Le député LFI du Val d'Oise est l'auteur de "Noir français, des quartiers à l'Assemblée".
Regardez L'invité de RTL du 11 mai 2023 avec Amandine Bégot.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 RTL il est 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine vous recevez donc ce matin le député
00:12 France Insoumise du Val d'Oise Carlos Martins Bilongo. Carlos Martins Bilongo vous êtes l'un des plus jeunes députés de cette assemblée puisque vous avez
00:20 32 ans. Le grand public vous a découvert le 3 novembre dernier quand vous avez été prise à partie
00:26 interrompu en pleine séance alors même que vous posiez une question au gouvernement
00:30 interrompue par le député Eren Grégoire de Fournace et ses propos racistes. Alors bien sûr votre carrière et votre parcours
00:36 ne se résume pas qu'à ça mais vous commencez ce livre "Noir français"
00:40 par cet épisode et par une mise au point. Vous dites l'avoir clairement entendu dire ce jour là "Retourne en Afrique".
00:47 Aucun doute pour vous ? Aucun doute c'est bien ça et
00:50 je voulais commencer par ça parce que c'est cet épisode qui m'a fait connaître du grand public
00:56 mais ensuite rentrer
00:58 dans ma vie de tous les jours et
01:01 faire connaître mon parcours au français parce que après cet épisode il y a eu
01:06 différents récits sur ma vie et j'ai pris le temps de
01:10 garder le silence sur différents points et ensuite parce que je m'étais déjà...
01:14 j'avais commencé l'écriture de ce bouquin depuis le mois de septembre
01:17 et je voulais revenir en long en large en travers sur le fait d'arriver à l'Assemblée Nationale et d'avoir ce changement de classe sociale aussi.
01:26 On a beaucoup parlé de vous, on vous a très peu entendu, merci de prendre la parole ce matin sur RTL.
01:31 Il assure Grégoire de Fournasse d'avoir dit "Kill, retourne en Afrique" et que ça s'adressait aux réfugiés de l'Océan Viking.
01:37 Ça vous agace ce débat sur ces propos ? Vous dites sur la grammaire d'une insulte ?
01:41 C'est ça en fait, on a resté beaucoup sur la sémantique de savoir "kill" ou "kill"
01:46 au plutôriel ou au singulier et on a oublié même les personnes qui étaient sur ce bateau là.
01:51 C'était juste savoir alors le propos c'est direct au mot député ou c'est pas au député, c'est aux migrants...
01:56 Je sais pas en fait, on parle de vie humaine.
02:00 Qu'est-ce que vous avez ressenti quand vous avez entendu ces mots ?
02:03 En fait j'ai senti ça c'était
02:04 comme si le monde était déshumanisé
02:07 parce que cette question là avant de la poser
02:09 j'étais en lien avec le plaidoyer de l'ONG en question, SOS Méditerranée,
02:14 et on échangeait par mail à chaque fois sur la situation et j'avais pu ressentir tous les éléments
02:20 profonds parce que ces personnes qui sont
02:23 en pleine mer, ils sont issus de différents pays.
02:29 Certains venaient du Pakistan, du Bangladesh, d'Afrique,
02:31 certains étaient passés par la Libye et étaient mis en esclavage en Libye, violés, torturés.
02:35 On sait qu'ils sont sur un bateau et on vit avec cette urgence là.
02:39 Mais vous Carlos Martins Bilongo, c'est la première fois ce jour là que vous prenez la parole à l'Assemblée,
02:43 première fois en question au gouvernement, toute première fois.
02:46 C'est pas anodin, vous avez 32 ans, c'est impressionnant.
02:50 Et vous le racontez dans votre livre, en fond vous étiez bègue.
02:53 Parler en public pour vous c'est pas anodin.
02:56 J'imagine qu'en plus, entendre ces propos là,
02:58 vraiment qu'est-ce que vous avez ressenti ?
03:01 Vous décrivez ce député Massali.
03:03 Parce que en fond j'étais bègue et je l'ai vécu difficilement parce que j'ai redubé le CP.
03:10 Pour les enseignants, ils trouvaient que je ne participais pas assez en cours.
03:17 Et ma maman me disait "mais je ne comprends pas, à la maison tu parles".
03:20 Et en fait, arrivé à l'école, j'étais bridé parce que j'avais peur de bégayer, j'avais peur de rater.
03:26 Donc j'étais assez muet.
03:29 Et quand il m'a dit cette phrase là,
03:32 j'ai senti que ça me renvoyait à mon expérience à l'école
03:37 où j'ai dû rester silencieux, soit par rapport à des moqueries ou autre.
03:44 Mais ça m'a renvoyé à ça directement, à mon enfance, à ce que j'ai subi.
03:47 - Alors il a été sanctionné par le bureau de l'Assemblée, la plus lourde sanction possible,
03:50 à une exclusion de 15 jours et la privation de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois.
03:55 Dérisoire et ridicule, écrivez-vous.
03:57 - Bah oui.
03:59 Une fois que vous avez purgé les 15 jours, vous êtes de retour avec un grand sourire.
04:03 Et voilà, roulez jeunesse.
04:05 - Vous, jamais vous n'oublierez ce moment-là ?
04:07 - Jamais.
04:08 Aujourd'hui c'est marqué à vie, malheureusement.
04:10 Certains me connaissent pour ça, pourtant j'avais commencé des travaux parlementaires
04:14 avant cet épisode, des travaux importants.
04:17 Et aujourd'hui, voilà, c'est pour ça que je suis connu.
04:20 C'est un événement malheureux, mais qui a mis en lumière d'autres choses.
04:26 Et voilà, aujourd'hui c'est ça.
04:27 - Vous pensez que la France est un pays raciste ?
04:29 - Non.
04:30 Je suis conscient que non, parce qu'après cet épisode-là,
04:35 j'ai reçu énormément de soutien.
04:37 Ça prouve que non.
04:39 Mais malheureusement, il y a une partie des personnes qui sont racistes
04:43 et qui sont très voyantes, très bruyantes.
04:47 - Vous allez peut-être me trouver extrêmement naïve,
04:49 ou complètement à côté de la plaque,
04:51 mais j'ai été choquée hier en lisant certains commentaires
04:54 sous le message que vous avez publié sur Twitter
04:56 pour annoncer justement la sortie de ce livre.
04:58 Je vais en lire un, juste pour que les auditeurs se rendent compte de la violence de ces propos.
05:03 Il y a quelqu'un qui a écrit "Qui est le nègre qui a écrit ce livre ?"
05:06 En 2023 en France ?
05:08 Moi ça m'hallucine, je vous le dis très franchement.
05:12 - C'est votre quotidien ?
05:13 - C'est mon quotidien.
05:14 Sur chacun de mes posts, je me fais insulter.
05:16 On me dit "retourne chez toi" ou autre.
05:18 Et même dès l'heure où je fais un tweet, où je dois mentionner
05:23 un ami ou un autre député ou une autre députée,
05:28 j'hésite.
05:29 Récemment, j'ai mis ma suppléante,
05:31 j'étais à Montmorency, et j'ai tweeté.
05:33 Et ma suppléante m'a dit "s'il te plaît,
05:35 bloque les commentaires" parce que je me fais...
05:38 C'est trop.
05:39 Et on se faisait insulter, etc.
05:42 Mais moi vraiment, j'ai l'habitude.
05:43 - Mais vous n'êtes pas un sous-député ?
05:45 - Malheureusement pour eux, ils pensent qu'ils vont m'atteindre en faisant ça.
05:52 Mais avec les semaines et les mois que j'ai vécu,
05:56 je pense que maintenant je suis vacciné.
05:58 Et j'ai compris que quand vous êtes là,
06:01 c'est ce qui leur fait mal.
06:03 Ils veulent vous mettre au silence.
06:04 Et quand vous parlez, encore une fois...
06:07 - Ce jour-là, vous le racontez dans le livre,
06:09 vous pensez d'abord à votre maman, Georgette.
06:11 Elle nous a élevés, dites-vous, avec mes soeurs, mon frère et moi,
06:13 en nous inculquant le sens de l'effort, du travail,
06:15 et surtout le respect de l'autre, avec la foi chrétienne qui était la sienne.
06:18 Heureusement, ajoutez-vous, qu'elle n'a pas entendu ces mots.
06:22 Votre maman, vous lui rendez justement un très très bel hommage dans ce livre.
06:26 Vous dites que c'est grâce à elle que vous êtes ce que vous êtes aujourd'hui,
06:29 que le petit gamin, N'Vidie Le Bel, est devenu député.
06:32 Tout ce qu'elle vous a appris, inculqué,
06:34 qui a été très présente, qui a tout donné à ses enfants,
06:36 qui travaillait beaucoup, et qui a aussi beaucoup souffert,
06:39 puisque pendant des années, elle a été battue par votre père.
06:42 Vous partiez à l'école, écrivez-vous, la peur au ventre.
06:45 Je redoutais de ne pas revoir ma mère le soir.
06:48 Ça aussi, ça fait partie de vos combats en tant que député aujourd'hui ?
06:51 - Bien entendu. Vous savez, c'est une très grosse difficulté
06:55 de vivre dans un foyer où il y a de la violence.
06:58 Et quand on est enfant, en fait, cet épisode-là,
07:01 de sortir, de ne pas être sûr, de revoir sa maman,
07:04 ou de rentrer parfois et de la voir gonfler,
07:07 c'est horrible. C'est vraiment horrible.
07:10 Et je sais que la violence, elle est sociétale,
07:13 qu'elle est dans différents foyers.
07:15 Moi, ma permanence parlementaire, elle est ouverte.
07:17 Je reçois parfois des enfants, je reçois des mamans.
07:20 Et aujourd'hui, malheureusement, l'État n'a pas de réponse dans l'urgence.
07:24 Moi, je connais des femmes qui nous font des témoignages
07:27 où elles doivent rester pour le foyer,
07:30 parce qu'il n'y a pas de logement d'urgence.
07:32 Et comme en France, on en manque de logements,
07:33 ces femmes restent dans le foyer,
07:35 et elles sont en difficulté, et elles sont aussi au risque de tout.
07:39 Elles peuvent partir, on ne sait jamais,
07:41 en un mauvais coup ou autre, et c'est fini.
07:43 Et ces pères, ces enfants aussi, ils restent blessés à vie.
07:46 Et il n'y a pas de thérapie, il n'y a pas de suivi psychologique pour les enfants.
07:49 - J'imagine que dans ce contexte, vous avez vécu l'affaire Katniss
07:53 d'une façon particulière ?
07:55 - Dans le sens où on parlait très peu
07:59 de sa femme, très peu de l'enfant,
08:02 et beaucoup du statut et de la démission.
08:06 Et j'avais rencontré moi, une journaliste RTL,
08:09 au mois de septembre, où j'évoquais le sujet de mon bouquin.
08:12 Et c'était ça, en fait, je parlais de mon vécu,
08:15 je dis "moi, je suis enfant de femmes battues,
08:18 et on n'a pas de suivi psychologique, on ne parle jamais de nous".
08:22 - Je ne veux pas polémiquer Carlos Martins Bilongo,
08:26 mais est-ce que ça vous semble normal,
08:29 quand on sait ce que vous avez vécu, qu'un député,
08:32 aujourd'hui, puisse encore siéger après avoir été condamné pour violences conjugales ?
08:35 Il n'y a pas de polémique derrière ça,
08:38 mais vous, vous avez vécu ça ?
08:40 - En fait, ce n'est pas le poste, parce que même moi, aujourd'hui,
08:43 mon père,
08:46 je l'aime quand même, c'est mon père.
08:50 Et je pense qu'il doit avoir quand même
08:54 une graduation aussi de la violence.
08:57 Moi, vraiment, sur mes petits épisodes personnels que j'ai vécus,
09:00 c'était vraiment très violent, et je l'évoque dans mon bouquin.
09:03 Donc, à titre de comparaison, je ne peux pas mettre ça sur le même...
09:06 - Enfin, il n'y a pas de petite violence, en la matière ?
09:08 - Bien sûr, mais vraiment, si vous avez lu,
09:11 il y a quand même un épisode qui est très grave, où ma mère a failli mourir sur le bord de la route.
09:15 - Elle a sauté de la voiture pour échapper à votre papa.
09:19 Merci beaucoup, en tout cas, Carlos Martins Bilongo.
09:21 On n'a pas pu parler de tous les sujets de ce livre noir français,
09:24 mais franchement, lisez-le, c'est publié aux éditions Philippe Ray.
09:27 Ça sort aujourd'hui, vous évoquez votre parcours, un parcours vraiment...
09:31 [SILENCE]