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Alice Zeniter : "On voulait raconter les possibilités de faire face à un avenir bouché"
France Inter
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17/04/2023
Alice Zeniter, romancière, scénariste et metteuse en scène, est l'invitée de 7h50 pour son premier film, Avant l’effondrement. Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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Il est 7h48, Léa Salamé, votre invitée ce matin est écrivaine et désormais réalisatrice.
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Absolument, bonjour Alizé Nitter.
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Bonjour.
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Merci d'être avec nous ce matin.
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Les auditeurs vous connaissent bien, vous aviez reçu le prix du livre Inter en 2013,
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il y a 10 ans, tout juste pour « Sombre dimanche », puis le prix Goncourt des lycéens pour
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« L'art de perdre » qui a été un best-seller.
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On vous connaît aussi pour vos prises de position engagées dans le débat public.
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Mais là, on vous découvre réalisatrice.
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Avant l'effondrement, votre tout premier film, co-réalisé avec Benoît Volnaise,
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sort mercredi prochain, avec comme personnage principal, présent dans presque tous les
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plans, Nils Schneider, stupéfiant, troublant, en jeune directeur de campagne d'une candidate
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aux législatives, qui se débat entre son ambition et ses angoisses personnelles.
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Le film, votre film, est très ancré dans l'actualité.
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Il y est question d'angoisse écologique, de révolution, de lutte sociale, de relations
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entre les hommes et les femmes, de parentalité, de vieillesse.
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Il embrasse tout, absolument tout, les thèmes de l'époque, tous les thèmes de votre
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génération, de notre génération.
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Oui, en fait, avec Benoît, ce qu'on a réalisé quand on a commencé à travailler
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dessus, on voulait raconter les possibilités de faire face à un avenir bouché, un avenir
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au mieux incertain, au pire, carrément menaçant ou hostile.
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Et ce qu'on se disait en s'emparant de ce thème, c'est que quand on voit la génération
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de la fille de Benoît, par exemple, elle, elle grandit avec une conscience que les
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ressources du monde sont finies, qu'il y a une crise de la biodiversité, qu'il y
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a cette menace du dérèglement écologique.
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Alors que nous, les trentenaires, jeunes quarantenaires, on a grandi avec l'impression encore que
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le monde était infini, qu'on pourrait aller découvrir des milliers d'espèces animales,
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des pays différents, qu'on pourrait prendre l'avion tout le temps.
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Il y avait encore cette construction de ce qu'allait être le futur et de ce qu'était
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la planète.
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Et c'est quand on est devenu...
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Que le travail rendait heureux, que l'objectif était la réussite.
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Bien sûr, que le travail nous permettrait de vivre mieux que nos parents, par exemple,
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ce mythe-là avec lequel on a grandi.
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Et puis quand on est arrivé à l'âge adulte, il a fallu qu'on se reconfigure.
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Et nos personnages ont la même chose, en fait.
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Ils sont obligés de se poser des questions sur leur manière de travailler, d'aimer,
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de s'engager.
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Ce qui marque avant tout dans votre film, et pendant tout le film, c'est qu'il fait
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chaud.
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Paris est écrasé sous une canicule brûlante.
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On imagine qu'il fait 45 degrés.
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On est en juin.
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Tout le monde transpire.
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C'est visible.
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En permanence, tous vos personnages transpirent.
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Et ils passent son temps à s'asperger d'eau ou à se poster devant des ventilateurs.
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Vous avez voulu faire un film d'anticipation.
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Vous vouliez montrer ce que sera Paris un mois de juin, dans 10 ans, en vrai.
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Dans 15 ans, peut-être.
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En réalité, les épisodes caniculaires, on en traverse de plus en plus.
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Chaque année, il y en a un, deux, trois ces dernières années.
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Et on avait justement envie de pouvoir montrer ça à l'écran en disant "ça n'appartient
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pas au futur dystopique de Mad Max Fury Road".
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C'est quelque chose qui est une partie de la vie parisienne.
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Ça change aussi nos manières, par exemple, de louer des appartements.
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On commence à se dire "ah mais en période caniculaire, est-ce que les fenêtres ne sont
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pas trop grandes ? Est-ce que les murs ne sont pas trop sombres ?"
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Et on voit ça dans votre film.
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Et puis, c'est vrai que cinématographiquement, c'est aussi un plaisir.
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Ça veut dire travailler sur une moiteur des pots, travailler sur des lumières différentes,
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un rapport entre l'ombre et l'image brûlée par les excès de lumière.
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Donc ça nous intéressait aussi.
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On est donc en pleine campagne pour les législatives.
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Niels Schneider, directeur de campagne d'une candidate écolo, reçoit une lettre anonyme
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avec un test de grossesse positif et rien d'autre.
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Ça va lui retourner la tête.
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D'abord parce qu'il est potentiellement atteint d'une maladie génétique mortelle
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et héréditaire, qu'il ne veut pas faire le test pour savoir s'il a ou pas sa mère
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est morte de ça.
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Et alors son incertitude existentielle est percutée par l'inquiétude générale du
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chaos écologique qui vient.
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En clair, sa vie personnelle et la planète sont menacées.
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Et ça va tout bouleverser.
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Ça va tout lui faire péter la tête.
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À la fois son rapport à l'amour, à l'amitié, à ses relations sexuelles, à l'engagement
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politique, à la vieillesse, à la paternité, à tout.
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Vous avez voulu montrer comment cet homme implosait intérieurement sur un test de grossesse
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et une canicule.
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Mais c'est exactement ça.
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Pour nous, on se disait que sa vie se démaille comme un tricot sur lequel on aurait un peu
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tiré.
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Et à partir du moment où lui commence à paniquer, à douter et à ce premier geste
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de ne pas aller au travail un jour, on tire sur ce fil.
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Et puis, si on n'est pas allé un jour au travail, alors pourquoi y retourner le lendemain,
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le surlendemain ? Pourquoi ne pas tout abandonner ? Pourquoi ne pas lâcher la campagne ? Pourquoi
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ne pas manquer à toutes les conventions sociales qui ordonnaient une vie ?
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Et c'est vraiment ça, Tristan.
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C'est un homme que cette crise existentielle met complètement à l'arrêt.
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Ce qui permet aussi aux personnages autour de lui de prendre plus de place et d'occuper
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et l'écran et le temps de discours.
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Mais lui, en effet, il se part en cacahuètes.
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Oui, il se part en cacahuètes.
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Et alors, qu'est-ce que vous en pensez, vous, Alice Zéniter ? Est-ce que vous pensez que
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la conscience du chaos à venir, c'est anesthésiant ou c'est galvanisant ?
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Par exemple, on aurait envie, parce que la planète va exploser, de faire l'amour davantage.
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Ça pose aussi ça comme question, le film.
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Ou au contraire, de rester chez soi et de s'enfermer et d'attendre que le désastre
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arrive.
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En fait, je crois qu'on n'est pas tous égaux face à cette question-là.
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C'est-à-dire qu'on a des réactions différentes.
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On avait à cœur, Benoît et moi aussi, de montrer ça.
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C'est-à-dire de se dire, ben oui, pour le coup, Tristan, vraiment, il y a une mise à
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l'arrêt.
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Il y a un tombé en panne qui se fait.
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Fanny, sa meilleure amie, est colocataire.
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En revanche, on voit que c'est quelque chose qui réagit.
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La galvanise.
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Voilà, en elle, tous les jours.
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Elle doit vivre.
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Oui, et puis dans la lutte.
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Et puis dans le fait de, par l'enseignement, par la transmission, on va réussir à former
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un mouvement.
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Mais on est aussi très attaché à des personnages secondaires, comme le personnage de Perséphone,
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qui est joué par Elsa Gage.
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Et qui, finalement, face à cette angoisse, face à cette menace, a juste une envie, c'est
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de boire des pintes dans les bars, en attendant de trouver un homme qui lui plaise et de manger
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les cacahuètes qui traînent sur le comptoir.
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Et de dire, cette réaction-là, elle est aussi tout à fait normale, tout à fait naturelle.
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En fait, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas se saouler et faire l'amour ?
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Voilà.
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Et ça pose aussi, évidemment, la question de l'engagement politique, qui est le cœur
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de votre film.
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Il y a trois options, au fond, incarnées par trois personnages de votre film.
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Niels Schneider, lui, il s'engage.
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C'est un militant politique et il choisit l'engagement politique.
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Sa meilleure copine, dont on parlait, elle est enseignante et elle, elle veut la révolution.
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Et enfin, son ex a choisi de partir à la campagne en Bretagne et de vivre dans une
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communauté écologique autonome.
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Trois options.
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L'engagement, la révolution, le repli sur soi.
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Ce sont des options entre lesquelles vous hésitez, vous ?
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Évidemment, en fait, moi, je me pose des questions qui sont partagées par certains
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des personnages du film, à savoir, par exemple, est-ce que le temps des institutions politiques,
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aujourd'hui, il peut encore être celui de la lutte contre la crise climatique ?
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Ou en fait, est-ce qu'il n'est pas trop long ?
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Et on le voit bien aujourd'hui, je ne sais pas, avec l'apparition, par exemple, dans
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le discours d'Andreas Malm, du fait que le sabotage doit faire partie du catalogue des
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actions politiques, que la notion de l'urgence, en fait, va venir parfois enlever une croyance
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dans des institutions qui pouvaient être l'endroit de notre engagement habituel.
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Et donc, moi, j'ai à la fois ce truc de me dire, mais non, mais il faut que ce soit
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les institutions politiques.
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C'est quelque chose qui m'intéresse, dont j'ai traité déjà dans "Comme un empire
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dans un empire".
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Donc, il y a un livre que j'ai écrit il y a quelques années.
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Mais d'un autre côté, j'ai peur qu'elle soit trop lente.
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Donc, par moment, je suis fanée.
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Je me dis plus non, il faut qu'on lance une révolution parce que ce mode de vie de production
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et d'élection, il n'est plus possible.
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Et puis, par moment, je suis plutôt Pablo et je me dis, mais une révolution, mais avec
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qui ? Et comment elle pourrait représenter et porter tous les idéaux politiques et d'égalité
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qui sont les miens ?
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Elle inclurait forcément des éléments désastreux.
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Donc, en fait, autant se retirer et à petite échelle construire une forme de vie.
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Voilà.
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Essayer d'inventer dans ces petits collectifs des formes de vie qui nous ressemblent.
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La séquence politique actuelle, celle des retraites, elle vous paraît de nature à
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accentuer la défiance vis-à-vis des institutions.
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Au contraire, ça peut stimuler des nouveaux engagements politiques.
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Quel regard vous avez ?
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J'aurais tendance à dire que les deux ne sont pas exclusifs.
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Elle peut en effet susciter une méfiance à l'égard des institutions tout en donnant
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la joie de participer à un mouvement social qui clairement a occupé la place et a dicté
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le calendrier.
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Et ça, ce n'est pas une petite joie.
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C'est important.
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Une des scènes capitales du film, c'est une scène de débat politique entre ces deux
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femmes, entre la révolutionnaire et celle qui a choisi de se replier en Bretagne et
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de vivre avec ce qu'elle produit dans sa ferme bretonne.
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L'une la traite d'égoïste, l'autre lui dit « ta révolution, elle ne mène à rien
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». C'était important pour vous que ce soit deux femmes qui l'incarnent ? Expliquez-nous
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pourquoi, expliquez-moi ce que c'est le test de Bechdel en quelques mots.
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C'est un test créé par l'autrice de bande dessinée Alison Bechdel et qui contient
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seulement trois critères.
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Une œuvre doit contenir deux personnages de femmes qui sont nommées.
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Elles ont un prénom et un nom.
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Ces femmes ont une scène où elles parlent ensemble et elles parlent d'autre chose que
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d'un homme.
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Et il y a énormément d'œuvres avec lesquelles on a grandi qui ne passent pas du tout ce
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test.
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Et les femmes parlent des mecs.
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Oui mais en fait il y a même des œuvres dans lesquelles il n'y a pas deux femmes
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parfaitement nommées.
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Prenez la trilogie originale de Star Wars, il y a une seule femme dans toute la galaxie.
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C'est vrai, je n'avais pas vu ça comme ça mais vous avez raison.
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L'idée d'avoir une scène dans laquelle non seulement elles parlent d'autre chose
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que d'un homme mais en fait elles mettent en jeu le futur du pays, de la société,
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de la planète.
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Et puis cette scène est longue et elles ne sont pas interrompues par les hommes qui
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sont autour.
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C'était très important pour nous.
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Avant l'effondrement, premier film engagé et poétique d'Alice Zénitert qu'on réalise
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avec Benoît Vollnaet à voir au cinéma mercredi prochain.
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Merci à vous.
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