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  • 13/09/2023
Alain Duhamel présente son livre "Le Prince balafré: Emmanuel Macron et les Gaulois (très) réfractaires", qui tire le portrait du président de la République et répond à cette occasion aux questions de Marlène Schiappa. 

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Transcription
00:00 Ma première question portera sur le rôle des partis, parce que vous livrez une analyse à partir de la page 194-195 des partis politiques en puissance.
00:08 Vous les comparez aux partis précédents. Vous êtes, je trouve, très durs avec tous.
00:12 Vous dites que les écolos, je cite, c'est une secte, que Renaissance est un objet virtuel.
00:17 Vous dites que le RN, pour l'instant, c'est encore un parti numérique.
00:20 Je voudrais savoir quel regard vous portez sur le rôle des partis dans la démocratie.
00:24 Et pour aller plus loin, est-ce que vous ne croyez pas que si seulement avoir un parti structuré d'élus était nécessaire pour gagner une présidentielle,
00:30 François Fillon aurait gagné en 2017 ?
00:33 Et quelle place vous donnez au mouvement citoyen, aux coalitions type Printemps Marseillais et autres,
00:37 avec des associations, des ONG qui remplacent l'engagement pour certains dans les partis politiques ?
00:42 Alors, c'est une question qui comporte beaucoup de questions, évidemment.
00:44 Donc, si j'en oublie, vous me le direz.
00:47 D'abord, sur le principe, c'est, dans mon esprit, évident qu'une démocratie a besoin de partis.
00:54 Et de partis qui soient puissants, et de partis qui, effectivement, soient capables de mobiliser.
00:58 Et ce que j'essaye de démontrer, malheureusement, j'ai les chiffres,
01:01 c'est que des partis qui avaient revendiqué jusqu'à 700 000 adhérents en ont aujourd'hui 70 000.
01:09 En gonflant parfois les chiffres, c'est ce que vous dites dans le livre.
01:11 Absolument.
01:12 Et de deux côtés, c'était le cas des communistes, mais c'était le cas du rassemblement du peuple français du général de Gaulle,
01:18 qui revendiquait la même chose et n'en avait pas non plus la moitié.
01:22 Donc, les partis aujourd'hui sont beaucoup plus faibles qu'ils ne l'étaient.
01:25 Je ne m'en réjouis pas du tout.
01:28 Dans mon esprit, à la fois les Insoumis et Renaissance, qui pourtant ont peu de choses en commun,
01:36 ont ceci en commun, que ce sont largement des partis numériques.
01:39 C'est-à-dire qu'on fait un clic, on est sympathisant, bravo.
01:43 Ce n'est pas la vie des vrais partis tels qu'ils existaient,
01:48 c'était des militants qui discutaient sur des programmes, qui s'engueulaient d'ailleurs,
01:52 qui se divisaient, mais qui vivaient, qui partageaient ça avec les citoyens.
01:57 Et de ce point de vue, il y a une régression qui est générale et que je trouve dommageable.
02:03 Maintenant, je suis d'accord avec vous que ce qui est intéressant et qui n'est pas du tout contradictoire
02:09 avec l'intérêt et la place des partis, c'est qu'il faut trouver aussi d'autres formes de démocratie aujourd'hui.
02:14 C'est une évidence.
02:16 L'univers politique que j'ai connu en 1965, pour la première élection présidentielle
02:24 à laquelle j'ai été mêlé comme journaliste, et la vie politique aujourd'hui,
02:29 n'ont plus rien à voir. L'information continue que nous sommes, les réseaux sociaux,
02:34 c'est un type de rapport entre la réalité et les citoyens qui est complètement différent.
02:40 Donc il faut en tirer des conclusions et essayer de trouver de nouvelles formes.
02:43 Alors Emmanuel Macron a expérimenté un certain nombre de nouvelles formes,
02:46 dont certaines ont été intéressantes, moi je trouve que le grand débat a été intéressant,
02:50 même si je pointe ses limites au passage, mais d'autres expériences ont été moins réussies,
02:55 comme le CNR par exemple, mais il faut chercher de ce côté-là, et pas simplement Emmanuel Macron.
03:01 Tous les partis ont intérêt à chercher de nouvelles formes d'expression et de participation des citoyens.
03:06 Les trois que vous représentez, ils ont tous intérêt, et je pense qu'on n'a pas encore au fond...
03:12 Emmanuel Macron a symbolisé une déconstruction d'un système politique,
03:19 et on n'a pas reconstruit un autre système politique.
03:22 La preuve, c'est qu'aujourd'hui on est partagé entre ceux qui espèrent ressusciter le clivage gauche-droite,
03:28 et donc l'alternance classique telle qu'on l'a connue pendant 70 ans,
03:31 et ceux qui essayent d'inventer à partir de la tripartition quelque chose d'autre.
03:37 Mais que ce soit bipartisme ou tripartition, à mes yeux ça n'est pas l'essentiel,
03:42 l'essentiel c'est d'essayer de trouver de nouvelles formes de participation politique.
03:45 Madame Schiappa, autre question.
03:47 Dans la poursuite de celle-ci, dans le livre, vous évoquez la faiblesse des partis politiques,
03:51 la dureté de l'immédiateté des médias et des réseaux sociaux.
03:54 Il y a un passage qui m'a particulièrement intéressée,
03:56 qui est très lucide mais dur aussi, dans lequel vous dites que l'élu aujourd'hui
04:00 tient le rôle de mouche emprisonnée dans une toile d'araignée.
04:03 Et cette toile d'araignée, pour vous, ce sont les rémunérations faibles,
04:07 les horaires harassants, les électeurs que vous décrivez comme parfois agressifs ou intrusifs,
04:12 le déversoir des réseaux sociaux où on "scrute", je vous cite, on "traque" en permanence
04:16 chaque parole, chaque geste, rencontre, faille, voire même chaque arrière-pensée de l'élu.
04:20 Et donc ma question, vous qui avez tant de recul sur la vie politique,
04:23 aujourd'hui, est-ce que vous conseillez à un jeune ou une jeune qui est très emballée
04:27 par la vie politique de se lancer et d'aller se présenter à une élection
04:30 ou plutôt de se protéger et d'y renoncer ?
04:32 - Je conçois que vous vous posiez la question.
04:35 En ce qui concerne le personnel politique, je trouve qu'il a aujourd'hui
04:39 beaucoup plus de mérite qu'il n'en avait auparavant, parce que le rapport
04:43 à la fois avec les citoyens, leurs électeurs, et avec les journalistes
04:48 est infiniment plus difficile qu'il ne l'était.
04:51 Quand j'ai commencé, il y avait une espèce de respect pour le pouvoir
04:55 même si on était du camp d'en face. Il y avait de la considération pour la politique.
04:59 Il y avait vis-à-vis de la démocratie un consensus qui était très large.
05:02 Bon, il y avait des excités, comme il y en a toujours, mais ils étaient vraiment à la marge.
05:06 Aujourd'hui, je dirais qu'un homme ou une femme politique...
05:10 Je souligne quand même qu'un des progrès démocratiques qu'on a fait,
05:14 c'est la place des femmes, qui n'est pas au niveau de vraies têtes,
05:17 par rapport à ce que j'ai connu, est gigantesque.
05:19 Bon, et je m'en félicite.
05:21 Mais c'est évident qu'aujourd'hui, être en politique, c'est avoir des citoyens
05:28 qui peuvent vous insulter pour un oui ou pour un non,
05:32 c'est avoir un niveau de vie que la plupart des gens trouvent élevé,
05:37 mais qui est quand même inférieur de moitié ou de deux tiers à ce qu'il était auparavant,
05:41 c'est avoir moins de prestige, c'est avoir moins de temps.
05:44 Il ne faut pas oublier qu'à chaque alternance, il y a souvent la moitié de l'assemblée qui est balayée.
05:49 C'est vraiment un CDD d'entrée en politique.
05:52 Je dirais que pour, malgré tout ça, entrer en politique,
05:56 comme je préconise beaucoup qu'on le fasse, pour entrer en politique,
06:00 il y a deux choses, l'une étant peut-être plus sympathique que l'autre,
06:05 mais les deux pouvant d'ailleurs cohabiter.
06:08 La première, c'est un sens du devoir.
06:11 Considérer qu'on a à vouloir jouer un rôle politique.
06:15 Puis la deuxième, c'est l'ambition.
06:17 Il y a des gens pour qui c'est une forme d'ambition,
06:20 mais il y a de la sincérité aussi.
06:23 Moi, je ne dis jamais que, ni M. Chenu, ni Mme Chikirou,
06:28 jamais je ne pense qu'ils sont insincères dans leurs options.
06:33 Ce ne sont pas mes options, mais je les considère comme faisant bien ce qu'ils ont à faire l'un comme l'autre.
06:39 Dernière question sur les femmes.
06:41 Si c'est la dernière question, je voulais aborder l'après Macron.
06:44 Je vois que vous indexez un petit peu la réussite du gouvernement,
06:47 la réussite des Jeux Olympiques, politiquement, ça m'a un peu interpellée.
06:50 Sur l'après Macron, vous passez...
06:53 Je vous laisse juge de vos...
06:56 Je dis que ça va être un rendez-vous important.
06:58 Oui, voilà, un rendez-vous important.
06:59 Mais ce n'est pas ça qui va déterminer l'élection présidentielle.
07:01 Vous dites en tout cas...
07:02 On va se discuter entre macronistes ?
07:04 Une question sur les femmes peut-être.
07:06 J'ai trouvé comme quoi l'auteur est de partie prime et le lecteur est de partie prime aussi,
07:11 parce que moi je vous ai trouvé plutôt durs vis-à-vis du président,
07:13 notamment dans le chapitre sur le président des crises.
07:15 Mais sur les femmes, quel est votre regard ?
07:18 Vous faites un pari sur l'après Macron.
07:20 Vous citez par exemple Clémentine Autain comme potentielle présidentielle,
07:23 ou en tout cas aspirante candidate.
07:25 Vous parlez d'Elisabeth Borne.
07:27 C'est ce que vous dites en tout cas dans le livre.
07:29 Vous mentionnez la présidente de l'Assemblée nationale.
07:31 Vous qui avez ce recul, quel regard vous portez sur l'évolution de la place des femmes
07:34 dans les institutions et dans la politique en particulier ?
07:37 En ce qui concerne les institutions, elles commencent à conquérir ce à quoi elles ont droit.
07:42 D'abord il y a des types d'élections dans lesquelles obligatoirement,
07:45 il y a des tendèmes, un homme, une femme.
07:47 C'est une progression vraiment mécanique.
07:51 Ensuite, progressivement, elles commencent à avoir les places de pouvoir auxquelles elles ont droit.
07:56 Je dis bien progressivement, parce qu'il ne m'échappe pas que dans chaque partie,
08:01 dans chaque niveau, elles n'ont pas encore l'intégralité de ce à quoi elles doivent aspirer et elles peuvent aspirer.
08:07 Cela étant, quand je vois l'évolution générale des mœurs,
08:10 je me dis que l'ascension politique des femmes est non seulement souhaitable,
08:14 ce que je crois depuis très longtemps, mais inéluctable.
08:17 Et que j'attends avec impatience, que ce soit avant que je meure, une femme qui soit présidente.
08:23 On est d'accord. Moi aussi.
08:25 Une femme qui soit présidente, je suis d'accord.
08:27 Je m'en doutais, même si celle qui aujourd'hui en paraît le plus proche n'est pas forcément celle que je serais très ivoire.

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