Laurence Rossignol, sénatrice PS de l’Oise, vice-Présidente du Sénat et présidente de l'association "L’Assemblée des Femmes", était mercredi 12 avril l'invitée de franceinfo. Elle répondait aux questions de Marc Fauvelle.
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00:00 Depuis 4 mois, il était sur la touche dans la foulée de sa condamnation pour avoir giflé sa compagne.
00:04 Mais dès demain, Adrien Quatennens siégera donc à nouveau à côté des siens, au sein du groupe des Insoumis de l'Assemblée.
00:09 Ainsi en ont décidé hier ses collègues, lors d'un vote à bulletin secret.
00:13 47 voix pour sa réintégration et 15 voix contre.
00:17 Bonjour Laurence Rossignol.
00:18 Bonjour.
00:18 Vice-présidente socialiste du Sénat, vous présidez également l'Assemblée des femmes, qui est une association féministe.
00:23 Est-ce que vous comprenez cette décision des Insoumis ?
00:25 En fait cette décision, elle nous a fait changer de période dans cette affaire.
00:30 Au mois de septembre, on avait une affaire Quatennens.
00:32 Maintenant, on a une affaire Eléphi et Eléphi Mélenchon en réalité.
00:35 C'est-à-dire que c'est plus tant Quatennens qui est en cause que la décision qui a été prise hier par les députés de la France Insoumise.
00:43 C'est-à-dire que vous considérez que cette décision a été dictée par Jean-Luc Mélenchon ?
00:46 Écoutez, depuis le début, Jean-Luc Mélenchon n'a pas manqué d'apporter son soutien et son amitié à son dauphin, à celui qui était son dauphin Quatennens.
00:55 Et il est très difficile de ne pas imaginer qu'il a pesé dans cette décision.
01:00 D'ailleurs, je voudrais envoyer un message d'amitié aux féministes de la France Insoumise.
01:07 Parce que c'est 15 voix, vous le dites, mais il y a aussi au moins autant de voix de gens qui ne sont pas venus voter.
01:13 C'est vrai que ce n'est pas des voix, mais 45 sur 74, ce n'est quand même pas un énorme score dans la France Insoumise.
01:19 Adrien Quatennens a été condamné par la justice à 4 mois de prison avec sursis.
01:22 Il a reconnu les faits depuis. Il a été suspendu de son groupe pendant une durée de 4 mois également.
01:27 Vous considérez que ça ne suffit pas ?
01:29 Je considère que les formations politiques auxquelles nous appartenons, et qui se prétendent des formations féministes,
01:36 et qui prétendent faire de la lutte contre les violences faites aux femmes, viols, violences conjugales,
01:41 une priorité, doivent être exemplaires.
01:44 Or, être exemplaire, ça signifie éviter l'amnistie politique pour ses amis.
01:49 Être exemplaire, ce n'est pas découper le féminisme en petites tranches,
01:54 et c'est penser, comme moi je pense, que le féminisme est un bloc,
01:58 et qu'on ne peut pas retirer de ce bloc, au gré des amitiés, des moments, des morceaux.
02:03 On ne peut pas être contre les violences faites aux femmes, sauf quand elles concernent un de nos amis.
02:08 Donc ce qui est en cause, c'est l'exemplarité, c'est la cohérence, et c'est l'idée même du féminisme.
02:13 - Si il avait été condamné pour autre chose, votre position serait différente.
02:16 C'est parce qu'il a été condamné pour violences conjugales.
02:18 - Mais, s'il avait été condamné pour autre chose,
02:22 je pense que la France Insoumise n'aurait peut-être pas fait la même décision,
02:26 n'aurait peut-être pas pris la même décision.
02:28 Il y a toujours, à l'égard des violences faites aux femmes, qu'elles soient viols ou violences physiques, conjugales,
02:34 une espèce d'indulgence. C'est ce qu'on appelle la culture de la violence.
02:38 C'est-à-dire que c'est une culture dans laquelle on s'intéresse toujours beaucoup plus à l'auteur qu'à la victime.
02:44 C'est une culture dans laquelle on pense que l'indulgence à l'égard de l'auteur doit à un moment donné se manifester.
02:50 C'est une culture dans laquelle on passe l'éponge assez facilement.
02:53 Et si un membre de la France Insoumise était condamné pour des infractions financières,
02:58 détournement d'argent public, délit d'initié, que sais-je,
03:02 je pense que la France Insoumise ne réagirait pas de la même façon.
03:05 Donc ce qui témoigne hier cette décision, c'est l'indulgence à l'égard des auteurs de violences.
03:12 - À la place des Insoumis, hier, vous auriez fait quoi ?
03:14 - À la place des Insoumis, je n'aurais pas réintégré Adrien Quatennens.
03:19 - Jusqu'à la fin de son mandat ?
03:20 - Jusqu'à la fin de son mandat. En ce qui nous concerne, nos partis socialistes,
03:24 on n'est pas à l'abri que la même chose arrive à un de nos adhérents ou de nos élus.
03:28 Mais à chaque fois qu'on a été confronté à une situation de ce genre, on ne l'a pas investi.
03:32 Et puis, puisque la France Insoumise propose la révocabilité des élus,
03:37 la bonne solution, c'est de demander à Adrien Quatennens de démissionner,
03:41 de retourner devant les électeurs, d'appliquer le programme de la France Insoumise,
03:44 et les électeurs auraient décidé quel était le sort politique d'Adrien Quatennens.
03:48 - C'est votre souhait aussi, dans la foulée de ce qu'a pu dire hier la ministre chargée de l'égalité
03:52 entre les femmes et les hommes, Isabelle Rohm, il faut qu'il démissionne ?
03:55 - Je pense qu'il devrait retourner devant les électeurs, c'est de la cohérence.
03:58 Par ailleurs, un petit mot, j'ai beaucoup de respect pour Isabelle Rohm,
04:02 qui est une excellente ministre de l'égalité entre les femmes et les hommes.
04:05 Mais j'entends les députés en marche, enfin, Renaissance, Macroniste,
04:09 s'émouvoir de ce qui se passe à la France Insoumise,
04:12 quand on cohabite avec autant de facilité qu'ils le font, avec Damien Abad,
04:16 quatre accusations de viol, quand on a soutenu l'ancien ministre Nicolas Hulot,
04:23 alors qu'il était dans une affaire de viol dont tout le monde savait que c'était vrai,
04:28 qu'il a fallu faire des tribunes pour le soutenir.
04:31 On est un peu plus modeste, on baisse d'un ton pour ce qui se passe chez les autres.
04:35 On commence déjà par balayer devant sa porte et après on peut donner des leçons.
04:38 - Si vous croisez demain matin Adrien Quatennens, que ferez-vous ?
04:41 - En fait, moi personnellement, je ne le connais pas.
04:44 Je n'ai pas de relation individuelle avec lui.
04:46 Je ne suis même pas sûre qu'il me reconnaîtrait dans la rue.
04:49 Donc probablement, j'aurai rien à faire.
04:51 - Quand l'affaire a débuté, plusieurs personnalités, dont l'insoumise Clémentine Autain,
04:56 avaient émis l'idée de mettre en place une charte commune au sein de la gauche
04:59 pour savoir comment réagir justement face à ces affaires de violences sexuelles ou sexistes.
05:03 Est-ce que c'est toujours sur la table ? Est-ce qu'il y a eu des réunions ?
05:06 - Alors, j'ai moi-même, je crois, à votre micro,
05:08 défendu cette idée, la nécessité d'un code de déontologie commun aux formations de gauche.
05:13 - Est-ce que ça a avancé ?
05:14 - Et ça n'a pas avancé.
05:15 Je comprends mieux pourquoi ça n'avance pas quand on voit ce qui se passe à la France Insoumise.
05:18 Je crois que Clémentine Autain est sincère dans sa proposition.
05:22 Ce n'est pas elle qui a la main, malheureusement, dans la France Insoumise aujourd'hui.
05:25 Nous, en ce qui concerne le Parti Socialiste, on y est favorable.
05:28 Je pense que les écolos y sont aussi favorables.
05:31 Il faut que la France Insoumise, maintenant, règle son problème.
05:34 Et la France Insoumise est durablement abîmée
05:37 dans sa légitimité à défendre les femmes à la suite de cette affaire Katniss.
05:42 - La France Insoumise ou l'ANUPS dans son ensemble ?
05:44 - La France Insoumise. On n'est pas solidaires de leur décision.
05:47 D'ailleurs, mes collègues députés à l'Assemblée Nationale du groupe socialiste ont demandé
05:52 à ce que Katniss ne réintègre pas l'intergroupe de l'ANUPS.
05:55 - Laurence Rossignol, vice-présidente socialiste du Sénat, présidente de l'Assemblée des femmes, merci.
05:59 Je précise que France Info a contacté depuis hier une dizaine de responsables insoumis
06:03 pour expliquer cette position du groupe et qu'ils ont tous, jusqu'à présent, décliné notre invitation.