Les livres de Monsieur Maulin - Le Roman de Londres de Milos Tsernianski
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Milos Tsernianski est né en 1893 à Czongrad, en Voïvodine, dans la minorité serbe de cette petite ville de l’Empire austro-hongrois, qui se trouve aujourd’hui en Hongrie. Au lendemain de la guerre, il s’installe à Belgrade et s’affirme très vite comme l’un des chefs de file des modernistes « yougoslaves ».
En 1929, il fait paraître le premier volet de Migrations, un roman consacré à la diaspora serbe dans la monarchie austro-hongroise au XVIIIe siècle qui ne sera achevé qu’en 1962. En parallèle, il rejoint le corps diplomatique du royaume de Yougoslavie avant d’être affecté en Allemagne, de 1935 à 1938, et en Italie de 1939 à 1941.
A cette date, il rejoint son gouvernement réfugié à Londres, sans savoir qu’il restera exilé dans cette ville près de 25 ans. La Yougoslavie communiste qui se met en place en 1945 le déclare en effet persona non grata et met son œuvre à l’index. Pour survivre, Tsernianski est contraint d’accepter des petits boulots. Il achève la deuxième partie de Migrations et publie la même année Lamento pour Belgrade, un long chant d’amour extatique adressée à la capitale serbe vue depuis son exil londonien.
Réhabilité par le régime, il rentre enfin à Belgrade en 1965, accueilli dans la gloire. Puisant dans sa longue et douloureuse expérience de l’exil, c’est alors qu’il écrit Le Roman de Londres, paru en 1971, traduit en 1992 par les éditions de L’Age d’Homme et réédité par les éditions Noir sur Blanc il y a deux ans. C’est un roman lyrique et tragique, d’un rythme lent et envoutant, servi par une langue obsessionnelle qui multiplie les répétitions, semble tourner sur elle-même, revient sans cesse à ses idées fixes, celles du héros en l’occurrence, qui lui aussi tourne en rond dans son malheur.
Ce héros, c’est le prince russe Nikolaï Rodionovitch Repnine, un ancien officier tsariste attaché à l’Etat-major de Denikine, cultivé et polyglotte, âgé de 53 ans en 1946. Après la défaite de la dernière armée blanche commandée par le général Wrangel, en novembre 1920, il a fui la Russie par la Crimée avec 150 000 civils et militaires. A Kertch, il a rencontré Nadia, la jeune fille d’une princesse et d’un général, de dix ans sa cadette, avec qui il s’est marié peu de temps après en Grèce. Le couple a erré vingt ans en Europe d’une capitale à l’autre avant de rejoindre Londres en 1941, en plein bombardement, où Repnine trouve un emploi de professeur d’équitation dans la banlieue de Mill Hill.
C’est là qu’à l’hiver 1946 commence le roman. Le prince a perdu son emploi depuis un an, sa femme façonne des poupées en chiffon qu’elle essaye de vendre à Londres ; ils se débattent avec la misère. Nadia est belle, intelligente, gaie, pleine d’espoir malgré leur situation déplorable ; lui est fier et hautain, obsédé par ce que penseraient ses ancêtres de sa déchéance, hanté par le suicide. Il est prêt à exécuter tous les travaux, même les plus humiliants, et ne comprend pas pourquoi on ne lui donne pas de travail, lui qui appartient à un peuple qui a co
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