Été 2023 : C’est parti pour la récolte du miel

Sud Radio

26/07/2023

Avec Philippe Becquet, président de l’association Miel des Haut-de-France et Henri Clément, secrétaire général et porte-parole / ancien
président Union National des Apiculteurs de France (UNAF)/

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##LE_PRODUIT_DE_L_ETE-2023-07-26##

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00:00 On parle évidemment des abeilles et donc du miel. Pourquoi est-ce qu'on en parle dans notre rendez-vous des produits de l'été ?

00:04 Eh bien parce que la récolte a commencé pour le miel. On va en parler avec Philippe Béquet qui est président de l'association Miel des Hauts-de-France.

00:12 Bonjour Philippe !

00:13 - Bonjour !

00:14 - Merci d'être avec nous. Et puis nous avons aussi Henri Clément qui est secrétaire général et porte-parole de l'Union Nationale des Apiculteurs de France.

00:21 Bonjour Henri !

00:22 - Bonjour !

00:24 - Alors on vous retrouve vous et d'ailleurs Henri sur la page Facebook de Sud Radio, puisqu'il y a beaucoup de nos invités qui apparaissent en visio maintenant.

00:32 Ça fait partie des nouveautés de cette dernière technologie depuis maintenant quelques années.

00:36 Alors j'annonce effectivement que la récolte a commencé dans certains endroits, puisqu'en fait les récoltes de miel commencent en gros l'été, au milieu de l'été, voire à la fin de l'été.

00:46 Philippe Béquet, vous en êtes où vous dans les Hauts-de-France ? Peut-être un peu tôt encore pour vous ?

00:50 - Non pas du tout, on en est quasiment à la fin. Les récoltes elles commencent plutôt vers le mois de mai, même dans les Hauts-de-France, donc avec le miel de printemps.

00:58 Et là on est sur la fin des récoltes de miel de châtaigniers, miel de tilleul, de picardie, et puis voilà il reste encore quelques-uns des collègues qui font un miel de luzerne.

01:09 Donc ça va durer encore un mois, mais sinon on en est vers la fin.

01:13 - Et du côté de la France en général, puisque vous faites partie de l'Union Nationale des Apiculteurs de France, monsieur le secrétaire général Henri,

01:20 Clément, là aussi les récoltes ont commencé un peu partout, voire se terminaient comme nous le disait Philippe ?

01:25 - C'est-à-dire que les récoltes se font selon les régions parfois très tôt.

01:31 Nous dans l'Aude par exemple, on récolte au mois d'avril, et sur le Romarin, ou sur le Thin, sur la Garigue, cette année ça n'a pas été très bon du tout parce qu'il y a eu beaucoup de sécheresse.

01:40 Nos collègues bretons récoltent le miel de colza aussi au mois de mai.

01:45 Vous voyez, on récolte finalement du printemps jusqu'à l'automne, et les derniers miels qu'on récolte dans le sud, ce sont les miels d'arbousier qu'on récolte fin novembre.

01:53 - D'accord, on le voit, le français aime quand même, enfin le français en général aime le miel.

01:58 40 000 tonnes de miel, ça correspond à peu près à 600 grammes par habitant et par an.

02:02 Le problème c'est qu'on ne consomme peut-être pas que du miel français, qu'en pensez-vous ?

02:07 - C'est-à-dire qu'en fait la production française a fortement chuté depuis 25-30 ans.

02:13 Avant on produisait 32-33 000 tonnes, et ces dernières années qui sont de plus en plus irrégulières,

02:18 en 2019 on a produit à peu près 20 000 tonnes, en 2020 on a produit environ 10 000 tonnes,

02:24 en 2022 on a produit 14-15 000 tonnes, et donc on importe plus de 30 000 tonnes qui viennent du monde entier.

02:32 - Alors ça c'est important de le préciser parce que ce miel qui vient du monde entier,

02:36 y a-t-il vraiment que du miel ? On avait vu qu'il y a eu quand même quelques affaires autour d'un faux miel fait à base de sucre seulement ?

02:44 - C'est-à-dire qu'au mois de mai la commission européenne a rendu un rapport sur la qualité des miels,

02:50 et il s'avère que 46% des miels qui sont importés en Europe ne correspondent pas aux critères des miels.

02:56 Ce sont des miels qui sont falsifiés, qui sont faits à partir de sucre avec des pollens, des miels artificiels,

03:03 et c'est une concurrence déloyale pour les apiculteurs, ce sont des miels qui arrivent à des prix en dessous des coûts de revient de nos miels,

03:12 et qui trompent le consommateur parce que ce ne sont pas des miels.

03:16 Le miel c'est toute une richesse avec bien sûr des sucres différents, des oligo-éléments, des flavonoïdes, etc.

03:24 Là c'est du sirop de sucre qu'on paye très cher et qui n'est pas du miel.

03:28 - Philippe Béquet, président de l'association Miel des Hautes-Frances, vous êtes vous-même apiculteur ?

03:32 - Oui, tout à fait, apiculteur professionnel.

03:34 - Par rapport à ce que vient de nous dire Henri Clément, vous qui êtes aux frontières, parce que les Hautes-Frances,

03:39 on est carrément sur la frontière du nord de l'Europe, vous avez aussi ces problématiques j'imagine de vente ou de produits illicites ?

03:46 - Oui, tout à fait, on est quand même confronté à des revendeurs, en fait on n'est pas très loin de la frontière,

03:53 et de plus en plus on voit plus de revendeurs de miel que de producteurs, donc ça devient un problème,

03:58 on parle clairement de concurrence déloyale, tout à fait, comme le disait M. Clément.

04:02 Et on voit ça de plus en plus, on voit de moins en moins d'installations de professionnels,

04:07 donc c'est quand même un métier très dur, très compliqué, la météo est capricieuse de cette pierre d'année en année,

04:13 mais on voit quand même de plus en plus d'étale de marchand de miel on va dire.

04:17 - Alors avant de parler de l'effet de la météo et des changements climatiques évidents,

04:22 et puis de ce qui se passe aussi pour les abeilles, on en parle souvent et c'est tant mieux,

04:26 comment nous consommateurs, lorsque par exemple moi je me promène dans les Hautes-Frances ou je vais à l'île souvent,

04:31 parce que c'est une de mes régions de cœur et j'ai beaucoup d'amis,

04:34 ou quand je vais dans l'Aude, que j'adore pour plein de raisons amicales et gourmandes, mais aussi pas que,

04:39 comment je fais pour découvrir que le miel que je vais acheter est un vrai miel fait par un apiculteur français ?

04:45 - Le plus simple c'est, en fait on peut même plus se dire que le miel sur les marchés en vente directe c'est bon,

04:53 parce qu'il y a aussi une étude de France Agrimaire il y a quelques années qui avait montré

04:57 que 42% des miels sur les marchés n'étaient plus tratables, donc ça voulait dire que 42% du miel pouvait venir de partout.

05:04 Donc en fait le mieux c'est de faire confiance à des logos, des IGP, des AOP.

05:10 Nous dans le nord de France on a un logo "Terroir des Hautes-Frances", donc on a un cahier des charges,

05:17 donc la production doit être certifiée des Hautes-Frances, des choses comme ça.

05:22 Et donc pour aller plus loin sur certains miels on peut aussi mettre des IGP, donc Indication Géographique Protégée.

05:28 Et donc là c'est pareil, il y a un cahier des charges et des contrôles qui vont avec.

05:30 Donc ça va être maintenant la seule façon de garantir la traçabilité d'un miel et la provenance géographique d'un miel.

05:36 - Quand il est marqué "miel de France" dessus, est-ce qu'on peut avoir confiance Henri Clément,

05:40 votre cadre secrétaire général et porte-parole de l'Union Nationale des Apiculteurs de France ?

05:44 - Nous on s'est beaucoup battu avec "Que choisir", l'association des consommateurs,

05:48 pour obtenir un étiquetage beaucoup plus rigoureux, parce qu'en fait jusqu'à l'an dernier,

05:54 les miels d'assemblage qui sont constitués par des conditionneurs et vendus en grande distribution,

06:00 qui sont quand même la grande masse de miel vendu en France,

06:03 ces miels ont été étiquetés, issus de mélanges intra et extra communautaires.

06:09 Ce qui veut dire, quand je répondais aux journalistes, ça vient de la planète Terre,

06:13 ça vient pas de la Lune ou de Mars, mais d'où ça vient on n'en sait rien.

06:16 Et grâce au combat que nous avons mené avec le soutien des élus, le soutien des consommateurs,

06:21 désormais sur les étiquettes doivent être indiquées les pays,

06:25 les origines des miels qui composent ces miels d'assemblage.

06:29 Et on voit des choses surréalistes.

06:31 Moi j'ai récemment vu à Narbonne, puisque vous parliez de Narbonne,

06:34 une promotion sur des miels à 4,80€ en pot vert le kilo, origine 6 pays.

06:40 - 4,80€ le kilo ?

06:42 - Oui, 4,80€ le kilo, vendu par 3 kilos, et 6 pays d'origine, 3 continents.

06:49 C'est-à-dire il y avait de l'Ukraine, du Moldave, du Chilien, de l'Hongrois, de l'Italien,

06:56 et un peu de français dessus pour faire local.

06:59 - 4,80€, là où quand on va chez l'apiculteur, on est plus autour de 14€ ?

07:04 - Non mais 4,80€, ma chère dame, c'est en dessous du coût de revient du miel.

07:07 - Mais c'est ça ! Ce que je voulais dire, c'est quand je vais chez mon apiculteur,

07:11 j'ai la chance d'avoir un apiculteur dans ma ville, donc je vais chercher mon miel chez lui,

07:14 il le vend à 14€ le kilo, donc 4,80€, moi ça me fait hurler tout de suite,

07:18 je me dis "mais c'est pas possible, ça n'existe pas, on est en train de m'arnaquer,

07:20 vous voyez ce que je veux dire ?"

07:22 - C'est pour ça, pour compléter ce que vous dites, il faut dire à nos consommateurs

07:27 que quand ils veulent du miel de qualité, il faut aussi en payer le prix.

07:31 Et quand on voit des miels qui sont à moins de 5, 6, 7€ le kilo,

07:34 c'est évident qu'il y a un guillot sur roche, ce ne sont pas des vrais miels.

07:38 - Et bien, puisqu'on parle des prix tous les deux, on va mettre les pieds dans le plat

07:42 ou dans le porte-monnaie, Philippe Béquet, vous qui êtes président de l'association

07:46 Miel des Hauts-de-France, Henri Clément, secrétaire général et porte-parole

07:49 de l'Union Nationale des Apiculteurs de France, le prix minimum, vous l'avez dit,

07:52 7-8€, mais au-delà de combien je paye quand même trop cher du miel,

07:57 même s'il est français ? Parce qu'on voit un petit peu tout et n'importe quoi côté prix.

08:00 - Ah ! Silence !

08:05 - C'est une question très particulière, parce qu'on parlait de coût de revient,

08:09 chaque exploitant, chaque exploitation a son propre coût de revient,

08:12 selon son état de charge.

08:16 - Vous, vous le vendez combien, Philippe, le vôtre ?

08:19 - Nous, on va aller au maximum dans les France, de ce que j'ai vu,

08:23 c'est 20€ le kilo au maximum, ça dépend les miels.

08:26 - D'accord, jusqu'à 20€ le kilo. Et vous, Henri Clément ?

08:30 - Oui, mais je partage, c'est-à-dire que les miels, entre 18 et 20€ le kilo,

08:34 c'est en fonction du conditionnement, c'est-à-dire des pots de 350, 500, etc.

08:39 Si on les ramène au kilo, autour de 20€ le kilo, c'est le tarif normal.

08:43 - Très bien. Maintenant, parlons de la météo et des conséquences sur les abeilles.

08:46 On a eu toute cette réalité des abeilles qui mouraient à cause des traitements.

08:50 On en est où aujourd'hui ? Et le climat a dû changer, changer la donne aussi.

08:55 Je ne sais pas, c'est peut-être juste une sensation, mais cet été-là,

08:57 jusqu'à ce qu'il commence à pleuvoir sur la partie nord,

09:00 où on était quand même très en sécheresse,

09:01 je voyais des abeilles "tomber" sur ma terrasse, j'exagère le très exceptionnellement.

09:06 Est-ce que le manque d'eau les a tuées aussi, cette année ?

09:10 - C'est-à-dire qu'en fait, si vous préférez, les abeilles qui sont sur Terre

09:15 depuis 80 millions d'années, bien avant l'être humain,

09:17 elles sont aujourd'hui confrontées à des difficultés multiples et extrêmement graves.

09:22 Il y a bien sûr les pesticides qui sont la première des causes,

09:25 il y a le varroa, il y a le fronlon asiatique,

09:28 et il y a aussi, et pour moi qui suis maintenant un apiculteur en fin de carrière,

09:32 le plus grand défi, c'est l'adaptation au bouleversement climatique.

09:36 C'est-à-dire que nous, dans le sud, qui sommes une grande région de production de miel,

09:39 comme le pourtour méditerranéen,

09:41 on est confronté à des canicules, à des sécheresses, à des gelées tardives

09:45 qui sont extrêmement préjudiciables à la production de miel.

09:48 Et chez nous, ça devient compliqué d'être apiculteur professionnel

09:52 en raison de ces récoltes qui sont de plus en plus capricieuses,

09:55 imprévisibles et difficiles.

09:58 - Mais est-ce que du coup, Philippe Béquet, vous qui êtes dans les Hauts-de-France

10:01 et qui êtes aussi touché maintenant par ce changement climatique,

10:05 vous voyez l'effet sur les abeilles et quel est-il ?

10:08 - Clairement, nous on passe...

10:10 C'est peut-être moins violent que ce qu'on peut voir dans le sud de la France,

10:13 mais des gelées tardives, des sécheresses, on en a aussi.

10:17 Après, on a la chance que cette année, nous, on n'a pas eu de grosses grosses températures,

10:20 donc on le voit vraiment, c'est clairement,

10:23 on passe d'une excellente année à une année absolument médiocre.

10:27 Donc c'est des phénomènes assez extrêmes.

10:32 Donc on passe du pire au meilleur.

10:35 - Mais l'abeille peut mourir de ce changement climatique, de la sécheresse ou de la canicule ?

10:40 - De la canicule, de la sécheresse, oui, en manque d'eau.

10:44 Après, on a quand même l'avantage, le Nord de France,

10:46 on a quand même de l'eau assez partout, on est assez marécageux.

10:49 Non mais on a beaucoup de marées.

10:51 - Vous avez des moustiques aussi, on n'en parle pas assez,

10:53 mais l'île qui est une ville mêlée à des marécages, il y en a du moustique.

10:56 - Il y a du moustique, mais ça veut dire qu'il y a de l'eau à côté,

10:59 donc c'est une chance aussi, les abeilles peuvent s'abreuver quand même assez facilement.

11:02 Donc on n'est pas aussi extrêmes que dans le sud,

11:06 on n'a pas d'aridité comme dans le sud,

11:09 ça peut être une année exceptionnelle, comme l'année dernière,

11:11 où vraiment les pelouses sont grillées ou des choses comme ça,

11:14 mais cette année, ce n'est pas du tout le cas.

11:16 Donc non, on est à l'extrême, mais moins marqué que le sud de la France.

11:22 - Pour conclure tous les deux, la récolte 2023, elle va être comment ?

11:25 Elle est plutôt bien commencée, vous me l'avez dit, elle est belle ?

11:27 - C'est trop tôt pour pouvoir faire un bilan.

11:32 Il semblerait, avec les échos que nous avons sur les différentes millées,

11:37 qu'elles soient moyennes à médiocres,

11:39 médiocres à moyennes, dans l'ensemble, en tout cas dans le sud.

11:42 Et comme le disait mon collègue, effectivement,

11:44 le sud maintenant, c'est de plus en plus compliqué,

11:47 le nord, c'est quand même beaucoup plus favorable.

11:49 En général, on l'a vu l'an dernier, où la coupure entre les deux était extrêmement claire,

11:53 le sud n'avait quasiment pas produit ou très peu,

11:55 et le nord avait compensé par de belles récoltes en 2022.

11:59 - Super, merci.

12:00 - Je vais complémenter sur ça, encore cette année,

12:03 nous ce ne sera pas de médiocre à moyen, ce sera plutôt de moyen à excellent,

12:06 en particulier sur le miel de tigelle de Picarny,

12:09 qui a produit vraiment en quantité et en qualité cette année.

12:14 - Super génial, vive le miel des Hauts-de-France,

12:16 vive le miel de France et de l'Aude aussi,

12:18 mais alors du coup cette année, on ira plus manger celui des Hauts-de-France.

12:21 Je vous taquine, Henri Clément.

12:23 On s'appelle Sud Radio, on parle de toutes les régions de France,

12:25 merci Henri Clément, secrétaire général et porte-parole

12:28 de l'Union Nationale des Apiculteurs de France.

12:31 Merci à Philippe Béquet, président de l'association Miel des Hauts-de-France,

12:35 et je conclurai par ce message qui est arrivé

12:37 sur la page Facebook de Sud Radio de HJC,

12:40 qui nous dit "Tout vrai produit se perd à sa juste valeur,

12:44 c'est comme l'or et le plaqué or, ceux-là,

12:46 l'apparence de l'or mais ce n'est pas de l'or,

12:48 donc oui, achetez du miel français et privilégiez vos apiculteurs."

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