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  • 01/10/2023
Hasmik Tolmajian, ambassadrice de la République d'Arménie en France, était l'invitée de BFMTV ce dimanche soir.

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Transcription
00:00 Que se passe-t-il précisément Madame l'Ambassadrice ?
00:02 Est-ce que vous avez des informations ?
00:04 Est-ce que vous pensez que votre pays, l'Arménie, est le prochain objectif de l'Azerbaïdjan ?
00:10 Parce que ce qu'on entend c'est que vos militaires, ce qu'ils redoutent c'est une invasion.
00:14 Vous savez, ce qui se passe aujourd'hui, je pense que c'est évident, c'est clair,
00:18 c'est une épuration ethnique qui se passe sous nos yeux,
00:21 face à cette impuissance internationale, de la communauté internationale.
00:26 Il se passe en temps réel et les images sont parlant eux-mêmes.
00:30 Et aujourd'hui c'est un peuple qui disparaît, c'est une république du Hogarabar,
00:36 même s'il n'était pas reconnue par la communauté internationale,
00:39 c'est une république démocratique, avec son fonctionnement démocratique, qui disparaît.
00:44 C'est un peuple qui est effacé.
00:46 Et on va en parler évidemment, mais sur la suite et ce risque d'invasion,
00:50 vous y croyez-vous ? Est-ce que vous pensez que l'Arménie est le prochain objectif de Bakou ?
00:54 Est-ce que c'est plausible ?
00:56 Vous savez, le président de l'Azerbaïdjan avait déclaré il y a quelques années déjà
00:59 que son objectif stratégique est de prendre Yélévan.
01:03 Et je voudrais rappeler que Yélévan c'est la capitale de l'Arménie.
01:06 Je pense qu'on a tendance à sous-estimer les propos des autocrates,
01:10 parce que c'est tellement outrageux que ça nous paraît improbable.
01:14 Et donc on se dit finalement que ça ne peut pas être vrai.
01:17 Mais je pense que c'est aussi une tactique qui réussit.
01:20 À partir du moment où c'est déjà déclaré, c'est déjà énoncé,
01:24 on intègre déjà un peu cette hypothèse, même si on rejette,
01:28 mais on intègre déjà que c'est quelque chose qui pourrait être arrivé.
01:32 Et puis il passe à l'autre.
01:33 Et je pense que l'Azerbaïdjan a été extrêmement méthodique.
01:36 Et à chaque fois, il y a des objectifs qu'il avait dit,
01:39 qu'il nous avait choqués, qui étaient outrageux, qui étaient monstrueux.
01:42 Mais aujourd'hui, ce qui se passe au Karabakh...
01:44 Donc ces mouvements dont parle notre envoyée spéciale à la frontière,
01:47 ces mouvements étranges qu'observent les militaires arméniens
01:50 avec beaucoup d'appréhension,
01:52 ça pourrait vouloir dire que c'est imminent selon vous ?
01:54 Vous savez, je me pose la question,
01:56 qu'est-ce qui arrêterait aujourd'hui l'Azerbaïdjan ?
01:59 Qu'est-ce qui arrêterait Aliyev ?
02:01 Il est tellement... Il se sent tellement fort par cette impunité,
02:06 parce que je souhaite rappeler qu'il a déclenché
02:09 plusieurs guerres d'agression contre le Haut-Karabakh,
02:12 que le président de la République française, dès le départ,
02:14 avait dénoncé et avait qualifié comme des guerres d'agression
02:19 qui n'avaient pas de justification.
02:21 Mais depuis, Aliyev n'a jamais payé un prix.
02:24 Ni un prix diplomatique, ni un prix économique, ni un prix politique.
02:28 Donc je me demande pourquoi Aliyev n'attaquerait pas l'Arménie.
02:34 Je sais même prononcer ces mots, c'est difficile,
02:36 mais qui est-ce qui retiendrait ?
02:38 Donc je pense aujourd'hui, cette hypothèse, cette menace, elle est réelle.
02:42 Il y a des accumulations des forces azéries à la frontière de l'Arménie.
02:46 Le président de la République française, il y a quelques jours,
02:49 avait eu plusieurs entretiens téléphoniques avec le président de l'Azerbaïdjan.
02:53 Il avait exprimé sa vie, préoccupation.
02:56 Il avait certainement dit que c'était inadmissible.
02:58 Et le président de la République avait dit aussi publiquement,
03:00 il avait déclaré qu'il est très préoccupé par l'accumulation des forces azéries,
03:04 à la fois sur la frontière de l'Arménie, mais à proximité du Haut-Karabakh.
03:08 Donc la suite, on la connaît.
03:10 Alors justement, madame El-Massadris, que demandez-vous ce soir
03:14 pour empêcher justement une nouvelle invasion de l'Arménie
03:18 ou tout simplement l'occupation de certaines parties de l'Arménie ?
03:22 Est-ce que vous réclamez des sanctions européennes contre l'Azerbaïdjan ?
03:26 Et sur le plan humanitaire, qu'est-ce que vous demandez aujourd'hui à la France
03:29 et à l'Europe pour venir en aide aux réfugiés qui ont quitté,
03:33 contraints et forcés, le Haut-Karabakh ?
03:36 Je pense que la première chose pour la communauté internationale,
03:40 c'est de ne pas accepter une réalité, un fait accompli,
03:44 qui est le résultat d'une utilisation, d'un recours à la force.
03:48 Parce que ce serait un signal extrêmement négatif,
03:51 que c'est la loi du plus fort, le plus grand nombre,
03:56 le plus riche, qui remporte sur le droit des peuples à l'existence.
04:01 La France condamne aujourd'hui, mais est-ce que vous voulez aller plus loin ?
04:04 Est-ce que vous demandez aux Européens en particulier de prendre des sanctions,
04:08 comme on l'a fait contre la Russie lorsqu'elle a envahi l'Ukraine ?
04:10 Est-ce qu'il faut des sanctions contre l'Azerbaïdjan ?
04:13 Bien sûr, il faut des sanctions. Il faut des sanctions politiques.
04:16 Il faut des sanctions économiques. Il faut des sanctions diplomatiques.
04:19 Quel type de sanctions ?
04:21 Il faut mettre fin aux sentiments d'impunité.
04:25 Autrement, on ne pourra pas arrêter les autocrates.
04:30 Les sanctions peuvent être à la fois économiques,
04:33 et je pense que l'histoire récente nous montre les sanctions qui peuvent être appliquées.
04:37 L'Azerbaïdjan continue à rester membre à part entière du Conseil de l'Europe,
04:41 et je souhaiterais rappeler que cette organisation, le Conseil de l'Europe,
04:45 a la vocation de promouvoir la démocratie, la prééminence du droit.
04:49 Or, l'Azerbaïdjan, au-delà de ce qui se passe, de ce qu'il fait contre l'Arménie,
04:55 c'est aussi un pays qu'on ne pourrait pas qualifier comme démocratique,
04:59 et je pense que là, je dis un euphémisme.
05:01 C'est un État qui clôture tous les classements internationaux
05:05 en matière de la liberté d'expression, des libertés démocratiques.
05:08 C'est un pays où le pouvoir est héréditaire,
05:13 et je pense que c'est le seul, je ne pense pas, je suis sûre, donc c'est le seul État.
05:18 Mais est-ce qu'il faut des sanctions sur le gaz, par exemple, sur les exportations de gaz ?
05:22 Est-ce qu'il faut mettre fin à ce contrat ?
05:23 Alors là, ça va au-delà de la France, puisque c'est l'Union européenne, la Commission européenne,
05:26 qui a donc conclu ce contrat sur le gaz avec Bakou, c'était en juillet 2022.
05:32 On va voir d'ailleurs les images d'Ursula von der Leyen,
05:35 qui, toute souriante, serre la main du président d'Azerbaïdjan.
05:39 Est-ce qu'il faut rompre ce contrat, alors que l'Europe a vocation
05:43 à devenir le premier client de l'Azerbaïdjan dans ce domaine ?
05:46 Vous savez, le peuple arménien n'arrive pas à comprendre,
05:50 ni en Arménie, ni dans la diaspora,
05:52 qu'on peut appeler un partenaire fiable, un pays,
05:55 quelques mois après la guerre d'invasion, la guerre d'agression
05:59 qu'il avait déclenchée contre le Haut-Karabakh en 2020.
06:02 Le peuple arménien a du mal à comprendre
06:05 qu'on peut sanctionner d'autres pays qui sont passés à l'agression,
06:11 et on sait très bien aussi, et donner au contraire un prix à l'Azerbaïdjan
06:15 qui vend le gaz.
06:16 Quand vous voyez ces images, madame l'ambassadrice d'Ursula von der Leyen,
06:20 qu'est-ce que ça vous fait ? Elle a choisi son camp ce jour-là ?
06:22 Vous avez mal quand vous voyez ces images ?
06:24 Vous savez, j'ai très mal en tant que quelqu'un qui est très attachée aux valeurs,
06:29 qui est très attachée aux valeurs européennes, qui croit en l'Europe,
06:32 qui croit en la force de la communauté internationale,
06:34 qui croit peut-être naïvement que les valeurs sont à la base de l'Union Européenne,
06:41 de l'Europe, de la civilisation européenne, ça me fait mal.
06:44 Donc vous demandez à ce que ce contrat soit rompu ?
06:47 Je pense que, en tout cas, que le contrat soit rompu,
06:50 que les Européennes ne paient plus un prix à l'Azerbaïdjan,
06:56 ne récompensent pas l'Azerbaïdjan à travers des contrats gaziers avantageux,
07:01 ça pourrait être l'un des moyens pour stopper l'Azerbaïdjan.
07:04 En tout cas, on voit très bien que ce type de sanctions sont utilisées dans d'autres circonstances.
07:09 Donc je pense qu'il y aurait une certaine cohérence.
07:12 À le faire.
07:13 À le faire.
07:14 La chef de la diplomatie française, on l'a appris ce dimanche, va se rendre en Arménie ce mardi.
07:19 Elle l'a annoncé sur les réseaux sociaux et elle poste aussi une vidéo
07:23 dans laquelle elle fait ses déclarations.
07:26 Elle dit que toutes les réunions du Conseil de sécurité se sont tenues à l'initiative de la France.
07:31 Elle dit aussi qu'aucun autre pays que la France n'aide davantage l'Arménie.
07:36 Ça c'est donc deux jours avant de se rendre sur place.
07:38 Est-ce que vous, vous pensez, alors qu'il y a eu des manifestations aujourd'hui en soutien aux Arméniens,
07:43 notamment à Marseille, mais aussi à Bruxelles, ça c'est plus à l'échelle européenne,
07:47 est-ce que vous pensez que la France est au rendez-vous,
07:49 que la France est à la hauteur, comme le dit la chef de la diplomatie française ?
07:55 La ministre des affaires étrangères, madame Catherine Colonna, a raison de dire
07:59 qu'il n'y a pas d'autre pays qui fait autant pour l'Arménie, pour soutenir l'Arménie.
08:03 J'ajouterai aussi qu'il n'y a pas d'autre pays au monde, certainement,
08:07 qui est aussi conscient des intérêts de l'Arménie et de la sensibilité qu'elle a,
08:12 cette sensibilité qui a cet attachement à la justice,
08:16 qui a cet attachement aux valeurs, quand il s'agit aussi de l'Arménie.
08:19 Bien sûr, nos deux pays partagent aussi une histoire millénaire,
08:23 fondée sur des valeurs communes, aussi sur des profondes affinités.
08:27 Il est vrai aussi que la France et l'Arménie, conjointement,
08:32 ont demandé à trois reprises une réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations Unies.
08:39 Donc l'Arménie est infiniment reconnaissante à la France, de son soutien,
08:43 de sa présence à ses côtés, des propos aussi forts qui sont tenus
08:47 par la ministre des Affaires étrangères.
08:49 Seulement aujourd'hui, comme la situation est critique,
08:53 on souhaite ardemment que les efforts de la France pour sensibiliser à la fois l'Europe,
08:58 les partenaires européennes, mais aussi les partenaires au sein des Nations Unies,
09:02 au sein notamment au Conseil de sécurité, aboutissent
09:05 et qu'on puisse mettre fin à cette situation,
09:08 qu'on puisse mettre des mots à ce qui se passe,
09:12 parce que je pense que c'est extrêmement important.
09:14 Il faut qualifier ce qui se passe.
09:16 La ministre des Affaires étrangères a parlé de crimes graves.
09:19 Je pense qu'il faut que cette qualification soit partagée.
09:22 Et surtout, je pense qu'il ne faut pas accepter...
09:26 Vous dites qu'il faut en substance passer aux actes,
09:28 que les mots sont là, mais qu'il faut passer aux actes.
09:30 Est-ce que, par exemple, la France doit exclure l'ambassadrice d'Azerbaïdjan en France ?
09:35 On l'entendra dans un instant, elle était sur ce plateau hier soir.
09:38 Est-ce qu'il faut l'expulser ?
09:40 Je ne me permettrai pas de me prononcer sur ce sujet-là.
09:42 Je pense qu'il faut des mesures beaucoup plus fortes.
09:47 Il faut qu'aujourd'hui, cette situation,
09:50 cette épuration ethnique qui se passe sous nos yeux,
09:53 en temps réel, ne soit pas acceptée.
09:55 Il faut que la population du Haut-Karabakh,
09:57 qui a été forcée de l'exil, puisse avoir le droit et la possibilité de retour.
10:01 Pour ça, il faut une protection internationale.
10:04 Justement, est-ce que vous demandez l'envoi d'une force internationale
10:08 dans le Haut-Karabakh ?
10:10 Il y a une mission des Nations Unies qui vient d'arriver dans le Haut-Karabakh.
10:13 On va voir quel est son rapport.
10:16 D'abord, combien d'Arméniens restent dans le Haut-Karabakh ?
10:18 Et qu'est-ce que vous demandez aux Nations Unies
10:21 pour que la situation soit clarifiée
10:23 et qu'on empêche cette épuration ethnique qui va se poursuivre, probablement ?
10:29 Oui, bien sûr, l'Arménie souhaiterait qu'il y ait une force d'interposition internationale,
10:34 qu'il y ait des casques bleus.
10:35 On sait très bien qu'il y a plusieurs conflits,
10:38 plusieurs crimes contre l'humanité,
10:40 plusieurs menaces de génocide qui ont été pu empêchées ou prévenues
10:44 grâce à une intervention des forces internationales.
10:47 Je pense qu'avoir des forces d'interposition dans le Karabakh
10:52 assurerait cette protection, mettrait en place les garanties de sécurité
10:56 qui assureraient le retour de sa population.
10:59 Aujourd'hui, vous avez raison de dire, il y a une première mission des Nations Unies
11:02 qui se rendra sur place, qui c'est déjà assez loin du surprise.
11:05 Vous savez, ça fait au moins dix mois que le Haut-Karabakh vit dans un blocus total.
11:10 Où il y a la famine qui s'installe,
11:12 où les spécialistes du génocide qui ont une notoriété internationale
11:15 alertés déjà il y a quelques semaines, quelques mois, d'un génocide en cours.
11:20 Je parle notamment de M. Luis Moreno Ocampo
11:23 qui est le premier procureur de la Cour pénale internationale,
11:26 ou alors M. Juan Mendes qui a été le premier conseiller spécial
11:30 du secrétaire général des Nations Unies en matière de prévention du génocide.
11:34 Donc je veux dire, ce sont des personnes qui ont à la fois l'expérience,
11:39 qui ont aussi cette notoriété, cette légitimité de parler,
11:44 en s'appuyant sur la convention de la prévention.
11:48 En l'occurrence, ils y sont ce week-end.
11:51 Cette force des Nations Unies est liée, ça fait 30 ans que les Nations Unies n'étaient pas allées.
11:54 Ça fait 30 ans qu'ils n'étaient pas allés là.
11:56 Mais il n'y a plus personne dans le Haut-Karabakh.
11:58 Si je n'étais pas un diplomate, j'aurais qualifié peut-être ça de l'ironie.
12:02 C'est là où on veut en venir.
12:04 Pendant 30 ans, il n'y a pas de mission des Nations Unies.
12:07 Quand cette population avait besoin à ne pas rester une zone grise,
12:11 quand elle avait besoin d'être connue, reconnue,
12:15 quand elle avait besoin que sa voix soit audible,
12:19 pendant 10 mois, les derniers 10 mois,
12:22 quand le Haut-Karabakh était dans le blocus le plus complet,
12:24 quand la Cour internationale de justice, que je souhaiterais rappeler,
12:28 est la plus haute juridiction des Nations Unies,
12:32 avait dans son ordonnance de 22 février,
12:35 qui avait une force juridique contraignante, obligatoire,
12:38 demandé à l'Azerbaïdjan le rétablissement de la libre circulation
12:41 à travers le corridor de la Chine,
12:43 donc l'unique route qui relie le Haut-Karabakh à l'Arménie.
12:46 Et d'ailleurs, en précisant dans les deux sens,
12:48 pas seulement pour le départ, mais aussi pour le retour.
12:52 Ce que vous dites, c'est que tout le monde s'est réveillé beaucoup trop tard.
12:55 Est-ce que les Nations Unies arrivent trop tard ?
12:57 Bien sûr, arrivent. En fait, vous savez, je pense que c'est tellement évident,
13:01 quand on voit une population, toute entière,
13:06 qui a pris le chemin de l'exil forcé,
13:08 quand il fuit le risque de génocide, d'extermination,
13:11 quand on voit un pays détruit, un pays effacé,
13:15 une terre qui est entièrement privée de sa population.
13:18 Et je souhaite rappeler que cette population y vit depuis 3 millénaires,
13:23 qui a bâti une civilisation,
13:25 où elle était attachée à chaque parcelle de ces terres,
13:28 qui est restée attachée à ces montagnes malgré tout ce qui s'est passé,
13:32 malgré plusieurs guerres, la famine, les bombardements,
13:35 les crimes de guerre qui avaient accompagné aussi la guerre de 2020,
13:39 de 44 jours imposés par l'Azerbaïdjan.
13:41 Une population qui a fait face aussi à un blocus
13:44 et qui aujourd'hui, collectivement, prend le chemin de l'exil.
13:48 Est-ce que c'est pour ça qu'il reste d'Arméniens dans le haut paradis ?
13:51 Excusez-moi, est-ce qu'on peut dire, face à ce qui se passe,
13:53 est-ce qu'on peut dire que la communauté internationale n'a pas échoué ?
13:57 Est-ce qu'on peut ne pas...
13:59 Je pense qu'il s'agit d'un échec collectif.
14:01 Aujourd'hui, il ne reste qu'entre quelques centaines
14:04 ou quelques milliers de personnes qui restent,
14:06 mais la quasi-totalité de la population n'y est plus.
14:09 Alors justement, la priorité aujourd'hui, c'est l'aide à ces populations
14:14 qui ont tout perdu, qui ont tout quitté.
14:16 Qu'est-ce que vous demandez à la France, et à Catherine Colonna qui va venir mardi,
14:19 et aux Européens ? Quelle aide peut apporter l'Europe
14:22 pour soutenir ces populations qui sont dans un désarroi total ?
14:25 Vous savez, je pense que l'aide humanitaire, c'est important.
14:28 Je dirais, c'est très important, mais en même temps,
14:33 il ne faut pas tourner la page, il faut qualifier le crime.
14:37 Il faut, encore une fois, ne pas montrer qu'on accepte, qu'on admet un fait accompli
14:43 qui est la suite d'un recours à la force,
14:45 parce que c'est une violation du droit international,
14:48 c'est une violation des chars des Nations Unies,
14:50 et encore une fois, ça nourrit le sentiment d'impunité.
14:55 Ça renforce les tyrans, ça renforce les autocrates,
14:58 et ça ouvre le chemin à d'autres agressions.
15:00 Mais en même temps, il y a quand même une urgence humanitaire.
15:03 Mais madame, dès le début de votre émission,
15:08 vous aviez dit aussi que l'Arménie, aujourd'hui,
15:10 le territoire souverain de la République d'Arménie, est aussi menacée.
15:13 Donc je pense que si aujourd'hui, on n'arrête pas les autocrates,
15:19 si on n'arrête pas l'impunité, si on ne sanctionne pas,
15:22 demain, on parlera aussi de comment apporter de l'aide humanitaire
15:26 à la population arménienne qui vit dans le territoire souverain de l'Arménie.
15:29 Je voudrais qu'on écoute, parce qu'il y a quand même des pourparlers
15:32 qui sont censés avoir lieu la semaine prochaine,
15:34 aussi avec les autorités arméniennes et de l'Azerbaïdjan.
15:37 On va écouter ce que disait hier l'ambassadrice de l'Azerbaïdjan en France.
15:42 Ce qu'elle attend, elle, de ce dialogue qui va tenter d'avoir lieu la semaine prochaine.
15:46 Écoutez-la et je vous fais réagir juste après.
15:49 Je vous dis et je vous répète, l'Azerbaïdjan est pour la paix.
15:55 La meilleure garantie pour l'intégrité territoriale de l'Arménie,
16:00 c'est la signature de traité de paix.
16:02 C'est ça qu'on veut aujourd'hui, signer le traité de paix.
16:05 Mais pour cela, on a besoin de deux.
16:08 Pour vous, il est trop tard pour la paix ?
16:10 Il n'est jamais trop tard pour la paix, parce que de toute façon,
16:12 après tous les conflits, on s'assoit autour d'une table négociation.
16:16 Mais je pense que les propos que je ne voudrais pas commenter,
16:20 quand on dit la seule manière pour l'Arménie de préserver sa intégrité territoriale
16:24 et on énumère des conditions,
16:27 on ne peut pas ne pas penser qu'il s'agit d'une menace déjà violée.
16:32 Une menace à peine voilée.
16:35 Donc je pense qu'aujourd'hui, depuis trois ans,
16:38 les autorités arméniennes ne parlent que de la paix.
16:41 Ils ont fait des efforts colossaux pour parvenir à la paix.
16:46 Mais malheureusement, tous les efforts, la main tendue de l'Arménie
16:50 n'a jamais été serrée par l'Azerbaïdjan.
16:54 Comment on peut parler de la paix quand on anéantit toute une terre avec sa population ?
17:01 Quand on force au départ à plus de 100 000 personnes.
17:05 Je pense qu'aujourd'hui, il faut...
17:08 Et c'est pour ça aussi, qualifier le crime est extrêmement important.
17:13 Comment vous le qualifieriez ?
17:16 Je pense que ce qu'on voit aujourd'hui,
17:18 je ne parle pas comme les spécialistes des historiens qui parlent du génocide en cours,
17:23 je dis au moins aujourd'hui, il y a une épuration ethnique.
17:26 Cette terre, elle est vidée de sa population.
17:29 Et si vous me permettez, je citerai aussi Vincent Duclert,
17:32 qui est aussi spécialiste des génocides,
17:36 qui dans une tribune a publié quelque chose dans Le Monde,
17:39 a affirmé que ce qui se passe aujourd'hui dans le Garabar,
17:42 c'est la continuité de ce qui s'est passé en 1915,
17:46 que c'est la destruction, c'est l'entreprise délibérée
17:49 de la destruction d'une terre arménienne et de l'extermination d'une population arménienne,
17:55 que l'objectif c'est aussi d'affaiblir les capacités morales,
17:58 de détruire les capacités morales d'un peuple qui est composé des rescapés du génocide.
18:04 Et je ne peux pas ne pas penser que si le crime de 1915 n'était pas resté impuni,
18:09 il n'y aurait pas d'autres massacres qui ont conduit aujourd'hui.
18:13 Vous savez, en 1988, André Sakharov, qui est le prix Nobel de la paix,
18:17 disait que si avant Songhaït,
18:21 Songhaït c'est la première ville asiatique qui avait connu des massacres contre les Arméniennes,
18:26 c'est la première d'une très longue série après, mais c'était la première,
18:30 et André Sakharov disait, vous savez, si avant Songhaït,
18:34 on pourrait encore prétendre que la question du Garabar
18:38 peut être réglée au sein de l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan,
18:42 après Songhaït, personne n'aurait le droit de le revendiquer.
18:45 Après Songhaït, il y a eu Bakou, il y a eu Malhara, il y a eu Ganja, etc.
18:50 Il y a eu la guerre d'agression de 2020, il y a cette épuration ethnique.
18:54 Après tout ça, est-ce qu'on peut...
18:56 Mais du coup, si on vous entend, on se dit qu'il n'y a plus de dialogue possible,
18:58 c'est pour parler de la semaine prochaine, ça ne sert à rien en fait.
19:01 Vous savez, si l'auteur des crimes ne reconnaît pas qu'il a fait des crimes,
19:11 s'il n'y a pas de demande de pardon, s'il ne reconnaît pas,
19:17 la paix ne sera jamais définitive.
19:19 Vous savez, ça me rappelle aussi les années 30.
19:22 On veut toujours être optimiste, on veut toujours croire à la chance de la paix,
19:27 on veut toujours sauver la paix, mais finalement ce qu'on risque,
19:31 c'est d'avoir, comme disait Churchill, à la fois la guerre et le déshonneur.
19:34 Donc je pense qu'aujourd'hui...
19:36 Madame ambassadrice, compte tenu de la situation internationale,
19:39 de la guerre en Ukraine, de la complicité de la Russie qui a fermé les yeux
19:43 du silence des Européens ou des Américains,
19:46 je vais vous poser une question très difficile pour vous.
19:48 Est-ce que vous avez encore l'espoir que les Arméniens qui ont quitté,
19:52 forcé leur territoire, est-ce que vous avez l'espoir qu'ils puissent y revenir un jour ?
19:57 Bien sûr, j'y crois.
19:59 Et je pense que ça dépend, et ce n'est pas quelque chose qui est extrêmement difficile,
20:02 ça dépend juste de la volonté de la communauté internationale
20:05 de ne pas accepter cette situation, ce fait accompli.
20:08 Si demain il y a des mécanismes internationaux pour assurer la sécurité,
20:12 s'il y a des casques bleus, je suis persuadée qu'une très grande majorité de ce peuple retournera.
20:18 Encore une fois, c'est un peuple qui est attaché à sa terre ancestrale,
20:22 qui vit depuis trois millénaires.
20:24 On ne quitte pas une maison, on ne quitte pas une terre facilement
20:28 quand tout rappelle, quand les cimetières, les églises, les monastères...
20:31 J'ai écouté l'un de ces réfugiés qui disait
20:36 "Nous avons laissé derrière nous tout notre passé, on n'a plus rien."
20:41 Donc je pense que si aujourd'hui la communauté internationale donnait les gages de sécurité,
20:46 cette épuration ethnique ne serait pas définitive.
20:50 Et je pense que si j'ai une première attente de la communauté internationale,
20:54 je pense que si le peuple arménien a la plus grande attente de la communauté internationale,
20:59 c'est de ne pas laisser pour que cette épuration ethnique devienne définitive.
21:03 Et vous attendez justement de la France qu'elle prenne le lead
21:06 pour provoquer cette réaction de la communauté internationale.
21:09 C'est ce que vous nous avez dit.
21:10 Merci beaucoup Madame l'Ambassadrice d'avoir été avec nous ce soir sur le plateau de Weekend Diary.
21:15 C'est moi qui vous remercie de votre invitation.
21:17 Merci Ulysse.
21:18 On suivra évidemment le déplacement mardi de la chef de la diplomatie française.
21:22 Merci encore d'avoir été avec nous.

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