.
01:10:27 Donc on a la catégorie interraciale qui reproduit un certain nombre de schémas très coloniaux, dans lesquels on a deux possibilités. On a soit un homme noir qui va pénétrer sexuellement une femme blanche de façon extrêmement brutale.
01:10:49 Et donc il y a un certain nombre d'analyses qui montrent pourquoi ces scénarios sont développés. Ces scénarios sont développés parce qu'en fait, tout le but de la pornographie est de montrer que les femmes aiment être souillées, aiment être humiliées.
01:11:04 Et quoi de plus grand d'humiliation que de les humilier par des hommes noirs qui les prennent brutalement. Donc je vais avancer parce que ça va un peu plus long.
01:11:14 Par rapport au racisme, là aussi, on a des enquêtes qui sont produites par l'industrie qui assument complètement les mots-clés les plus recherchés en France.
01:11:23 La pornographie aujourd'hui est plus que raciste puisque les mots-clés les plus recherchés en France, c'est "beurette". Donc on a "beurette", on a aussi bien sûr "salope" et puis on a "marocaine", "arabe", "viol".
01:11:38 Donc l'obsession, en fait, l'idéologie centrale de la pornographie, c'est l'idéologie de la haine. L'idéologie de la haine des femmes, l'idéologie du sadisme contre les femmes.
01:11:51 Et quoi de plus excitant dans la pornographie que de faire en plus l'apologie de la haine raciale. Et donc les mots-clés les plus recherchés aujourd'hui en France visent simplement à satisfaire le pire de la haine raciale.
01:12:06 C'est qu'on va souiller une femme arabe. Et l'archétype de la beurette, en particulier, il y a un certain nombre, les films qui marchent bien, et on trouve ça sur Dorsal, on trouve ça sur Jackie et Michel,
01:12:18 ça va être le scénario de l'arabe qui va être pris dans une cave. Donc un scénario qui fait appel non seulement au racisme, mais bien sûr à des actes de violence sadique.
01:12:31 Alors je vais attendre un petit peu. Alors qu'est-ce qu'on a aussi sur les catégories ? Une autre catégorie qui est extrêmement prégnante, c'est les catégories liées à la pédocriminalité.
01:12:44 Donc une des catégories les plus recherchées sur Pornhub, c'est la catégorie teen. Teen, ça veut dire adolescent. Et il y a une autre catégorie qui a quand même 30 000 vidéos aujourd'hui sur Pornhub,
01:12:56 qui s'appelle la catégorie fantasme familial. Donc la catégorie fantasme familial, c'est à minima de l'apologie de l'inceste, et la catégorie teen, c'est à minima de l'apologie de la pédopornographie,
01:13:09 de la pédocriminalité, voire même de la pédopornographie. Et le scénario là aussi est toujours identique. On a une érotisation du corps des enfants, avec la mise en avant du fait
01:13:24 que les enfants sont excitants, et donc on est en plein dans la culture pédocriminale. Donc je vous épargne la lecture peut-être de ces scénarios, mais là aussi,
01:13:34 tout ça est parfaitement en acte, c'est libre. On a par exemple "She loves sucking daddy's duck". Elle aime sucer la bite de papa. Ça semble irréel.
01:13:49 Et quand on regarde ça à l'aune du droit, on va se dire "Bon ben, en fait, on a des lois, on a un cadre légal, on va faire interdire ces contenus".
01:13:57 Ces contenus sont de la pédopornographie. La pédopornographie est définie comme la mise en représentation d'enfants, et effectivement, pas besoin de montrer d'ailleurs
01:14:07 qu'elles sont adultes, on a effectivement des adolescentes qui sont souvent représentées avec des tenues de collégienne, et donc c'est au regard du droit de la pédopornographie.
01:14:19 A "Osez le féminisme", on a fait plus de 200 signalements sur l'ensemble de ces contenus. On a fait des signalements pour viol, pour acte de torture et de barbarie,
01:14:29 pour apologie de la haine raciale, pour apologie de la haine misogyne, pour lesbophobie, et aujourd'hui, on a obtenu aucun retrait de contenu.
01:14:45 Aucun retrait de contenu, avec cet argumentaire qui nous avait été opposé, à nouveau, sur le fait que ce serait du cinéma.
01:14:54 Donc c'est ça qu'on veut changer, c'est ça sur lequel on veut changer le logiciel, changer la façon dont on a à voir à la pornographie, et je suis désolée mais j'ai pas du tout fini.
01:15:07 Donc je vais... une minute, une minute. Donc je pense que je suis vraiment... j'ai été un peu prise par le temps, mais je vais essayer de finir. Donc c'est ce que raconte le rapport du Sénat,
01:15:22 et je pense que c'est ça, si vous deviez retenir une seule chose de cette présentation, c'est que les actes de violence et les actes de pénétration sexuelle ne sont pas simulés.
01:15:33 Ces femmes sont réelles, ces femmes sont humaines, et il y a aujourd'hui un vrai enjeu de faire disparaître les terminologies de cinéma pour dire simplement la réalité de l'industrie porno-criminelle.
01:15:45 Ensuite, deuxième point, actrices porno. Actrices porno, ça n'a pas de sens. Ça n'a pas de sens. Ce n'est pas du cinéma, ce ne sont pas des actrices.
01:15:54 Est-ce que nous pouvons consentir à notre propre torture ? Est-ce que nous pouvons consentir, moyennant de l'argent, à être torturés ou à être violentés physiquement ?
01:16:05 La réponse de notre contrat social, basé aujourd'hui sur le respect de l'intégrité corporelle, le respect de la dignité humaine, la réponse est non.
01:16:14 La réponse est non dans le cadre de notre droit actuel. On ne peut pas, aujourd'hui, contractualiser.
01:16:21 Et la réponse de l'industrie, aujourd'hui, face à ces affaires qui montrent des violences sexuelles systémiques, est de proposer une charte.
01:16:29 Une charte, c'est-à-dire qu'on voudrait contractualiser. Mais malheureusement, non, on ne peut pas contractualiser.
01:16:36 Et pire encore, et j'aimerais juste finir là-dessus, peut-être, sur le mot consentement. Le mot consentement est un mot piégeux.
01:16:44 Pourquoi le mot consentement est un mot piégeux ? Parce que, là aussi, il est mis en avant par l'industrie en disant "mais certaines ont consenti, elles ont signé un papier".
01:16:53 Elles ont signé un papier. Alors, la plupart du temps, ce n'est pas un contrat, mais c'est plutôt un droit à l'image. Donc, elles étaient consentantes.
01:17:01 Le consentement, en fait, par contrat, on est sur la typologie du contrat, et donc le consentement, aujourd'hui, il oblige.
01:17:09 Et quand on écoute ces femmes, beaucoup ont dit "pourquoi vous n'êtes pas partie ? Pourquoi vous n'êtes pas... ?" Elles m'avaient dit "on avait signé".
01:17:17 Et le consentement, a priori, est un consentement vicié. Un consentement, on doit pouvoir, à tout moment, dans un rapport sexuel, être en capacité de dire non.
01:17:27 Et le contrat, aujourd'hui, il n'est non pas là pour protéger une femme, mais pour la contraindre, pour l'obliger, et pour lui dire, une fois qu'elle est sur ce plateau de tournage, qu'elle a signé, et donc qu'elle est obligée.
01:17:41 Et donc, on est en train de...
01:17:43 Céline, je vous invite à conclure, je vous prie, m'excusez.
01:17:45 Pardon, je vais finir, juste, quelque chose. On va finir avec ça.
01:17:51 Un consentement par contrat oblige et non libère, je vous conseille vraiment le livre de Muriel Fabre-Emmanuel, "L'institution de la liberté".
01:17:59 Et donc, la question du contrat et la question du consentement démontrent le principe du droit commercial, le principe du consentement par contrat ne peut pas être supérieur,
01:18:14 en termes de hiérarchie des normes de notre contrat social, au principe fondateur du respect de la dignité humaine et du respect de l'intégrité corporelle,
01:18:26 qui fait qu'aujourd'hui, nous devons ouvrir les yeux sur cette industrie pornocrate et cette mythologie fabriquée par les pornocrates,
01:18:38 qui voudrait nous faire croire que la pornographie illégale, elle est dans le cadre actuel aujourd'hui de notre cadre légal, entièrement hors la loi.
01:18:48 (Applaudissements)
01:19:04 Merci Céline pour votre intervention. Le temps nous est néanmoins compté.
01:19:10 Et nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions, notamment au sein des deux prochaines séquences, pardon, qui seront animées par Marie-Sophie Corman.
01:19:22 Marie-Sophie Corman, qui est journaliste au DNA depuis 30 ans. Parmi ses domaines de prédilection, la politique au sens des affaires de la cité, l'histoire et évidemment les questions de genre.
01:19:36 J'accueille Marie-Sophie Corman et lui laisse la parole pour présenter ces deux prochaines séquences qui seront des mises en dialogue.
01:19:44 (Applaudissements)
01:20:00 Là on devrait m'entendre ? Ouais super. Bonjour à vous. On a pris un tout petit peu de retard, mais on va se débrouiller.
01:20:10 Je crois qu'il y a une vidéo, on se posait la question de savoir si on va la diffuser ou pas. Elle est très importante, donc on va la garder. C'est pour l'organisation.
01:20:22 Non, effectivement on ne la diffuse pas. On vient de me passer l'information.
01:20:26 Ça va être un peu compliqué. On va compacter d'autres choses alors. Je pense que si c'est jouable, ce serait bien quand même d'avoir ça.
01:20:43 J'aimerais accueillir Lorraine une question.
01:20:47 (Applaudissements)
01:20:55 Bonjour Lorraine. Vous pouvez vous asseoir, vous vous installez. Je perds mes fiches, tout va bien.
01:21:00 Vous êtes avocate au barreau de Paris. Vous êtes spécialiste du système que vous qualifiez de prostitueur et pornographique.
01:21:08 Vous représentez des victimes dans l'affaire French-Bukaké, Jackie et Michel aussi, toutes deux emblématiques de la traite d'être humain
01:21:17 qui se cachent derrière l'affichage parfois débonnaire du porno pro-âme ou pro-amateur français.
01:21:24 D'un point de vue militant, j'ai entendu, j'ai vu que vous vous définissiez comme féministe, communiste et abolitionniste.
01:21:32 Ce dernier qualificatif venant, dites-vous, précisez-vous de votre expérience auprès de femmes victimes et non d'une posture théorique.
01:21:42 Bien. Alissa Arambar. (Applaudissements)
01:21:53 Bonjour Alissa. Vous êtes juriste en droit européen et international, spécialisée sur le sujet des libertés fondamentales, militante féministe.
01:22:04 Vous êtes chargée de projet au réseau européen des femmes migrantes et aussi vice-présidente de la coordination française pour le lobby européen des femmes.
01:22:13 Vous avez contribué à plusieurs ouvrages sur le féminisme, écrit divers outils pédagogiques et vous dispensez des formations aux professionnels,
01:22:22 notamment sur l'égalité femmes-hommes, mais aussi l'accès aux droits fondamentaux des groupes marginalisés.
01:22:28 Vous êtes enfin fondatrice d'une compagnie qui travaille avec les jeunes sur l'égalité de genre et la lutte contre toute forme de discrimination.
01:22:36 À travers vos deux interventions ce matin, nous allons traiter des violences dans l'industrie pornographique, plus précisément des failles juridiques et des rouages économiques dans lesquels elles s'inscrivent.
01:22:50 Donc on n'est pas en avance, mais on va se débrouiller. Après l'intervention de Lorraine qui va commencer, on aura un petit temps d'échange avec la salle.
01:23:04 Il va être réduit, j'en suis désolée d'avance. Et puis on aura la même chose après l'intervention d'Alissa.
01:23:12 Lorraine, je crois que vous aurez pris un peu d'eau, on peut démarrer sur l'exposé que vous nous proposez sur une approche matérialiste et juridique du fait social pornographique.
01:23:31 Oui, alors ça marche ? Ce serait super. Je voulais d'abord vous remercier de m'avoir invitée aujourd'hui.
01:23:37 Je suis très impressionnée par le nombre de personnes qui se sont rendues à ce colloque, qui est effectivement assez inédit en France,
01:23:45 puisqu'il est à la hauteur des enjeux et à la hauteur de l'importance des questions politiques, juridiques et sociales qui sont posées par le fait social pornographique.
01:23:57 Céline l'a un petit peu rappelé, ce n'est pas la première fois que la société s'interroge sur ce fait social-là.
01:24:04 Il y a eu des luttes féministes historiques sur cette question, puisque vous l'avez vu dans l'exposé de Céline,
01:24:10 on est quand même confronté à un paroxysme de violence et que le système pornographique a ceci d'intéressant,
01:24:19 qu'il réunit les deux formes d'oppression, en tout cas matricielle, c'est-à-dire qu'il y a à la fois l'oppression structurelle,
01:24:28 c'est-à-dire matérielle, qu'on peut toucher, qu'on peut voir, c'est ce qu'ont subi les femmes que j'accompagne dans ce dossier,
01:24:35 à savoir des viols, des actes de torture, du proxénétisme.
01:24:40 On a cette industrie qui génère de l'argent et qui orchestre, organise l'exploitation sexuelle, la destruction, la déshumanisation d'êtres humains.
01:24:54 Ça c'est ce qu'on peut palper, ce qu'on peut voir. Mais la pornographie, elle revêt dans son sens polysémique aussi la domination et l'oppression immatérielles, symboliques,
01:25:11 par son contenu, par ce qu'elle génère. Et effectivement, pour lutter contre un système de domination, il faut à la fois adresser évidemment,
01:25:19 on va dire, les oppressions qui sont matérielles, visibles, palpables, les viols, les violences sexuelles, les écarts de salaire, les discriminations,
01:25:27 ce qu'on essaie de combattre au quotidien dans les lois, dans les mouvements féministes depuis très longtemps.
01:25:34 Mais surtout, et il ne faut pas oublier, parce que le système fonctionne ainsi, adresser également la violence symbolique, idéologique, immatérielle,
01:25:46 cette partie de violence qu'on a intériorisée, qui se diffuse de manière invisible dans chacun d'entre nous, qui formate les êtres humains à vivre dans un système d'oppression,
01:25:59 à tolérer des actes qui sont intolérables, à voir parfois collaborer en réalité à leur propre domination. Et c'est ce qu'on appelle les violences immatérielles.
01:26:09 Et c'est exactement ce que produit, génère l'industrie pornographique, puisqu'elle produit des images à très haute dose, elle produit des normes sexuelles dans l'inconscient collectif,
01:26:21 elle vient exploiter, exproprier l'intime pour y supplanter des normes de violence qui s'appuient en réalité, comme l'a très bien dit Céline,
01:26:33 sur des idéologies que l'on connaît très bien, qui sont racistes, qui sont sexistes, qui sont classistes et haineuses.
01:26:42 Et donc là, je pense qu'avec la pornographie, en tout cas le fait que cette question aujourd'hui vienne au devant de la scène politique et de la scène juridique,
01:26:51 veut dire quelque chose du mouvement féministe et de la prise de conscience de notre société.
01:26:55 Elle veut dire qu'on est arrivé à maturité. Parce qu'en réalité, adresser uniquement la question matérielle, uniquement adresser les questions des viols,
01:27:03 les statistiques tous les ans, des féminicides, du nombre de viols perpétrés contre les femmes, des écarts de salaire et finalement de ce qui est le plus palpable,
01:27:13 et oublier au même moment l'idéologie, ce qui en fait rend possible ce continuum de violence, ce qui est à l'origine en réalité de ces passages à l'acte et de l'impunité qui s'y attachent,
01:27:25 et bien c'est complètement vain. Il ne sert strictement à rien d'essayer, d'ailleurs on l'a démontré, les lois, tous les ans, on a le droit à,
01:27:32 comment se fait-il, qu'en dépit des différentes réformes législatives, des efforts perpétuellement mis en place, nous ne parvenons pas à réduire le nombre de violences sexuelles,
01:27:44 le nombre de violences physiques contre les femmes. La simple et bonne raison c'est tout simplement parce que nous n'adressons pas le problème à sa racine,
01:27:51 de manière radicale, nous n'adressons pas, jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à ce que nous prenions justement en compte la pornographie comme idéologie,
01:28:01 et comme culture du viol, comme point de départ en réalité, moi je pense, de toutes les matrices en réalité de domination, parce que vous l'avez vu, Céline l'a démontré,
01:28:11 on est à l'intersectionnalité de toutes les formes de domination, on est vraiment au cœur du réacteur, au cœur du réacteur de la haine, et je pense que quand une fois on adresse,
01:28:25 on regarde de manière claire ce que c'est la pornographie, on ne peut pas détourner le regard. Et donc, il faut saluer ce moment historique aujourd'hui,
01:28:32 et aujourd'hui et dans les années qui vont venir, il faut le saluer comme étant une étape importante, mais je dirais presque même nécessaire, et elle était inévitable,
01:28:43 de prise de conscience sociétale de comment fonctionne un système de domination. Bon, en réalité, ça fait longtemps qu'on le sait, mais je veux dire, c'est un peu comme finalement,
01:28:51 quand on écrit sur le sable, l'eau passe, et il faut toujours réécrire, un système de domination fonctionne effectivement à partir d'une idéologie qui est son point de départ,
01:29:00 et qui rend possible les passages à l'acte. Et c'est aussi ce témoignage-là que je veux apporter en tant qu'avocate, parce que, évidemment, j'accompagne des femmes victimes
01:29:10 dans ce dossier spécifique, qui est au cœur de l'industrie proxénète et pornographique française, mais j'accompagne évidemment depuis plusieurs années des femmes victimes de violences sexuelles,
01:29:23 des femmes, des enfants, et dans d'autres sphères, et on voit la porosité, l'interconnexion entre effectivement ce qui se passe dans cette industrie, et non seulement la possibilité
01:29:39 des passages à l'acte contre toutes les femmes dans la société, mais aussi la pénétration de cette idéologie jusque dans les institutions judiciaires, jusque dans les structures
01:29:50 qui sont censées protéger en fait les femmes, et qui neutralisent le droit. C'est-à-dire qu'il faut que vous compreniez l'industrie proxénète et la culture du viol qu'elle génère,
01:30:02 et la culture raciste, classiste qu'elle génère, comme étant l'ennemi principal, comme étant l'origine de pourquoi nous n'obtenons pas justice aujourd'hui,
01:30:14 de pourquoi on ne croit pas les femmes, et de pourquoi les hommes, puisque c'est principalement les hommes dont on parle, se sentent autorisés,
01:30:24 et sentent qu'ils jouissent d'une impunité à perpétrer des actes de violence contre les femmes. C'est vraiment, on est dans ce continuum, on est au point de départ.
01:30:33 Alors, je voulais apporter, parce que c'est vrai qu'on est toujours un peu frappés par le fait que, quand on adresse la question de la pornographie, il y a des gens qui sont surpris
01:30:44 d'associer ce terme à de la violence, surpris de découvrir qu'il y a de la traite des êtres humains, du proxénétisme et des viols dans la pornographie,
01:30:53 alors qu'en fait, ça fait très longtemps, à la fois la société le sait, parce qu'il y a déjà eu, comme vous le savez, des luttes féministes dans les années 70, dans les années 80,
01:31:03 avec au cœur de ces luttes, des femmes survivantes du système pornocratique, qui venaient témoigner, qui n'étaient pas écoutées bien sûr, mais qui venaient en parler.
01:31:11 Il y a eu, vous pouvez, en tapant très facilement sur internet, retrouver dans la presse française, des témoignages de femmes qui étaient dans l'industrie pornographique,
01:31:21 en 2010, en 2012, en 2014, qui témoignaient qu'on n'a pas écouté, comme d'habitude, j'ai envie de vous dire, comme dans les autres cas de violences sexuelles.
01:31:31 Et surtout, il y a des instances juridiques, des instances européennes, des instances politiques, qui depuis longtemps, et les instances politiques statuent,
01:31:40 non pas en dogme, mais à partir d'éléments matériels recueillis, notamment à partir d'enquêtes qui sont réalisées par les autorités judiciaires européennes,
01:31:50 comme Eurojust, Europol, sur ce qu'est réellement le système pornocratique et proxénète.
01:31:55 Et évidemment, les définitions, elles sont assez claires. Il y a une résolution de 1993 du Parlement européen, donc le Parlement européen, qui n'est pas,
01:32:05 bon c'est progressiste, mais on ne peut pas considérer non plus que c'est un organe de féminisme radical, qui vient finalement définir la pornographie,
01:32:14 déjà, donc en 1993, dans les attendus, convaincu que la pornographie constitue une pratique systématique d'exploitation et de subordination fondée sur le sexe,
01:32:24 qui porte préjudice aux femmes dans une mesure disproportionnée, qu'elle contribue à l'inégalité entre les sexes et accentue le déséquilibre des forces dans la société.
01:32:34 L'assujettissement des femmes et la domination par les hommes. Donc c'est-à-dire qu'en 1993, vous aviez le Parlement européen qui donnait une définition exacte,
01:32:44 matérielle, de ce qu'est en fait le produit de la pornographie, donc cette oppression symbolique, idéologique, culture de la culture du viol, et on est passé à côté, quoi.
01:32:56 On continue dans la presse, parce que c'est aussi très intéressant de voir comment les médias définissent la pornographie, traitent ce sujet.
01:33:04 Il est rarement traité avec, pour point de départ, le cadre juridique, qui est notre cadre juridique, notre contrat social.
01:33:10 On va plutôt partir dans de la mythologie, dans des notions qui sont complètement rêvées, affabulatrices.
01:33:17 On va d'abord tenir pour argent comptant un discours qui est souvent préfabriqué par l'industrie, par les agences de com' qui travaillent pour eux,
01:33:25 qui sont employées pour créer une rhétorique, un narratif. Donc la société va davantage se fier à ce qu'on va trouver sur des petites capsules internet type Konbini ou Brut,
01:33:37 que sur des textes à valeur interprétative et qui sont quand même l'expression de notre société démocratique.
01:33:46 Ça c'était en 1993, plus récemment, une résolution encore une fois du Parlement européen du 14 décembre 2021,
01:33:52 donc là quand même on est il y a quelques mois quasiment, dans laquelle le Parlement européen demande à la Commission de Veillesse que les cyber-violences soient également prises en compte.
01:34:03 En fait c'est une résolution sur les cyber-violences et sur le sexisme, y compris les formes que prend l'industrie du sexe.
01:34:10 Elle invite la Commission et les Etats membres à mettre un terme à l'industrie pornographique fondée sur la traite à des fins d'exploitation sexuelle, le viol et d'autres formes d'agressions, d'abus à l'encontre des femmes et des enfants.
01:34:22 Invite à la Commission et les Etats membres à inclure la misogynie dans les formes de discours de haine et les agressions misogynes et les crimes de haine.
01:34:30 Donc là vous avez encore une fois le Parlement européen qui prend position de mettre sans ambivalence, sans ambivalence, avec une définition très claire et très réaliste,
01:34:41 déjà d'une part en reconnaissant que l'industrie pornographique est dans son intégralité fondée sur la traite, l'exploitation sexuelle et le viol,
01:34:50 ce qui n'est pas une surprise pour moi qui suis dans les procédures et qui du coup effectivement vous confirme que ce n'est pas une approche, on va dire, de féministe radicale.
01:35:01 C'est la définition qui a été donnée par le parquet de Paris et par un juge d'instruction.
01:35:05 Ce sont les qualifications qui ont été retenues à l'encontre d'une grande partie des protagonistes dans ce dossier.
01:35:13 Et donc voilà, vous avez déjà un cadre juridique qui est assez clair sur ce qu'est en fait la pornographie.
01:35:22 Il y a des directives européennes, une de 2011, qui vient définir en fait ce qu'est la pédopornographie.
01:35:27 Donc comme on a un peu perdu le temps, je ne vais pas revenir exactement sur ces définitions, mais là encore c'est très très clair.
01:35:33 C'est très très clair, c'est sans ambivalence.
01:35:35 Donc comment expliquer effectivement que des politiques qui ont accès en fait à de la donnée, qui ont accès en fait à la réalité de terrain,
01:35:42 n'aient aucun mal à la définir cette pornographie et en faire une priorité politique,
01:35:46 et que dans finalement la culture, la masse culture, dans le discours on va dire majoritaire, et dans nos convictions personnelles parfois,
01:35:57 nous soyons encore dans une ambivalence et dans une incapacité finalement à définir, à qualifier ce qu'est réellement la pornographie ?
01:36:04 Eh bien évidemment c'est lié au débat, à la lutte idéologique extrêmement puissante qui est menée par l'industrie pornographique,
01:36:14 dont Céline vous a fait un petit descriptif, avec des enjeux financiers énormes.
01:36:18 Et quand vous lisez le bouquin de Gail Dines dont Céline nous a parlé, qui retrace en fait l'industrialisation de la pornographie et son développement,
01:36:29 vous voyez comment le développement de la pornographie s'est fait au cours du temps, en employant une rhétorique, un narratif, des mensonges, des mythes.
01:36:38 Ils ont construit des mythes qui ont permis leur survivance, leur développement, leur propagation, et surtout leur profit dans toute la société,
01:36:46 avec pour cible et avec pour victime les femmes, les personnes évidemment racisées, les minorités,
01:36:54 parce qu'évidemment la pornographie, toutes les minorités de la société, toutes les personnes discriminées sont les cibles principales.
01:37:03 Plus vous êtes vulnérables, plus vous allez être ciblés par la pornographie, et plus finalement les personnes vont venir prendre plaisir,
01:37:11 à pouvoir exercer sur vous des actes de déshumanisation, finalement par procuration, puisque c'est ce qui est recherché dans la pornographie.
01:37:20 On a encore un tout petit bout de temps.
01:37:25 Oui, alors je vais revenir peut-être d'où je parle au dossier, à la parole de ces femmes qu'on accompagne,
01:37:32 peut-être puisque c'était comme la manière dont vous avez un peu présenté le sujet.
01:37:35 Alors, dans cette procédure, il faut bien se rappeler que les femmes, elles n'ont pas la possibilité d'avoir accès à des plateaux télévisés.
01:37:44 Certaines d'entre elles ont témoigné très courageusement dans la presse.
01:37:48 Ce sont des femmes que les violences sexuelles ont détruites, qui se battent au quotidien pour survivre.
01:37:54 Ce sont des immenses héroïnes, il n'y a pas d'autre mot, ce sont des femmes d'un immense courage,
01:37:59 qui ont subi des actes qui sont indicibles de violence, indicibles de violence, qui continuent à subir ces violences.
01:38:07 Cette mise à mort, cette mise à mort sociale, cette destruction, cette déshumanisation,
01:38:12 qui a des seuils qui sont même presque impensés,
01:38:18 parce que les vidéos sur lesquelles elles subissent des actes de torture, de violence, de déshumanisation,
01:38:24 sont encore en ligne, que leurs proches, leurs parents, leurs compagnons,
01:38:29 que des personnes qu'elles croisent dans la rue les reconnaissent, que leur vie intégralement est détruite.
01:38:35 Et donc ces femmes héroïques, malheureusement, elles ne peuvent pas prendre la parole.
01:38:39 Et c'est pour ça que, finalement, l'industrie aussi s'en tire pas mal.
01:38:43 Parce qu'il y a évidemment d'autres personnes qui viennent prendre la parole à la place des victimes,
01:38:48 pour donner un narratif que l'on connaît bien sur, voilà, certes il y a de la violence, mais cette violence on la banalise.
01:38:55 On reconnaît qu'il y a des viols, mais c'est finalement pas très grave, parce qu'un viol, finalement, qu'est-ce que c'est ?
01:38:59 Des actes de torture, peut-être, mais c'est pas le plus important.
01:39:02 Le plus important, c'est sauver l'industrie pornographique et créer l'illusion qu'il pourrait y avoir une pornographie éthique,
01:39:11 qu'il pourrait y avoir une pornographie qui soit conforme aux droits fondamentaux.
01:39:15 Et évidemment, mais c'est un mensonge absolu.
01:39:18 C'est un mensonge absolu factuellement, parce qu'en réalité, les gens qui vont voir de la pornographie, qu'est-ce qu'ils recherchent ?
01:39:23 Ils recherchent en réalité la subversion, repousser les limites.
01:39:27 Vous le voyez, là, actuellement, on est sur un marché qui est libre, qui s'autorégule par l'offre et la demande.
01:39:32 S'autorégule par l'offre et la demande, hein.
01:39:34 Donc la demande, qu'est-ce qu'elle recherche ?
01:39:36 La demande, c'est des actes de violence, des actes de déshumanisation,
01:39:40 c'est l'humiliation des personnes les plus vulnérables de la société,
01:39:44 c'est finalement un passe-droit pour du fascisme pur,
01:39:47 pour une remise en question de notre contrat social,
01:39:50 c'est une zone de non-droit, où on peut s'acharner sur les personnes les plus vulnérables,
01:39:54 sur des personnes que l'on est, en réalité.
01:39:56 Et donc, ça, c'est l'offre et la demande, hein.
01:39:58 Donc on est sur vraiment quelque chose de dérégulé.
01:40:01 Donc ce que les gens recherchent, c'est ça.
01:40:03 On va rester sur cette notion-là, peut-être ?
01:40:05 Alors, je voulais juste...
01:40:07 Il faut qu'on s'achemine vers la fin, je suis vraiment désolée.
01:40:09 Ok, donc c'est un peu compliqué de synthétiser.
01:40:12 Alors, oui, en somme, c'est important de comprendre que
01:40:18 ces concepts-là, quand on les confronte à la réalité, à quoi ils servent ?
01:40:22 Ils ont une fonction sociale.
01:40:23 Ces notions, elles ont une fonction sidérante,
01:40:25 parce que la société va se dire "bon, bah, j'arrête de réfléchir,
01:40:28 certes, il y a de la violence, j'arrête de réfléchir,
01:40:29 on réfléchit à la question de savoir s'il y a une porno éthique ou une porno pas éthique".
01:40:32 C'est la manière dont les médias traitent la question aujourd'hui,
01:40:35 de manière systématique.
01:40:36 Systématiquement, on vous révèle des actes de torture et d'actes de barbarie,
01:40:41 on vous parle de remise en question du contrat social et les médias,
01:40:44 systématiquement, d'un seul homme, dans leur narratif pré-établi,
01:40:47 vont vous dire "éthique, pas éthique".
01:40:49 Alors que franchement, je veux dire, normalement,
01:40:51 on devrait plutôt se poser la question de faire un moratoire
01:40:53 et de réfléchir à ce qui se passe et comment ça se fait
01:40:55 qu'une société comme la nôtre a plusieurs milliards de personnes
01:40:57 qui viennent se masturber sur des actes de torture.
01:40:59 Non, non, c'est pas la question "éthique, pas éthique".
01:41:01 Donc ça sert d'une part à finalement étouffer le débat,
01:41:04 à faire taire ces femmes et à divertir en réalité le vrai sujet,
01:41:09 le cœur, le noyau, la matrice.
01:41:11 Mais ça sert aussi une autre fonction, une fonction cette fois-ci plus pernicieuse
01:41:15 et que les professionnels du droit connaissent très bien
01:41:17 parce qu'elle est déjà utilisée dans le système prostitueur dans sa globalité.
01:41:22 La seule raison pour laquelle on échafaude l'idée
01:41:25 qu'il pourrait y avoir en fait une prostitution, une pornographie légale,
01:41:30 c'est dans quel but ?
01:41:31 C'est dans le but en fait de rendre inoffensif, inefficace,
01:41:35 toute loi qui viserait à réguler et limiter la pornographie.
01:41:39 Parce que sauf à créer un état policier où tout le monde est flic,
01:41:43 où on est en cyber contrôle en permanence,
01:41:46 pour venir vérifier les 35% de data internet
01:41:50 pour savoir si sur les images on a un enfant, pas un enfant,
01:41:54 des viols, pas un viol, elle est consentante, elle est pas consentante
01:41:58 et aller retrouver des femmes qu'on sait même pas qui elles sont, où elles sont.
01:42:01 Sauf à pouvoir faire cela, vous ne pouvez pas lutter contre l'industrie pornographique.
01:42:05 De la même manière que le système réglementariste allemand
01:42:10 et néerlandais sur la prostitution a évidemment montré son cuisant échec
01:42:14 parce que la différence entre des viols, des exactions, d'exploitation sexuelle,
01:42:20 d'un travail, d'un marché légal, ça va être la parole de la femme victime.
01:42:25 Donc si elle n'est pas en capacité,
01:42:27 et vous vous doutez bien que quand on est dans un système d'exploitation
01:42:31 et que nos enfants sont retenus au pays et qu'on subit des viols tous les jours,
01:42:34 c'est un peu compliqué d'aller voir de la police pour dire "oui, en fait, je suis victime".
01:42:38 En général, les femmes disent "non, non, je suis là de mon propre gré".
01:42:41 Donc la différence entre quelque chose qui va être considéré comme quelque chose de libre
01:42:47 et de quelque chose qui est considéré comme un crime, va être la parole de la victime.
01:42:52 Donc c'est impossible.
01:42:54 En fait, c'est tout simplement un cheval de trois, c'est le verre dans la pomme,
01:42:58 où on se donne le sentiment de loin, théoriquement, de se dire "bon ben ça va, on régule".
01:43:04 Et en réalité, dans les faits, on donne l'incapacité technique aux juges, aux policiers,
01:43:09 mais technique, à moins de vivre dans un état policier, ou alors il faut changer de régime.
01:43:12 C'est impossible d'aller contrôler chaque vidéo, c'est impossible d'aller contrôler chaque maison close,
01:43:18 c'est impossible avec une descente de police d'obtenir d'une femme victime de violence,
01:43:22 et tout le monde le sait, dans les violences conjugales c'est pareil, immédiatement,
01:43:26 un récit clair, juste, sur le fait qu'elle est victime d'une oppression.
01:43:31 C'est impossible. Vous ne l'obtenez pas avec un enfant victime d'inceste,
01:43:34 vous ne l'obtenez pas avec une femme victime de violences conjugales, c'est strictement impossible.
01:43:39 Donc la seule manière, l'unique solution, c'est interdire.
01:43:43 D'ailleurs, c'est déjà illégal, ça tombe bien, il faut subiter la loi.
01:43:46 Je crois que c'est une bonne conclusion, je suis vraiment désolée.
01:43:49 Et c'est une bonne conclusion, je suis navrée.
01:43:51 (Applaudissements)
01:44:03 Je vous permet de vous interrompre une minute pour saluer l'arrivée de Laurence, pardon,
01:44:10 je salue l'arrivée de Laurence Rossignol qui est notre grande témoin aujourd'hui
01:44:16 et qui viendra après la pause, qui n'est pas tout de suite, pour conclure les échanges de cette matinée.
01:44:23 Merci Laurence Rossignol d'être avec nous.
01:44:25 Bienvenue à vous.
01:44:26 (Applaudissements)
01:44:30 On va quand même laisser un petit peu la parole à la salle.
01:44:33 Je crois qu'il y a un micro baladeur et s'il y a une question, c'est le moment ou jamais,
01:44:39 si elle est claire et précise, courte et précise.
01:44:44 On va vous accorder une question à la salle, je suis vraiment désolée.
01:44:48 Ça va être première arrivée, premier servi ?
01:44:54 Non ?
01:44:58 Ils sont tous abasourdis.
01:45:00 C'est vrai que c'est des sujets plombants.
01:45:04 Je ne vois personne qui se...
01:45:11 Oui, et bien voilà, on a notre question.
01:45:14 Alors, est-ce que ça marche ? C'est bon ?
01:45:18 Oui, bonjour, je vais être très bref.
01:45:21 Une question à Madame Castiot, ou alors plutôt une réflexion et une remarque.
01:45:25 Vous nous parlez d'une impossibilité, d'accord ?
01:45:29 On l'entend et on vous fait confiance, je dirais on vous croit.
01:45:33 Cette impossibilité, elle vient se mettre, ou elle est parable par une interdiction.
01:45:40 Moi je pense que dans la salle, il y a beaucoup de gens qui sont intéressés par ce qu'on appellerait l'éducation ou une prévention.
01:45:46 Et là vous les appelez un peu trop rapidement à mon avis.
01:45:50 Oui, c'est sûr qu'on n'a pas tellement le temps de répondre rapide,
01:45:58 parce que vous avez bien vu qu'on a condensé le temps.
01:46:00 En fait, dire qu'on réglera le problème de la pornographie par l'éducation,
01:46:04 c'est un peu voir le problème à l'envers.
01:46:06 Aujourd'hui, ce qui fait l'éducation, c'est la pornographie.
01:46:09 Vous pouvez envoyer dans les classes du matin au soir,
01:46:12 toutes les éducantes sexuelles du planning familial, d'autres associations,
01:46:16 pour venir expliquer c'est quoi les rapports sexuels respectueux avec un désir réciproque,
01:46:21 vous ne ferez pas le poids.
01:46:23 De la même manière que vous ne pouvez pas avoir un flic derrière chaque écran et derrière chaque contenu,
01:46:27 et on ne le souhaite pas d'ailleurs,
01:46:29 vous ne pouvez pas non plus avoir toute la journée,
01:46:33 vous ne pouvez pas rivaliser avec le fait qu'il y a une ubiquité absolue de la pornographie dans le monde.
01:46:38 Qu'elle est non seulement sur les 35% de la data internet,
01:46:41 et que ce n'est pas votre cours, ou même les 15 cours.
01:46:44 Si une fois par semaine vous aviez de l'éducation sexuelle, ça ne pourrait pas faire le poids.
01:46:48 Parce qu'en réalité, ce que montrent les études sur l'accoutumance aux vidéos de violence,
01:46:52 c'est que comme ce sont des images de viols, d'exactions sexuelles,
01:46:55 elles sont imminemment traumatisantes et sidérantes,
01:46:58 que ce soit sur un cerveau d'enfant ou un cerveau d'adulte,
01:47:01 ça crée un certain nombre de stress post-traumatique d'addiction.
01:47:04 Et les gens qui vont voir ces images de crimes, de viols,
01:47:07 ont d'épaisse des femmes, on les dépèse.
01:47:10 Il y a des lésions physiologiques irréversibles sur ces femmes qui apparaissent à l'écran,
01:47:15 il y a du sang, il y a des larmes, il y a du cri, il y a de la souffrance.
01:47:19 Ça, ce n'est pas en fait une recherche de sexualité, ça n'a strictement rien à voir avec de la sexualité.
01:47:24 Ça a tout à voir avec une addiction au fascisme et à des images de viols.
01:47:27 Ce sont des phénomènes psychotraumatiques qui sont étudiés, documentés depuis extrêmement longtemps.
01:47:32 Il y a des contenus qui viennent les expliciter, le rapport du Sénat en reprend certains.
01:47:37 On n'est pas en train de parler d'éducation sexuelle.
01:47:39 Il n'y a aucun rapport entre la pornographie et l'érotisme,
01:47:42 la pornographie et la négation de l'érotisme.
01:47:44 Toutes les personnes qui pensent que la pornographie est un outil,
01:47:47 un vecteur d'érotisme et d'apprentissage sexuel,
01:47:50 ne sont clairement pas allées voir ce qu'il s'agissait.
01:47:52 Ce n'est strictement pas ça, c'est l'inverse.
01:47:54 C'est-à-dire, il faut bien comprendre que les pornocrates, ces industriels,
01:47:58 exproprient, exproprient notre intime.
01:48:01 Vous avez en fait des sphères marchandes, la nature, le corps de l'homme,
01:48:06 et il y a des batailles pour venir exproprier, exploiter le plus possible.
01:48:11 Et là, l'intime est devenu le nouveau marché d'exploitation.
01:48:15 On rentre dans votre intimité le plus jeune possible,
01:48:18 on vous retire votre liberté de vous autodéterminer sexuellement,
01:48:21 la possibilité de créer votre fantasmagorie personnelle,
01:48:24 la possibilité d'entrevoir une sexualité qui soit respectueuse de vos besoins,
01:48:29 et on la supplante par des images de viol, d'exaction, de fascisme à très haut niveau.
01:48:33 Vous êtes sur la crise de santé publique, de l'ère du numérique,
01:48:38 elle est sans précédent.
01:48:40 Nous n'avons aucune étude qui permette de quantifier les conséquences
01:48:43 que ces images diffusées sur ce jeune public auront dans la société future.
01:48:47 Vous êtes en train de briser l'empathie,
01:48:49 vous êtes en train de créer une armée de personnes capables de violer,
01:48:53 de femmes qui pensent que la sexualité c'est de la violence,
01:48:56 qui confondent jouissance traumatique avec désir et plaisir sexuel,
01:49:00 c'est un truc franchement dingue.
01:49:03 Et donc le seul fait qu'on puisse penser que par de l'éducation sexuelle
01:49:07 on va pouvoir lutter contre ce fléau idéologique,
01:49:12 cet instrument d'oppression, c'est un instrument d'oppression,
01:49:16 c'est ni plus ni moins cela.
01:49:18 Si vous voulez détruire une société, briser l'empathie,
01:49:21 créer de la haine, créer des soldats pour demain,
01:49:23 des gens qui se moquent complètement des autres,
01:49:26 des gens qui dans la sphère intime pensent que violer l'autre et l'humilier
01:49:29 c'est un rapport sexuel,
01:49:31 qu'est-ce qu'on prépare comme société là en fait ?
01:49:34 C'est une question politique.
01:49:36 [Applaudissements]
01:49:53 Merci, merci beaucoup.
01:49:55 On va élargir le champ de la description avec Alissa,
01:50:04 avec votre casquette de juriste impliquée à l'échelle européenne.
01:50:08 Et votre intervention appréhende la pornographie
01:50:11 comme un système violent à l'intersection du patriarcat,
01:50:14 du colonialisme et du capitalisme.
01:50:17 La parole est à vous.
01:50:19 Merci beaucoup.
01:50:20 Je remercie l'ensemble des organisatrices et des organisateurs du Colloc,
01:50:24 parce que c'est un sujet extrêmement important
01:50:26 et je suis vraiment reconnaissante de pouvoir être là
01:50:29 et en parler avec vous aujourd'hui.
01:50:31 Comme ça a déjà été exprimé par Céline Pic et par Lorraine Caissiot excellemment,
01:50:36 la pornographie aujourd'hui c'est un système de crimes organisés,
01:50:41 de violences sexistes et sexuelles
01:50:44 et le maintien de stéréotypes sexistes, racistes, etc.
01:50:48 Et donc ce qu'il faut aujourd'hui c'est avoir une réponse juridique forte
01:50:52 à la hauteur du problème.
01:50:54 Ce qu'il faut aussi c'est avoir une réponse sociale forte,
01:50:57 parce qu'en tant que société l'ensemble des problèmes
01:51:00 que nous rencontrons en termes de discrimination,
01:51:03 en termes de racisme, d'exclusion, de violence, de rejet, etc.
01:51:09 et même de repli communautaire,
01:51:11 ça prend sa racine dans la pornographie.
01:51:15 Comme Lorraine Caissiot l'expliquait, il y a un enjeu de violence symbolique.
01:51:19 Moi quand je parle du continuum des violences sexistes et sexuelles
01:51:22 et des violences contre les filles et les femmes,
01:51:24 je dis toujours que les violences symboliques sont à la base,
01:51:27 à la racine de tout le système,
01:51:30 parce qu'on parle bien d'un système de violence
01:51:33 qui aujourd'hui trouve sa légitimité,
01:51:36 trouve aussi ses excuses,
01:51:40 dans toute cette construction symbolique.
01:51:45 Et c'est pour ça, je pense qu'on peut...
01:51:47 Je ne sais pas si j'ai le contrôle sur les slides ?
01:51:49 Oui, les slides en fait ne sont pas montrés.
01:51:56 C'est possible de les diffuser ?
01:51:58 Bon écoutez, ce n'est pas bien grave.
01:52:05 En tout cas, le titre de ma première slide, c'était
01:52:08 "La pornographie, l'école et la légitimation des violences contre les filles et les femmes".
01:52:14 Et je crois que c'est vraiment une bonne explication de ce qu'est la pornographie.
01:52:18 L'école, dans le sens où c'est la consommation de pornographie
01:52:21 dès un âge très jeune.
01:52:23 On l'a vu, certaines études placent l'âge moyen du premier visionnage d'un film pornographique à 11 ans,
01:52:28 d'autres à 14. Dans tous les cas, c'est très jeune, c'est omniprésent.
01:52:32 Comme on l'a expliqué dans la présentation,
01:52:36 moi j'ai fondé une compagnie de théâtre où j'utilise la pratique artistique
01:52:39 pour travailler avec les jeunes sur ces questions.
01:52:42 C'est quelque chose qui les obsède,
01:52:45 que ce soit les filles ou les garçons,
01:52:47 de manière extrêmement négative,
01:52:49 parce que c'est omniprésent dans leur vie et ça affecte leur quotidien.
01:52:52 Donc ma présentation va être essentiellement sur la portée internationale.
01:52:58 Je ne vais pas m'apesantir sur la dépendance, la santé mentale,
01:53:01 l'impact sur la sexualité, parce que je sais qu'il y aura d'autres interventions là-dessus
01:53:05 et qu'en plus on n'a pas le temps.
01:53:07 Donc je vais directement passer sur la question du trafic humain.
01:53:11 C'est aussi quelque chose que Lorraine Quessieux a mentionné.
01:53:14 C'est évident que la pornographie repose pour une grande partie sur le trafic humain.
01:53:21 Et d'ailleurs, la pornographie alimente la demande pour la prostitution,
01:53:28 qui est l'une des premières causes de trafic humain.
01:53:32 Pourquoi la pornographie alimente cette demande ?
01:53:35 Parce qu'en consommant des vidéos violentes,
01:53:39 des vidéos où il va y avoir une marchandisation des corps des femmes,
01:53:43 une objectification des corps des femmes,
01:53:46 qui sont souillées, qui sont dénigrées, qui sont humiliées,
01:53:49 on va considérer que les femmes jouissent aussi,
01:53:53 ont un plaisir qui naît de cette souffrance et de cette humiliation.
01:53:58 On crée les conditions pour que les hommes, les garçons dans nos sociétés,
01:54:03 se disent qu'on peut acheter une femme,
01:54:06 acheter un corps de femme, acheter un viol de femme.
01:54:10 Et ce qui se passe aussi, c'est qu'à travers,
01:54:13 et Céline Pic l'a expliqué aussi,
01:54:15 elle parlait de ces catégories raciales dans la pornographie.
01:54:18 Cette composante est extrêmement importante,
01:54:21 puisque c'est en classant les femmes par catégories raciales,
01:54:25 et donc toujours le groupe de population le plus éloigné de l'homme blanc
01:54:29 qui est dominant et glorieux dans le rapport sexuel,
01:54:31 plus on s'en éloigne, donc on arrive vers les femmes racisées,
01:54:34 plus la personne va être humiliée et violentée.
01:54:37 Il va y avoir des catégories de personnes,
01:54:40 donc par exemple les femmes japonaises,
01:54:42 on va axer autour du stéréotype de la passivité,
01:54:45 le fait qu'elles sont disponibles sexuellement pour les hommes, etc.
01:54:49 Les femmes noires, elles sont bestiales,
01:54:52 les femmes originaires du monde arabe,
01:54:54 il y a beaucoup de mise en scène autour de la religion,
01:54:57 et des femmes voilées qu'on va violer.
01:54:59 Tout ça, ça fait partie de l'histoire coloniale européenne.
01:55:02 Et puis aussi, il y a les hommes noirs.
01:55:04 Les hommes noirs qui sont considérés par la pornographie
01:55:07 comme, encore une fois, des animaux brutaux, bestiaux.
01:55:10 Et là, on retrouve l'imaginaire qui était à la base de l'idéologie
01:55:13 qui a justifié l'esclavagisme,
01:55:15 avec des films qui mettaient en scène des hommes noirs
01:55:18 qui violaient des femmes blanches.
01:55:20 Tout ça existe encore dans la pornographie.
01:55:22 Là où il y a une porosité avec la prostitution,
01:55:25 c'est que cette demande de pornographie,
01:55:27 derrière, va orienter le trafic humain
01:55:29 pour répondre à une demande.
01:55:31 Par exemple, quand il y a eu la guerre en Ukraine
01:55:33 qui a été déclarée, la recherche "Ukrainian girl" a trendé,
01:55:37 donc était très recherchée parmi les termes les plus populaires
01:55:40 sur les sites pornographiques.
01:55:42 Dans la foulée, Interpol a mis à jour
01:55:45 un réseau massif de trafic humain en ligne
01:55:49 qui ciblait les filles et les femmes ukrainiennes.
01:55:53 Pourquoi ? Parce qu'il y avait une demande
01:55:55 dans le cadre de la prostitution.
01:55:57 Les mécanismes de recrutement dans la pornographie
01:56:00 sont aussi en tout point similaires avec ceux de la prostitution.
01:56:03 Il s'agit de ce qu'on appelle le "grooming",
01:56:05 donc de la manipulation, des fausses promesses,
01:56:08 aussi des menaces, des viols.
01:56:10 Le premier viol d'abattage dont parlait Céline Pic qui est une technique très courante.
01:56:14 Tout ça, on le retrouve dans les deux cadres.
01:56:16 Est-ce qu'on peut passer à la slide suivante, s'il vous plaît ?
01:56:19 Donc il y a tout un cadre international qui existe
01:56:22 et qui n'est pas respecté dans le cadre de la pornographie.
01:56:26 Donc, oui, je ne l'ai pas dit,
01:56:29 mais ça a été très bien dit par Céline Pic,
01:56:31 la pornographie n'est pas du cinéma, c'est essentiel.
01:56:35 Et c'est vrai que l'industrie pornographique organise son impunité
01:56:38 en mettant en avant des stars du X,
01:56:41 qui ne représentent pas du tout la majorité des femmes
01:56:43 qu'on voit être violées et violentées sur les vidéos,
01:56:45 et qui vont expliquer que c'est empouvoirant
01:56:48 d'être violée à répétition, violentée, humiliée,
01:56:51 torturée pendant des heures devant des caméras,
01:56:54 de subir des sodomies violentes, des double pénétrations,
01:56:57 des viols collectifs, des coups, des gifles, des étouffements,
01:56:59 des jets d'urine et d'autres formes d'humiliation.
01:57:02 Donc la réalité, c'est qu'on ne peut pas consentir contractuellement
01:57:05 à cette atteinte à la dignité humaine et à l'intégrité physique.
01:57:10 Et donc pour revenir au droit international,
01:57:13 la Convention pour l'élimination de l'ensemble des formes de discrimination
01:57:17 à l'égard des femmes, qui existe depuis 1979,
01:57:22 et qui est la convention de protection des droits des femmes
01:57:26 la plus ratifiée au monde,
01:57:28 elle prévoit que l'élimination des pratiques coutumières
01:57:32 ou de tout autre type qui sont fondées sur l'idée de l'infériorité
01:57:35 ou de la supériorité de l'un ou l'autre sexe
01:57:38 ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes est à combattre.
01:57:43 Donc très clairement, pour moi, on est en plein dans la définition de la pornographie.
01:57:49 En ce qui concerne le protocole de Palerme,
01:57:52 on peut tout à fait considérer que la pornographie correspond
01:57:55 à la définition du trafic humain du protocole de Palerme,
01:57:59 puisque les femmes et les enfants sont recrutées, transportées,
01:58:02 fournies et obtenues pour des actes sexuels
01:58:05 en utilisant plusieurs formes de coercition,
01:58:08 y compris la tromperie, l'enlèvement, l'abus d'autorité
01:58:11 ou d'une situation de vulnérabilité.
01:58:13 Il y a également la loi TYPE sur la traite des personnes,
01:58:16 donc des Nations Unies en 1990,
01:58:18 qui explique que la pornographie est une forme d'exploitation sexuelle.
01:58:22 Donc je vais citer plusieurs articles de la Charte européenne des droits de l'homme
01:58:26 avec lesquels la pornographie est en totale violation.
01:58:30 La Charte fondamentale de l'Union européenne, qui date de 2000,
01:58:34 dit que la dignité humaine est inviolable.
01:58:37 La dignité humaine doit être respectée et protégée.
01:58:40 Elle existe pour toute personne, elle doit être valorisée, respectée,
01:58:46 elle est universelle, inviolable et inaliénable.
01:58:49 Or, la dignité de la personne est complètement bafouée
01:58:52 dans le cadre de la pornographie,
01:58:54 à la fois pour les personnes qui subissent les exactions qui sont filmées
01:58:57 et à la fois pour l'ensemble des filles et des femmes de la société,
01:59:00 puisqu'encore une fois, cette dimension selon laquelle les femmes sont des objets
01:59:04 à avilir, à humilier, est véhiculée dans l'ensemble de la société
01:59:08 et a un impact sur toutes les filles et les femmes.
01:59:11 Cette atteinte à la dignité humaine,
01:59:13 elle est aggravée par la consommation derrière de masse de ces vidéos.
01:59:18 L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1950,
01:59:23 dispose que "nul ne peut être soumis à la torture
01:59:26 ni à des peines ou des traitements inhumains et dégradants".
01:59:29 Ce n'est pas la seule qui prévoit ça.
01:59:31 Là encore, et ça a été dit, la plupart des contenus pornographiques
01:59:35 dépeignent des traitements qui se rattachent à de la torture.
01:59:39 On peut également faire le rapprochement avec le fait que
01:59:42 "nul ne peut être tenu en esclavage",
01:59:45 selon la Convention européenne des droits de l'homme.
01:59:47 Et quand on parle d'esclavage, ça paraît très lointain, ça paraît aboli,
01:59:51 sauf qu'aujourd'hui, plus de 4,5 millions de personnes sont trafiquées
01:59:56 pour l'esclavage domestique et pour l'esclavage sexuel,
01:59:59 et donc à 80% des femmes.
02:00:01 Ce chiffre, probablement, est très en deçà de la réalité,
02:00:05 puisqu'on le sait, une bonne partie de ce trafic se fait secrètement.
02:00:09 L'idée de le droit à la vie privée, pour moi, est très intéressante,
02:00:16 parce que ce droit à la vie privée est souvent opposé par les personnes
02:00:21 qui veulent défendre, ou en tout cas empêcher la régulation de l'industrie pornographique
02:00:27 en voulant protéger la vie privée des consommateurs.
02:00:30 Sauf que ce qu'on oublie là-dedans, c'est le droit à la vie privée,
02:00:33 le droit à l'image et le droit à l'oubli des victimes,
02:00:35 celles dont les vidéos sont en ligne pour toujours,
02:00:39 même si elles ont été victimes de viol,
02:00:42 même dans les cas qui ont été décrits par Lorraine Castiot,
02:00:46 lorsque leurs violeurs sont mis en examen,
02:00:49 les vidéos se trouvent toujours sur Internet.
02:00:52 Pour continuer sur l'aspect international, on peut passer à la slide suivante.
02:00:59 Vous voyez, j'essaye d'aller vite.
02:01:01 Je vais citer quelques exemples qui illustrent les propos
02:01:05 qui ont été décrits depuis le début de ce colloque.
02:01:10 En Espagne, vous avez très probablement entendu parler de l'affaire de la manada,
02:01:13 qui signifie la meute en espagnol.
02:01:15 C'est une affaire qui date de 2016,
02:01:17 et cinq hommes ont violé collectivement une femme.
02:01:21 Dans l'analyse de cette affaire, on s'aperçoit que ces hommes
02:01:23 étaient consommateurs de pornographie,
02:01:25 et notamment de contenus pornographiques qui montrent des viols en réunion.
02:01:31 On s'aperçoit aussi, et comme je le disais tout à l'heure pour les femmes ukrainiennes,
02:01:35 que lorsque l'affaire a été rendue publique par les médias,
02:01:39 l'expression qui était la plus populaire les semaines qui ont suivi en Espagne
02:01:44 sur les plateformes pornographiques, c'était la manada.
02:01:48 Donc, on est dans un degré de déshumanisation tel des filles et des femmes
02:01:52 que lorsqu'on apprend qu'une femme a été violée en réunion,
02:01:55 le premier réflexe, ça va être de vouloir voir la vidéo,
02:01:58 et se masturber devant, surtout.
02:02:01 Donc ça, c'est pour l'Espagne.
02:02:03 L'Amérique du Sud, il y a eu une énorme affaire de trafic humain
02:02:06 dans le cadre de la pornographie.
02:02:08 C'est l'affaire du service d'escorte Zona Diva,
02:02:11 qui a été poursuivi pour la traite d'au moins 2000 femmes,
02:02:14 originaire du Venezuela, de la Colombie, d'Argentine, du Costa Rica et du Paraguay.
02:02:18 Donc ces femmes, elles ont été trompées par une offre de mannequinat.
02:02:22 Ensuite, elles ont été séquestrées, elles ont été torturées,
02:02:25 elles ont été violées, ces viols ont été filmés.
02:02:27 Ensuite, elles ont été menacées pour rester et continuer de filmer des scènes pornographiques.
02:02:32 On leur a dit que si elles ne continuaient pas, on allait aller chercher leurs soeurs,
02:02:36 leurs filles, des membres de leur famille pour leur faire subir le même sort.
02:02:39 Beaucoup ont été tuées et l'ensemble de ces vidéos s'est retrouvée sur Pornhub.
02:02:43 Une victime argentine, Karen, a été droguée et filmée par un consommateur de pornographie.
02:02:49 Donc là aussi, on vient lever un des mythes selon lequel la pornographie,
02:02:53 ce n'est pas comme la prostitution, dans le sens où il y a des acteurs et des actrices
02:02:57 et du coup, c'est un rapport égalitaire et ce n'est pas de la violence.
02:03:00 C'est faux. Dans énormément de cas, les hommes qui viennent violer les femmes
02:03:04 sur les scènes des tournages pornographiques, ce sont des consommateurs de pornographie.
02:03:08 On l'a vu avec l'exemple que Céline Pic nous a présenté sur les French Bukaké
02:03:12 ou alors ce sont souvent aussi des producteurs et des proxénètes eux-mêmes.
02:03:16 Alissa, désolée vraiment, il faut qu'on...
02:03:19 Si on peut voir cette vidéo aussi, qui me paraît trop intéressante.
02:03:22 Je vais conclure avec l'exemple de l'Inde.
02:03:26 On va regarder la vidéo et je donnerai juste peut-être quelques axes de réflexion
02:03:30 pour finir très très vite.
02:03:32 Très bien, merci.
02:03:33 Je voudrais parler de l'Inde quand même parce que pour moi,
02:03:36 la réalité de ce qui se passe dans le sud économique est très importante.
02:03:39 On le dit depuis le début de la journée.
02:03:41 Ce sont les femmes et les filles les plus précarisées,
02:03:43 les plus vulnérabilisées à l'échelle du monde
02:03:46 qui sont les cibles de cette industrie multimilliardaire.
02:03:49 Et évidemment, les filles et les femmes les plus précarisées dans le monde,
02:03:52 ce sont les filles et les femmes migrantes,
02:03:54 les filles et les femmes dans les pays qui sont les plus précarisés eux-mêmes
02:03:59 et les filles et les femmes dans les zones de guerre, de crise, de catastrophes naturelles.
02:04:03 En Inde, on sait qu'il y a énormément de violence contre les filles et les femmes.
02:04:06 Il y a une caste qui s'appelle les dhalis, les intouchables,
02:04:10 qui est complètement au banc de la société.
02:04:13 Il y a une estimation comme quoi 10 dhalis sont violés par jour en Inde.
02:04:17 On estime évidemment que ce chiffre est très bas puisque ce sont les viols qui sont dénoncés
02:04:22 et évidemment très peu de ces femmes puisqu'elles n'ont aucun droit dénoncent les viols.
02:04:27 Ces femmes sont manipulées par des hommes qui leur promettent des mariages et une vie meilleure,
02:04:32 qui leur mettent des couteaux sous la gorge, qui les violent en réunion,
02:04:35 qui ensuite vendent les vidéos sur WhatsApp et sur Pornhub,
02:04:38 souvent 50 roupies, c'est-à-dire moins d'un dollar.
02:04:41 Plus les vidéos sont violentes, plus elles sont vendues chères.
02:04:44 Et ça, c'est la réalité de filles et de femmes, de millions de filles et de femmes à l'échelle du monde
02:04:49 qui sont violées pour répondre à la demande de l'industrie pornographique,
02:04:53 demande qui provient exclusivement, quasiment, ou en tout cas dans une vaste majorité des pays du nord économique,
02:05:00 notamment les États-Unis, l'Europe, le Canada et le Japon.
02:05:03 Je voudrais qu'on regarde la vidéo dont on a parlé.
02:05:06 Alors j'ai insisté parce que pour moi c'est extrêmement important d'avoir la parole de ces femmes,
02:05:12 justement ces victimes qui souffrent.
02:05:14 On peut vous en parler, Céline Pic, Lorraine Castieu, moi-même, mais personne n'en parle mieux qu'elle.
02:05:20 Donc je vous invite à écouter cette vidéo et je vous remercie de l'être diffusée.
02:05:24 (Applaudissements)
02:05:28 - Je suis une jeune femme, vivrant moi-même.
02:05:32 J'étais en mal d'attention, en mal d'amour et en détresse financière.
02:05:37 Sur les réseaux, j'ai rencontré une femme qui s'appelait Axel, qui en fait était un homme.
02:05:44 Elle arrivait à ce moment-là, pleine d'attention, d'amour, d'écoute et de conseil.
02:05:50 Elle me propose ce que je pensais être une solution à l'époque, le porno.
02:05:56 Et là, le piège de cette matière du porno s'est refermé sur moi.
02:06:00 Quelques temps après, je me retrouve en Normandie et je ne savais pas que j'avais vu 48 heures de torture.
02:06:09 - Raconte-moi ce qui s'est passé durant ces 48 heures.
02:06:13 - Pendant ce week-end, j'ai subi une triple viole et agression sexuelle.
02:06:18 Ils ont pris un plaisir sadique à repousser les limites de l'horreur.
02:06:23 J'ai eu des doubles pénétrations forcées à un enseigné,
02:06:27 des éjaculations buccales effacées à la porte sur prise, des gorges profondes à en revenir.
02:06:34 J'ai pleuré, j'ai dit non, je les ai repoussées, mais ça les rendait encore plus violents.
02:06:40 Personne ne s'est jamais arrêté. Pendant ces 48 heures, on m'a appelée "beurette", "sale chienne", "salope".
02:06:51 Mais jamais par mon prénom. Personne, personne du programme me savait mon prénom.
02:06:57 Parce que l'autre, il m'a même donné le repas qu'il a donné à ses chiens.
02:07:03 - Mais pourquoi t'es pas partie ?
02:07:07 - Je suis pas partie, puisque j'avais peur. J'étais entourée que d'hommes.
02:07:12 On m'a fait signer un papier que je pensais être un contrat.
02:07:16 J'étais en pleine campagne sans savoir exactement où j'étais.
02:07:20 J'avais pas d'argent pour payer le taxi et dans tous les cas, j'étais payée qu'à la fin du week-end.
02:07:26 - Et après ces 48 heures ?
02:07:29 - Après ces 48 heures, j'y suis encore, 7 ans après.
02:07:33 J'ai eu un harcèlement sur les réseaux, dans la rue.
02:07:38 Pendant 7 ans, j'ai eu honte. J'ai dû me justifier.
02:07:45 Et cet auctionnaire pensait que j'allais me taire avec l'argent.
02:07:55 Et c'est vrai que pendant 7 ans, je me suis tue à cause de l'argent.
02:08:00 Et aujourd'hui, j'aimerais bien que la honte change de camp.
02:08:04 - Tu veux quoi pour l'avenir ?
02:08:09 - Je veux que la société comprenne que je suis pas un cas isolé.
02:08:13 Je veux qu'elle comprenne que le porno, c'est que du viol, de la torture, de la déshumanisation, de la barbarie.
02:08:20 C'est un système criminel qui nous fait croire que tout ça, c'est OK.
02:08:24 Aujourd'hui, je peux plus être sauvée.
02:08:27 Mais j'espère que mon témoignage et notre combat sauveront des femmes, des jeunes femmes et des jeunes filles.
02:08:41 Le porno estique, il n'existera jamais.
02:08:44 Donc aujourd'hui, il faut juste supprimer et interdire le porno.
02:08:48 - Merci Alissa d'avoir insisté pour passer ce témoignage.
02:09:07 Je crois que c'est maintenant l'heure d'une pause avant de reprendre nos échanges.
02:09:13 Nous allons prendre 20 minutes de pause.
02:09:17 Je vous invite à vraiment respecter cette horaire et à revenir dans la salle à 11h20.
02:09:21 Il y a également, pour celles et ceux qui le souhaitent, du café offert par la ville de Strasbourg qui pourra être servi sur l'îlot central de l'Agora.
02:09:33 Merci.
02:09:34 (Rires)
02:09:36 [SILENCE]