Dans l'émission "Quelle époque" sur France, Dadju se confie sur ses mois passés dans la rue alors qu'il n'était qu'un enfant.
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00:00 vous rentrez seul et vous êtes expulsé.
00:02 Vous vous faites expulser avec votre mère et votre petit frère.
00:05 Et là, Dajou, vous allez, à 11 ans, dormir pendant 18 mois
00:10 dans la rue, sur les bancs, dans des cages d'escalier,
00:13 dans des squats à 35 dans une chambre.
00:15 Comment on dort dans une cage d'escalier ?
00:17 Ça, c'est ce qui est très beau. Ce qui est derrière moi,
00:19 c'est que dans la série, tout ce qui est votre enfance est dessiné.
00:23 Je trouve ça extrêmement poétique.
00:24 Mais comment vous faites dans la rue 18 mois ?
00:27 C'est long, dormir dans une cage d'escalier.
00:29 -Ça, c'est avec votre mère et Gims ?
00:30 -Et... Non.
00:31 C'est pas Gims, c'est un autre petit frère.
00:33 Mais on est quand même pas mal de frères.
00:36 14. On est 13, 14.
00:39 Peut-être 14.
00:41 Il y a quelqu'un que j'ai oublié.
00:42 Mais...
00:44 Mais c'est vrai que c'était difficile,
00:48 mais je saurais pas l'expliquer.
00:50 J'étais assez petit, j'étais jeune.
00:52 J'ai juste vu ma mère...
00:54 J'ai juste vu ma mère le subir, surtout.
00:57 Quand on est petit, quand on est jeune,
00:58 on se rend pas compte de la gravité des choses.
01:00 On se dit juste qu'on est dehors.
01:02 Je dors dehors, il fait froid.
01:04 J'ai juste froid. Je me rappelle juste qu'il faisait froid.
01:06 Mais je me rappelle pas de la difficulté.
01:08 C'est plus de voir ma mère pleurer, d'avoir mon petit frère dans les bras.
01:11 C'est plus ça qui m'a marqué.
01:13 -Qu'est-ce que vous lui devez ?
01:14 J'ai souvent remarqué que la mère était très importante
01:16 chez les rappeurs, chez les chanteurs.
01:18 En tout cas, chez les rappeurs. -Chez les garçons.
01:19 -Oui, chez les garçons.
01:21 "La daronne", comme vous dites.
01:23 Vous lui devez quoi, à votre mère ?
01:25 -La vie. La vie, déjà, dans un premier temps.
01:27 Je lui dois la vie.
01:29 Ensuite, je lui dois mon éducation,
01:31 je lui dois mes ambitions, ma personnalité.
01:35 -Mais c'est là, dans ces mois où vous êtes dehors,
01:37 que vous avez chopé la rage en vous disant
01:40 "Je vais réussir" ou "Je veux plus jamais dormir dans la rue" ?
01:43 Pas vraiment.
01:44 -À ce moment-là, tous les problèmes que j'avais,
01:48 de mes 10 ans jusqu'à peut-être toute mon adolescence,
01:53 tous ces problèmes-là auraient pu être réglés par de l'argent.
01:56 Donc, pour moi, tous les problèmes du monde
01:59 pouvaient être réglés par de l'argent.
02:00 Mon objectif, à ce moment-là, c'était d'avoir de l'argent,
02:04 tout simplement.
02:05 -Souvent, les femmes vont vous aider,
02:07 et il y a une femme qui va vous aider quand vous êtes dans la rue,
02:09 c'est votre CPE, la CPE de votre collège.
02:11 Elle s'appelle Mme Vieville,
02:13 et elle va se démener pour alerter tout le monde,
02:16 les parents d'élèves, la directrice d'école, etc.,
02:18 pour vous trouver un logement HLM.
02:20 Vous dites "Elle m'a littéralement sauvé la vie".
02:22 -Ouais, bien sûr.
02:23 C'est grâce à elle qu'elle a mis fin aux 18 mois.
02:27 C'était assez difficile, à cette période-là,
02:30 parce que...
02:32 Voilà.
02:33 Ma mère n'avait pas tous ses papiers,
02:37 et donc, aller à la mairie pour dire "On a été expulsés,
02:40 il va falloir qu'on retrouve une maison",
02:43 on te prend pas au sérieux, on te dit d'attendre.
02:45 Donc, t'es dans la salle d'attente et t'attends, t'attends, t'attends.
02:48 Et Mme Vieville, ma CPE, savait ça.
02:51 Et c'était difficile aussi, on se le dit,
02:53 parce qu'on était noirs, tout simplement,
02:58 et ça, c'était compliqué aussi, à cette époque-là.
03:01 Et Mme Vieville venait nous voir pour ça.
03:03 Elle venait nous voir en me disant "Moi..."
03:05 Et c'est comme ça, elle l'a dit littéralement,
03:06 "Moi, je suis blanche, je sais qu'ils vont m'écouter.
03:09 Je suis blanche, je suis blonde, un peu comme vous.
03:12 Et je sais qu'ils vont m'écouter."
03:15 C'était une femme magnifique qui avait un gros coeur
03:17 et qui me prenait par la main, qui prenait ma mère par la main.
03:19 -Ce qui est tellement mignon, c'est que vous dites dans le doc
03:22 "Elle peut me demander ce qu'elle veut, je lui donne",
03:23 mais elle insiste pour venir à vos concerts
03:25 et payer elle-même la place.
03:27 -Ouais, elle veut rien me demander.
03:28 Elle veut absolument rien me demander,
03:30 même le billet de train pour venir.
03:32 Elle veut pas, en fait, elle veut rien.
03:33 Et ça me met mal à l'aise.