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Sexisme, capitalisme et racisme dans le rap français [Benjamine Weill]
Xerfi Canal
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21/09/2023
Xerfi Canal a reçu Benjamine Weil, Philosophe, pour parler de l'industrie du rap comme miroir des tensions de la société française. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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News
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00:00
Bonjour Benjamin Nveil.
00:09
Bonjour Jean-Philippe.
00:10
Benjamin Nveil, philosophe.
00:12
C'est comme ça que j'ai envie de vous présenter, philosophe.
00:14
De formation, parce que comme je n'ai pas eu le loisir de soutenir une thèse,
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je ne peux pas exactement me qualifier de philosophe.
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Je ne suis pas docteur en philosophie.
00:22
D'accord.
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Alors, j'ai dit philosophe parce que je recommande vos émissions Punch Life,
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où vous décodez des punchlines du rap français à la lumière de la philosophie.
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Sexisme, racisme et capitalisme dans le rap français, tout un programme.
00:36
En effet, tout un programme.
00:38
Dont on va parler.
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Alors, avant de rentrer dans l'ouvrage, d'abord, comment on tombe dans le rap ?
00:43
Alors, comment on tombe dans le rap ?
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J'ai envie de dire comme dans n'importe quel domaine musico-culturel.
00:49
C'est-à-dire que j'ai été adolescente dans les années 90.
00:54
J'ai grandi entre Évry et Corbeil-Essonne, avant d'arriver ensuite dans Paris.
00:58
Et j'ai transité entre les deux par une famille d'accueil aux États-Unis
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qui me ramenait une fois par mois dans le Queens.
01:05
Donc, en 94-95, ça aide à adopter les codes et la culture
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qui me paraissait être celle qui m'offrait le plus de liberté
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et de possibilité de pouvoir signifier des choses comme toute adolescente
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qui peut avoir le sentiment de ne pas être forcément bien à sa place.
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Et donc, c'était la culture hip-hop et que j'ai retrouvée en France en revenant,
01:26
parce que c'est vrai que j'ai demandé à une amie d'aller voir le film
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qu'elle me pensait que j'avais raté.
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Et le seul film qui passait encore à Saint-Michel, c'était La Haine.
01:34
Et donc, en ressortant de là, je me suis dit,
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il se passe aussi quelque chose en France.
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Et j'ai laissé le rap américain pour me concentrer
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quasiment exclusivement sur le rap français.
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Une sorte de nouveau bim-bam, ça, c'est une jolie formule.
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Alors, on en vient à "à qui profite le sale".
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- Justement, allons-y. - C'est là où êtes-vous en colère ?
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Alors, on ne peut pas dire que j'étais vraiment en colère,
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même si le titre peut le dire aussi.
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C'est vrai que c'est une question qui m'est apparue au fur et à mesure,
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à partir du moment où j'ai commencé à écrire.
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Alors, il y a eu plusieurs facteurs.
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Déjà, quand j'ai commencé à écrire, j'ai commencé à sentir très vite
02:04
que le fait que je sois une femme questionne que je parle de rap.
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Question qui ne s'était jamais posée à moi quand j'étais jeune.
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Il ne m'a été jamais renvoyé qu'en tant que femme,
02:13
je n'étais pas légitime à écouter du rap.
02:15
Parfois, en tant que...
02:17
pas toujours socialement au bon endroit,
02:18
oui, mais pas en tant que femme.
02:20
C'est d'ailleurs quelque chose qui m'a beaucoup surpris,
02:23
de voir que, à partir de 2015-2016, quand je commence à réécrire
02:26
et à faire les liens, parce que moi, je viens du travail social,
02:29
donc j'ai beaucoup utilisé la culture hip-hop comme médiation avec des jeunes.
02:32
J'ai beaucoup vu ces effets thérapeutiques,
02:34
ces effets, j'ai envie de dire, presque existentiels aussi.
02:37
Donc, j'ai beaucoup travaillé là-dessus pendant longtemps.
02:40
Et puis, quand je commence à écrire justement dessus
02:41
et à rendre ça un peu plus public
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que dans une sphère purement médico-sociale, j'ai envie de dire,
02:46
à partir de là,
02:48
j'observe qu'il y a un nouveau monde qui s'est créé,
02:51
qui s'appelle le rap game,
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et que jusque-là, je ne connaissais pas, en fait,
02:54
parce que j'étais une amatrice,
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enfin, je faisais partie des gens qui allaient dans les soirées,
02:58
qui écoutaient, qui diffusaient, qui en parlaient,
03:01
mais qui n'étaient pas forcément dans ce qu'on appelle aujourd'hui le game,
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c'est-à-dire dans les enjeux financiers.
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Un écosystème complet.
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Exactement. Un écosystème avait éclot,
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que moi, j'avais observé de loin,
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et le monde du social en étant très, très loin,
03:15
justement, quand j'ai commencé à vouloir faire des ponts,
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j'ai vu qu'il y avait des enjeux financiers,
03:20
enfin voilà, et qu'il allait falloir que j'essaye de comprendre tout ça.
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Donc, dans ce monde-là, justement, qui s'appelle le rap game,
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là, pour le coup, ma légitimité en tant que femme s'est posée.
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Et c'est quelque chose qui m'a beaucoup interrogée,
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donc j'ai même d'abord refusé la question.
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Et puis, j'ai vu que parallèlement,
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il y a beaucoup de choses qui se mettaient en place,
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notamment autour du 8 mars,
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sur la place des femmes dans le rap, progressivement,
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et puis il y a eu Me Too.
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Et puis, on a été plusieurs à vouloir faire quelque chose autour de Me Too,
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alors pas dénoncer ce qui jouait dans le rap,
03:51
mais en tout cas, de pouvoir proposer à travers le rap
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une façon aussi de s'emparer de ces questions,
03:55
parce que c'était des questions émancipatoires qui nous paraissaient logiques.
03:58
Et là, on a senti des choses, en tout cas des mouvements
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qui étaient assez étranges,
04:04
notamment de la part de ceux qui tiennent un petit peu ce milieu.
04:08
Et quand je parle de rap game,
04:10
c'est donc ceux qui traitent le rap, justement,
04:12
à que ce soit ceux qui le produisent,
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au sens de la production quasi industrielle,
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et ceux qui en parlent.
04:18
Donc, le discours, le traitement, c'est des deux côtés.
04:20
Et c'est là que, moi, j'ai commencé à m'interroger un peu,
04:24
notamment autour de l'affaire BFM,
04:26
le fait que j'aille à BFM et que moi, j'ose aller à BFM avec en plus...
04:31
- Une femme blanche qui va parler d'une faille de Maccary, ça orlit.
04:35
- Et avec le bandeau "philosophe-experte du rap".
04:38
Alors là, pour le coup, même dans le milieu,
04:40
c'était devenu complètement aberrant.
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De faire de la philo sur le rap,
04:43
alors qu'aujourd'hui, c'est un acquis, finalement.
04:45
Cinq ans, six ans après...
04:47
Six ans ? Non, cinq ans, je ne sais plus.
04:49
J'ai un douté 2018, je crois, donc oui, cinq ans.
04:52
Mais donc, il y a cet événement-là,
04:54
où tout d'un coup, on me renvoie aussi beaucoup à mon genre,
04:57
à une forme d'illégitimité,
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sans d'ailleurs questionner le fait que...
05:05
Enfin, voilà, le pourquoi du comment autour de ça.
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Puis c'est vrai que moi, je maintiens aussi
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que je pense qu'il faut sortir le rap de l'entre-soi du rap game, justement,
05:11
qui ne lui fait pas toujours du bien.
05:13
Et c'est là que, justement, en tirant un peu les fils,
05:16
je me suis dit, pourquoi tout d'un coup,
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et notamment dans la période post-MeToo,
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il y a quelque chose qui s'est renforcé
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et qui a amené à des imaginaires autour du rap très virilistes.
05:26
Et ça, moi, forcément,
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ça ne correspondait ni à ce que j'en avais vécu,
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ni à ce que j'en percevais sur le terrain,
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ni à ce que ça pouvait apporter, en fait.
05:35
Donc là, il y a l'esprit philosophique qui se réveille
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au moment où il y a un truc qui ne colle pas.
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Donc il y a des paradoxes.
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Et donc là, j'ai eu envie de tirer le fil et de me dire,
05:44
finalement, on ne fait plus du sale simplement pour faire du proprement sale,
05:49
comme pouvait dire The Speed en Brooklyn,
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donc de faire du bon son, au sens presque d'Atlanta.
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C'est plus du sale pour faire de la surenchère du sale.
05:58
Et là, il y a quelque chose qui m'interroge et à qui ça profite.
06:01
Et c'est là qu'en tirant un peu le fil...
06:03
- Et alors, qu'est-ce qu'on trouve quand on tire le fil ?
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- On trouve que finalement,
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derrière ces mises en avant de caricatures et stéréotypées,
06:11
on renforce des représentations assez caricaturales
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et donc des clichés racistes, finalement,
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qui ne servent pas du tout à la cause.
06:19
Et là, on est aux antithèses de Malcolm X.
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On est vraiment à l'opposé du prisme, en fait.
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Donc, on en trouve des choses et...
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- C'est-à-dire qu'on renforce tous les stéréotypes ?
06:31
- Oui, parce que...
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- En raison de la surenchère.
06:33
- En raison de la surenchère, par exemple, typiquement,
06:35
un des aspects qui m'est apparu le premier,
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c'est que tout d'un coup,
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le rappeur blanc était devenu le rappeur intellectuel,
06:41
alors que moi, dans mon souvenir,
06:42
le rappeur, c'est l'intellectuel de la bande,
06:43
c'est l'intellectuel du quartier.
06:45
C'était celui qui nous apprenait des choses.
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Alors, qui nous apprenait sans forcément
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ne pas faire de divertissement, attention,
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c'est pas forcément faire la leçon que d'apprendre des choses.
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On pouvait apprendre des choses derrière une punchline,
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on pouvait apprendre des choses à travers une référence cachée.
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Et justement, tout ça a été un peu lissé.
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Et aujourd'hui, justement, la figure du rappeur,
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elle est à l'opposé de tout ça.
07:06
Et là, il y a quelque chose qui m'interrogeait
07:09
sur la polarité qui s'était construite
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en même temps que des nouvelles catégories,
07:12
comme le rap de Yankley, le rap de Blanc,
07:15
le rap que certains appellent de Terre-Terre,
07:17
qui est un truc très condescendant et classiste.
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Et puis, un public, un nouveau public aussi,
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que je voyais arriver sur Twitter, notamment,
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tous moins de 25 ans,
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voire, au départ, je pensais moins de 30 ans,
07:29
mais en fait, moins de 25 ans,
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qui ont donc grandi avec Planète Rap,
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grandi avec un imaginaire du rap
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qui n'est pas du tout le même que celui
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de ceux qui ont grandi avec le hip-hop
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et qui, là, pour le coup, véhiculent des images
07:39
et des propos qui vont amener une forme de...
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Je dirais, d'un point de vue un peu politique,
07:46
politicaire, une droitisation forte,
07:49
on va dire, du public rap.
07:50
Bien sûr, on gardera en tête qu'Aya Nakamura
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est aujourd'hui gérie mondiale de l'encombre.
07:55
Même si elle n'est pas rappeuse.
07:56
Aurel San, rappeur, pour le coup,
07:59
et gérie de Dior, quand même.
08:01
Bref, il se passe quelque chose
08:03
dans le monde des affaires.
08:04
Autour du rap, ça, c'est évident.
08:05
Mais ça, je pense que là, aujourd'hui,
08:07
tout le monde a compris que le rap rapportait.
08:08
Maintenant, l'enjeu, c'est à quel prix ?
08:12
Merci, Benjamin Nwaïl.
08:13
Merci.
08:15
Sous-titrage Société Radio-Canada
08:17
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