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[Un témoignage inédit au micro de Jacques Vendroux pour Europe 1] Yannick Noah n’a que deux ans lorsque sa famille quitte Sedan, dans les Ardennes, pour s’installer en Afrique, au Cameroun. Ce déménagement, ce "retour au pays", c’est la conséquence de graves blessures qui s’accumulent pour Zacharie Noah, le père de Yannick Noah. Il finit par mettre un terme à sa carrière de footballeur professionnel et décide de retourner vivre sur sa terre natale avec son épouse et son fils. Le petit village d’Etoudi, près de Yaoundé, la capitale du Cameroun, est très éloigné de la banlieue de Charleville : l’Alfa Roméo de la famille Noah ne fait pas long feu sur les routes de la région, la terre rouge de l’Afrique laisse des traces sur les murs de la maison lorsque le petit Noah y envoie des balles... Tout est encore à construire. Dans l’épisode 1 de “Yannick Noah, entre vous et moi”, le dernier vainqueur français de Roland-Garros raconte ses souvenirs d’enfance, le village de sa famille au Cameroun et ses premiers rêves de tennis.

Pour les 40 ans de la victoire de Yannick Noah à Roland-Garros, Europe 1, radio officielle du tournoi, s’est rendue au Cameroun pour rencontrer la légende du tennis français. Il a accepté de se confier comme jamais auparavant sur ses rêves d’enfant, ses souvenirs de champion et sa nouvelle vie en Afrique au cours d’un entretien exceptionnel au micro de Jacques Vendroux.

Sujets abordés : Yannick Noah - enfance à Etoudi au Cameroun - Sedan - Ardennes - Roland-Garros - jeunesse - enfance - déménagement en Afrique - tennis - tennisman - témoignage - récit
Retrouvez "Yannick Noah, entre vous et moi" sur : http://www.europe1.fr/emissions/podcast-yannick-noah

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Transcription
00:00 Quand je suis arrivé ici, je n'ai pas de souvenirs, j'étais môme, j'avais deux ans.
00:05 Donc forcément, les souvenirs que j'ai sont des souvenirs qui sont des souvenirs en pointillés.
00:10 Je me souviens de mes parents, je me souviens du fait que tout d'un coup on a déménagé ici en Brousse.
00:25 Salut à tous, là nous sommes à Etoudi, qui est le cœur du village, dans le lieu dit village Noah.
00:35 Yannick Noah est né à Sedan en 1960 d'un père footballeur et d'une mère institutrice et fan de basket.
00:44 En 1962, la famille s'installe au Cameroun.
00:48 Bienvenue dans le podcast Yannick Noah, entre vous et moi.
00:53 Une saga exceptionnelle en dix épisodes.
00:58 Épisode 1, mes racines africaines.
01:01 Papa ne voulait pas venir en Brousse parce que quand tu es africain à l'époque et encore ici,
01:11 l'objectif c'est de partir en Europe ou à l'étranger pour pouvoir faire ta vie et puis renvoyer de l'argent à la famille.
01:19 Et pour papa, le retour ici avec ses blessures, ses doubles fractures, à la fois jambe droite, jambe gauche et ensuite bassin,
01:31 revenir à 26 ans ici, habiter en ville c'était quand même pas mal, mais revenir au village c'était un peu la loose.
01:42 Mais maman adorait justement, maman trouvait que c'était merveilleux de pouvoir vivre tout d'un coup,
01:49 tant qu'à faire venir en Afrique avec son chéri Camerounais, autant aller jusqu'au bout.
01:55 Et maman adorait cet endroit.
01:57 Et on a construit cette maison et je me souviens des discussions de papa et maman à la maison,
02:04 en disant "Oh là là, mais il va falloir qu'on prenne un crédit".
02:08 Parce que la maison coûtait à l'époque 1,1 million, c'est-à-dire 1,6 millions d'euros.
02:13 C'était un budget improbable.
02:18 Donc en fait on a construit cette maison dans le village ici, et bien sûr pendant 5-6 ans on n'avait pas d'électricité.
02:26 Donc on allait chercher, on allait épuiser l'eau dans la rivière, à l'époque on pouvait boire l'eau des rivières,
02:30 donc on allait chercher l'eau de la rivière, on n'avait pas d'électricité.
02:34 On s'éclairait à la lampe à pétrole.
02:37 Et maman trouvait ça merveilleux.
02:39 Et en fait, avec le temps, papa a apprécié ça, et du coup, papa est devenu dingue de cet endroit.
02:47 Et en fait c'est marrant la vie.
02:49 Il a fallu que ce soit la Française blanche qui donne le goût du pays à son Camerounais.
02:54 Et voilà, c'est la chance de ce métissage qui fait que du coup les uns et les autres,
03:00 ils se sont appréciés d'amour, et cet amour a fait que papa a adoré cet endroit,
03:06 et c'est pour ça qu'aujourd'hui on se retrouve ici.
03:09 Le village, c'est là que quasiment née papa, c'est là que la famille Noah a grandi,
03:24 du côté de mon grand-père, papa Tara.
03:28 Et c'était le village, c'était le village autour de la maison du notable qui était papa Tara, Simon Noah.
03:34 Et là on est en espèce d'oasis au milieu de la ville.
03:41 Voilà, c'était un peu la volonté du grand-père, du patriarche, et de mon papa par la suite, papa,
03:49 c'était de conserver cet endroit.
03:52 Et c'était une très bonne idée.
03:54 Et voilà, il y a de la nature, on est au milieu presque d'un ghetto,
04:02 tant bien même on a une vue incroyable sur toutes les différentes collines de Yaoundé,
04:07 parce que Yaoundé c'est une ville où on est à 800 mètres d'altitude,
04:10 donc il y a des collines, et là on est en haut d'une colline.
04:13 Et donc de là où on parle, on a la vue sur, à ma droite, le palais présidentiel,
04:19 les différentes collines, le Mont Fébé, toutes les collines.
04:22 Et puis au loin, la ville, toute la ville qui nous entoure et qu'on voit jusqu'à perte de vue,
04:28 mais dans un oasis de verdure, de nature, cher à papa,
04:33 parce que quasiment tous les arbres qui ont été plantés là dans l'endroit,
04:38 c'est papa qui a planté tout ça.
04:41 Donc ils sont tous là quand même, ils sont tous présents dans ce projet.
04:48 J'ai des souvenirs, bien sûr j'ai des souvenirs.
04:51 Papa avait investi dans une Alfa Romeo,
04:56 et l'Alfa Romeo ici, elle a duré, elle a tenu deux semaines avec les routes, avec les trous, les pistes.
05:04 Donc c'était, je me souviens de papa qui était obligé de se séparer de son Alfa Romeo.
05:10 Je me souviens de maman qui allait jouer au basket,
05:12 après avoir donné des cours de français.
05:14 Et puis maman a monté une équipe de basket,
05:19 puisqu'elles étaient une dizaine de filles,
05:21 elle s'est dit on va faire une équipe.
05:23 Et je me souviens que comme il n'y a forcément pas de bureau,
05:26 là le bureau, le clubhouse, les vestiaires c'était à la maison.
05:30 Donc les filles venaient à la maison, et ce sont des souvenirs que j'ai.
05:33 Et je me souviens d'un voyage, c'était le premier voyage que j'ai fait,
05:37 l'équipe nationale féminine, ils avaient joué la coupe des tropiques.
05:40 Donc c'était des équipes, c'était huit équipes de l'Afrique de l'Ouest.
05:45 Et le Cameroun avait gagné, donc maman était championne de la coupe des tropiques.
05:50 D'où voilà ce lien avec le basket,
05:54 aujourd'hui où l'équipe, même notre équipe du club s'appelle l'équipe Marie-Claire Noire.
06:00 Donc c'est voilà, c'est des souvenirs de l'époque,
06:03 et je dois avoir, là quand je te parle de ces souvenirs-là, j'avais cinq, six ans.
06:08 Papa avait été un bon joueur de football,
06:22 j'ai découvert ça très très tard.
06:24 On me posait des questions en me disant,
06:26 "Ah donc toi tu veux être joueur de tennis,
06:28 mais pourquoi t'as pas joué au foot ?"
06:30 Parce que ton père était joueur de foot.
06:32 Et là tout d'un coup je me suis rappelé qu'effectivement à la maison,
06:34 il y avait la coupe de France au salon,
06:38 qu'il y avait des photos de papa à Sedan,
06:41 et là tout d'un coup ça résonnait en moi, ça a eu un sens.
06:45 Là j'ai réalisé que oui, c'est à Sedan qu'ils se sont rencontrés,
06:49 c'est grâce au foot que papa a rencontré maman.
06:52 Et donc, je me suis dit,
06:54 c'est grâce au foot que papa a rencontré maman.
06:57 Et donc, à travers le foot, je suis né grâce à la carrière que papa a eue à Sedan.
07:06 On allait en vacances avec Lemond dans la banlieue de Charleville.
07:11 Mais nous on était enfants, nous on rêvait, gamin.
07:15 Nous, arriver du Cameroun, il nous fait chaud tout le temps,
07:18 tout d'un coup il faisait froid,
07:20 on devait mettre un blouson, c'était la fête.
07:23 Les fraises des bois, les groseilles à macro,
07:28 faire des cabanes de fougères,
07:30 c'était pour nous le paradis, les Ardennes c'était le paradis.
07:35 Et c'est encore le paradis,
07:37 parce qu'il y a des lieux comme ça en France, avec le temps,
07:40 je me dis des lieux méconnus.
07:42 Je ne sais pas, la Meuse c'est merveilleux,
07:44 les Ardennes, que ce soit les Ardennes,
07:46 ben Française forcément, Belge évidemment,
07:48 mais c'est merveilleux.
07:50 Ma grand-mère que je n'ai jamais connue est Belge,
08:00 j'ai découvert ça assez récemment,
08:02 donc j'ai du sang Belge aussi,
08:06 mais tout ça du côté des Ardennes,
08:08 donc ça crée un lien comme ça.
08:10 Et c'est vrai que la Meuse, je la vois différemment.
08:13 Je ne te parle pas de la bière de la Meuse,
08:15 bien sûr que j'adore, qui est la meilleure du monde.
08:18 Je me suis jamais dit dans mon enfance,
08:28 oh là là c'est formidable, mon papa est black,
08:30 maman est blanche, je suis né comme ça,
08:33 je suis né dans un environnement,
08:35 on était en famille avec mes soeurs,
08:37 on était toujours ensemble,
08:39 tout ce qui nous arrivait était naturel.
08:42 On vivait ici le temps de l'année scolaire,
08:47 maman était au rythme de l'année scolaire
08:49 puisque maman était prof de français,
08:52 et puis on partait en France passer des vacances.
08:56 Donc pour moi tout ça était naturel,
08:58 parce que tant bien même il y aurait eu des situations
09:01 positives ou négatives,
09:04 mes parents avaient déjà préparé le terrain,
09:08 c'est-à-dire que oui, quand maman est arrivée ici,
09:11 mon grand-père, la famille,
09:13 oh là là tu nous ramènes une blanche,
09:16 il y avait une petite tension,
09:19 mes mamans étaient enceintes,
09:21 et quand je suis né, j'étais un garçon,
09:24 donc j'étais le premier Noah de ma génération,
09:26 et là ça a tout bouleversé.
09:29 Je dois dire aussi que ma grand-mère,
09:31 ma mangon, elle a accepté maman dès la première seconde,
09:36 c'est-à-dire que maman avait un appui avec ma grand-mère,
09:40 et du coup ça l'a beaucoup aidé.
09:42 Mais le jour où maman a couché Dianick,
09:45 un garçon, alors là tout d'un coup tout le monde était d'accord,
09:48 et donc j'ai pris le deuxième nom de mon grand-père,
09:52 donc Simon comme mon grand-père,
09:54 et là tout d'un coup, voilà, tout ça a été accepté.
09:58 Mais moi j'ai vécu ce métissage de manière naturelle
10:03 avec forcément pas mal d'humour.
10:13 J'avais la chance d'avoir ma chambre.
10:15 Mes sœurs avaient une chambre à deux,
10:17 et moi j'avais une chambre, c'était une maison comme ça en long,
10:20 et ma chambre était au bout de la maison.
10:23 Maintenant cette chambre c'est une classe dans l'école.
10:27 Mais ma chambre c'était...
10:30 Je me souviens que j'avais
10:33 des photos déchirées de tennis de France,
10:38 de joueurs de tennis.
10:42 Et que autour de mon lit,
10:44 parce qu'il y avait un endroit, il n'y avait pas de fenêtre,
10:46 et là, je jouais au tennis, je faisais du mur,
10:50 même dans ma chambre, je faisais des volets.
10:52 Le seul problème, donc ça m'a coûté quelques raclées,
10:56 enfin une en fait, et j'ai arrêté après,
10:59 parce qu'en fait ici, la terre est rouge,
11:02 et quand tu as une balle avec la terre rouge,
11:06 sur des murs blancs, tu imagines bien
11:09 qu'il y avait des traces, et ça, ça n'a pas vraiment plu à mes parents.
11:13 Parce qu'une fois ils ont fait la peinture,
11:15 j'ai attendu un petit moment après ma première rouste,
11:18 et la deuxième, parce que c'était plus fort que moi,
11:21 je me disais peut-être avec une balle plus propre,
11:23 et puis forcément à un moment il y avait encore des traces.
11:26 Donc ma chambre c'était ça, il y avait des traces de balles,
11:29 des posters, jusqu'au moment où il y a eu le "Mon poster" d'Arthur H.
11:34 en 1971 quand j'avais 11 ans.
11:36 [Musique]
11:40 Vous venez d'écouter Yannick Noah "Entre vous et moi".
11:44 Un témoignage exceptionnel recueilli par Jacques Vandrou au Cameroun pour Europe 1.
11:49 Dans l'épisode suivant...
11:51 Et là je commence à taper, je joue avec Arthur H.
11:54 Une balle, deux balles, il me fait 3-4 coups droits,
11:58 et puis il met une balle sur le revers,
12:00 puis je tape le revers, et puis à un moment il fait une balle courte,
12:03 je monte au filet, il me donne la balle,
12:05 et puis je fais le point, et puis...
12:07 Et là il y a une espèce d'effervescence, des cris...
12:11 "Eh, notre petit, notre petit !"
12:13 Et Arthur il est...
12:15 [Musique]
12:17 Il est heureux !
12:18 Yannick Noah "Entre vous et moi".
12:20 "Entre vous et moi !"
12:22 Production Europe 1 Studio, Sébastien Guyot.
12:25 Réalisation et direction artistique, Xavier Joli.
12:28 Pour découvrir la suite, vous pouvez vous abonner gratuitement,
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12:35 [Musique]
12:38 [Musique]

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