Groenland: dans le plus grand Fjord du monde, "laboratoire du changement climatique"

  • l’année dernière
Emprisonné par les glaces onze mois sur douze, le plus grand Fjord du monde, situé au Groenland, est un terrain de recherche aussi unique que difficile d'accès pour les scientifiques. Dans cette région arctique qui se réchauffe quatre fois plus vite que dans le reste du monde, véritable "laboratoire du changement climatique", des chercheurs naviguent pour observer tout un ecosystème en péril. "On parle du réchauffement climatique mais ici on le constate" explique Vincent Hilaire, dirigeant de l'association Greenlandia, qui pilote une expédition au mois d'août 2023. "C'est ça le message. Les gens qui vivent ici, ceux qui viennent souvent comme nous, on voit les glaciers, on peut témoigner d'une mission à l'autre quel est l'impact du réchauffement climatique."

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00:00 Sur la côte est du Groenland, derrière les icebergs qui peuplent le fjord de Skoresby,
00:10 une expédition est en marche.
00:14 Sous escorte armée, Eric Maréchal, chercheur au CNRS, avance avec prudence vers le glacier
00:23 niché au fond de la baie des Vikings.
00:27 Sur ce territoire sauvage, ce n'est pas l'homme qui fait la loi.
00:32 Le scientifique n'est pas là pour observer ses empreintes, mais des traces bien plus
00:41 petites.
00:42 Un micro-organisme, les algues rouges, qui prolifèrent à la surface de la neige.
00:50 Aussi surnommé le sang des glaciers, cette espèce encore méconnue serait de plus en
00:57 plus présente dans la région, s'accroissant sans s'accélérer par le réchauffement climatique.
01:03 Son impact sur l'environnement est sans précédent.
01:08 Ces algues colorent la neige et la glace, et on estime que de l'ordre de 12% de la
01:15 fonte annuelle des glaciers est due à la présence d'algues, ce qui est colossal.
01:21 À l'échelle de la planète, s'intéresser à ce qui se passe au Groenland, c'est aussi
01:29 comprendre la dynamique du dérèglement du cycle de l'eau à l'échelle de la planète
01:36 et de la fonte majeure qui cause l'élévation des océans.
01:42 Pour accéder à cette région reculée, à plusieurs jours de navigation du village
01:49 le plus proche, le voyage s'est fait en voilier polaire, le Kammach.
01:54 27 mètres de long, 90 tonnes et une coque en acier pour braver les éléments.
02:03 Dans le bateau transformé en véritable laboratoire, chercheurs et spécialistes du Groenland
02:10 s'affairent dans une course contre la montre.
02:12 Naviguer dans ce fjord extrêmement sauvage n'est possible que quelques semaines chaque
02:18 année.
02:19 On a un mois, grosso modo, du 10 août au 10 septembre, plus ou moins, suivant les saisons,
02:29 et après les glaces referment l'entrée et l'accès au fjord.
02:34 Pour venir en bateau, c'est une petite fenêtre d'un mois sur l'année.
02:38 On a des cartes des glaces, des cartes satellites qu'il faut arriver à interpréter, après
02:42 il y a le facteur météo et puis en même temps on a des cartes qui ne sont pas fiables,
02:49 comme là on a un gros décalage sur les cartes, donc du coup on avance à tâtons avec la
02:52 ligne de sonde, la profondeur, et voilà, après c'est de la découverte et de l'adaptation.
03:00 Caroline Bouchard, biologiste venue de Nouk, la capitale du Groenland, est aussi de l'aventure.
03:06 Cette spécialiste des écosystèmes marins arctiques jette plusieurs fois par jour des
03:13 filets afin d'observer la présence de micro-organismes et de larves de poisson.
03:18 Des prélèvements qui donnent des indicateurs précieux sur la chaîne alimentaire dans
03:24 cette région isolée.
03:25 Même ici, le constat est inquiétant.
03:28 Malgré l'impression que l'on peut avoir que ces environnements sont intacts, il y
03:36 a bien un impact de l'homme ici qui est dissimulé.
03:39 Par exemple, il y a des polluants, des produits chimiques éternels que l'on retrouve déjà
03:45 chez les animaux parce qu'ils s'accumulent tout au long de la chaîne alimentaire.
03:49 Parfois, les changements arrivent très vite.
03:54 Et c'est difficile pour s'adapter à moyen ou long terme, donc oui, je dirais que je
04:03 suis très inquiète.
04:05 Le mois de juillet 2023 a été le plus chaud jamais enregistré par une station située
04:13 au centre de la calotte glaciaire de l'île.
04:15 Il y a deux ans, le thermomètre a atteint les 24 degrés.
04:20 En embarquant des scientifiques, l'organisation Greenlandia veut combattre les discours climato-sceptiques
04:27 par des données concrètes.
04:28 Vous entendez parler du réchauffement climatique, mais ici, on le constate.
04:34 C'est ça le message.
04:35 Les gens qui vivent ici, ceux qui viennent souvent comme nous, on voit les glaciers.
04:41 On peut témoigner d'une mission à l'autre quel est l'impact du réchauffement climatique.
04:46 Ici, c'est vraiment le laboratoire du changement climatique.
04:50 Publié plus tôt dans l'année, une étude danoise souligne un paradoxe.
04:56 Alors qu'ils sont les premiers touchés au Groenland, un habitant sur deux ignore que
05:02 la hausse des températures est liée aux activités humaines.
05:04 Pour Eric Maréchal, le chemin à accomplir partout dans le monde est encore long et les
05:11 résultats vont se faire attendre.
05:12 Je suis fondamentalement triste, comme tous mes collègues.
05:16 Les scientifiques ont en eux cette immense tristesse de la conscience de ce qui se passe.
05:23 Est-ce que le processus peut être arrêté si vite que pour ces glaciers qu'on a vus,
05:30 tout se passe bien ? Je ne le crois pas.
05:33 C'est ce que l'on fait aujourd'hui, c'est ce que l'on va décider aujourd'hui,
05:39 qui va impacter non pas demain, mais après-demain.
05:42 En 20 ans, l'île a perdu 4,7 trillions de litres de glace, une fonte qui a relevé
05:49 d'un centimètre le niveau des océans dans le monde.
05:51 Si l'intégralité de la calotte glaciaire du Groenland venait à fondre, c'est de
05:58 plus de 7 mètres que le niveau de la mer augmenterait.
06:02 [Musique]

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