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  • 22/03/2023
Boris Vallaud, député des Landes, président du groupe PS à l'Assemblée nationale critique les prises de position du président de la République : "Il y a un côté bravache chez Emmanuel Macron, il y avait un côté 'qu’ils viennent me chercher'. C’est un Président forcené, en tête à tête avec lui-même".

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Transcription
00:00 – Bonjour Boris Vallaud, merci beaucoup d'être notre invité politique ce matin,
00:03 député des Landes, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.
00:06 On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat
00:08 avec la presse régionale, représentée par Christelle Bertrand du groupe La Dépêche.
00:11 Bonjour Christelle.
00:12 – Bonjour Aurélien, bonjour Boris Vallaud.
00:14 – Et on va dans quelques instants parler de l'intervention d'Emmanuel Macron,
00:18 mais d'abord il a reçu hier soir les parlementaires de la majorité
00:21 et il a eu ces phrases "les meutes ne l'emportent pas sur les représentants du peuple,
00:25 la foule n'a pas de légitimité face au peuple qui s'exprime souverain
00:29 à travers ses élus". Qu'en pensez-vous ?
00:31 – Je pense surtout qu'il a délégitimé les représentants du peuple
00:35 en disqualifiant le débat parlementaire, en passant en force.
00:39 Songez qu'il a même aboli la séparation des pouvoirs d'une certaine manière
00:42 puisque l'Assemblée nationale n'aura pas voté le texte
00:45 ni en première lecture ni en seconde lecture,
00:47 il n'y a aucune espèce d'onction des représentants de la nation,
00:50 des représentants du peuple à l'Assemblée nationale sur ce texte.
00:54 Voilà la réalité.
00:54 Il est aussi par ailleurs disqualifié et marché sur les partenaires sociaux,
00:59 fait peu de cas et de la démocratie sociale et du débat parlementaire.
01:03 Et donc évidemment il laisse, lui, la place aux formes les plus désorganisées
01:07 de la contestation et parfois les plus violentes.
01:12 Il devrait se poser la question du coup de force politique qu'il a accompli
01:18 et il devrait se poser la question de la crise institutionnelle
01:20 dans laquelle il nous a plongés et qui pose un problème plus profond,
01:24 plus durable et plus grave que la seule réforme des retraites.
01:28 – Lui dit l'absence d'adoption de motion de censure vaut validation du texte,
01:32 ça n'est pas vrai ?
01:33 – Non ça n'est pas vrai, ça n'est pas vrai parce que
01:35 si je reprends les mots de la Première ministre,
01:38 elle a dit le compte n'y est pas.
01:40 Ça veut dire qu'il n'y avait pas de majorité au moment où le texte même
01:44 était soumis à la représentation nationale et aux députés.
01:47 – Mais elle a aussi dit qu'il y aura un vote sur ce texte
01:49 et le vote sur la motion de censure.
01:50 – Il n'y a pas eu de vote sur ce texte, il n'y a pas eu de vote sur ce texte.
01:52 Ils l'ont esquivé, ils l'ont refusé, ils l'ont craint.
01:56 Leur propre majorité à l'Assemblée nationale qui se confie dans les couloirs,
02:01 je peux vous dire qu'ils ne sont pas très fiers, pas très heureux,
02:04 ils sont même un peu peinés, tristes et en colère contre le président de la République
02:07 et la Première ministre, voulaient passer au vote.
02:09 Ils disaient au fond faisons le pari de la démocratie apaisée
02:15 même si on doit perdre.
02:17 Ils ne l'ont pas fait parce que, vous savez il y a un côté toujours bravache
02:21 chez Emmanuel Macron et encore hier, il y avait un côté qui vient de me chercher.
02:26 – Est-ce que vous estimez aujourd'hui que la rue a une légitimité à s'exprimer
02:29 telle qu'elle l'a fait hier soir par exemple dans les rues de certaines villes de France ?
02:33 – Qu'il y ait de la légitimité aux manifestations,
02:36 qu'il y ait de la légitimité à un peuple qui s'exprime, qui fait grève.
02:40 Évidemment ce sont des droits constitutionnels,
02:42 moi je souhaite toujours que ça se passe de façon la plus apaisée
02:45 et la plus calme possible, mais regardez bien les circonstances
02:49 dans lesquelles Emmanuel Macron a été élu, face à l'extrême droite,
02:52 grâce au fonds républicain, pas sur son programme.
02:55 Il avait dit, vous en souvenez peut-être, cette élection m'oblige
03:00 et puis aujourd'hui on se rend compte que ça ne l'oblige à rien,
03:02 en tout cas de son point de vue.
03:04 Et les Français ont par ailleurs au moment des élections législatives
03:06 refusé de donner une majorité absolue à Emmanuel Macron,
03:11 lui disant finalement c'est d'abord à vous de faire des compromis
03:13 avec votre programme, il n'est prêt à aucun compromis,
03:16 il est dans une forme d'obstination qui me paraît déraisonnable.
03:19 Nous avons une aspiration au respect du pluralisme politique,
03:23 à faire vivre un parlementarisme de fait,
03:25 ce que pour ce qui nous concerne socialiste nous avons essayé de faire,
03:28 nous heurtant bien souvent à des murs,
03:31 et puis il y a une aspiration à la démocratie continue.
03:33 Vous savez, c'est ce plébiscite de tous les jours,
03:35 c'est cette aspiration que Mendes France soulignait,
03:39 qu'entre deux élections les Français soient entendus dans leurs aspirations.
03:43 Ils l'ont exprimé au fond de la manière la plus éclatante
03:47 en étant des millions dans la rue pendant plusieurs semaines,
03:50 dans un moment de crise de la vie chère où il est difficile de faire grève.
03:55 Moi j'ai vu dans des manifestations des gens qui quittaient quelques heures,
03:58 leur atelier, leur usine, leur bureau,
04:00 parce que c'est difficile quand on a un salaire qui est déjà modeste de s'en priver.
04:08 C'est un président qui est un président forcené,
04:10 en tête à tête avec lui-même,
04:13 et je trouve que c'est assez préoccupant.
04:17 – Préoccupant pourquoi ? Pour la démocratie ?
04:19 – Oui, quand on est dans un pays fracturé,
04:22 dans un pays qui souffre et le mal qui l'arrange c'est l'injustice,
04:26 avec ce sentiment de plus en plus net, de plus en plus clair,
04:30 qu'il y a dans ce mouvement social des causes plus profondes.
04:34 C'est au fond, je le dis, une forme de cri de misère,
04:37 ce sont celles et ceux qui n'ont que leur travail pour vivre,
04:39 à qui on dit "on vous applaudit à 20h mais vous allez payer quoi qu'il en coûte".
04:42 Et on ne va pas demander d'efforts supplémentaires à ceux qui le peuvent.
04:45 Il y a un sentiment d'injustice,
04:46 il y a au fond une aspiration à un nouvel ordre social,
04:50 à construire le monde de demain,
04:53 rompre avec un monde devenu invivable du fait des inégalités et inhabitable…
04:56 – Donc il peut donner quoi ce sentiment d'injustice ?
04:58 Est-ce que vous craignez la colère des Français ?
05:00 – Il peut donner le pire, la colère parfois la plus violente, la plus brutale,
05:06 y compris s'exprimant dans les urnes, en confiant son destin à ceux
05:10 qui n'aiment ni la République ni la démocratie,
05:12 qui sont le Rassemblement National,
05:16 et je parle des élus, pas des électeurs.
05:20 Mais ça peut donner le meilleur aussi, parce que dans la crise de la Covid,
05:25 on a vu au fond les limites du monde telles qu'il avait prévalues,
05:28 on a réordonnancé l'ordre de nos priorités,
05:30 qu'est-ce qui compte et qu'est-ce qui ne compte pas,
05:32 quels sont les métiers utiles dont nous ne pouvons pas nous passer.
05:38 Et puis la centralité de la vie sur toute autre considération,
05:41 le fait qu'on se soit manqué les uns aux autres
05:43 comme une revanche sur l'individualisme.
05:47 Et puis ce nouvel horizon, quand on disait "prends soin de toi",
05:50 d'une société plus attentive aux autres.
05:52 Il y avait ça, il y avait le ferment de tout ça,
05:55 et en réalité au lieu de changer de modèle,
05:57 Emmanuel Macron n'a qu'une aspiration, c'est conserver le monde d'hier.
06:01 – Alors Emmanuel Macron va s'exprimer à 13h dans les journaux de TF1 et de France 2,
06:06 il dit qu'il veut apaiser, qu'est-ce que vous attendez de lui ?
06:10 – Je crois que la seule manière d'apaiser, c'est de retirer cette réforme.
06:16 Parce qu'il n'y a pas d'ordre sans justice, et cette réforme elle est injuste.
06:23 Les gens le savent, l'ont compris,
06:26 les Français dans une forme de retour du paternalisme,
06:29 le gouvernement a souvent dit "les Français n'ont pas compris notre réforme".
06:32 Si, si, ils l'ont parfaitement compris.
06:33 D'ailleurs, certains égards, ils l'ont compris mieux que le gouvernement lui-même,
06:36 puisqu'on a levé, et les parlementaires,
06:38 et en particulier les parlementaires socialistes, ils ont pris leur part,
06:41 on a levé un à un, chacun des éléments de mensonge préférés par le gouvernement.
06:45 C'est en réalité l'exécutif, le président d'une république
06:48 qui ne comprend plus les Français.
06:51 – Lui dit qu'il ne la retirera pas, il dit, il ne va plus loin,
06:54 ni remaniement, ni dissolution, ni référendum.
06:57 En revanche, il veut annoncer une nouvelle méthode,
07:00 est-ce que ça peut permettre d'apaiser les choses ?
07:03 – Oui, il n'en finit pas d'annoncer une nouvelle méthode, vous voyez ?
07:06 Mais comme sa méthode correspond à ce qu'il est intrinsèquement,
07:10 la méthode ne change pas.
07:11 – Qu'est-ce que vous en attendez de cette nouvelle méthode, vous ?
07:14 – Je ne sais plus bien quoi attendre du président de la République,
07:16 je vous le dis franchement, je suis assez peiné, consterné,
07:22 inquiet par cette espèce d'obstination déraisonnable.
07:26 Il y avait, je le redis, dans ce parlementarisme de fait,
07:28 quelque chose au fond d'intéressant.
07:31 On a beaucoup parlé de compromis,
07:33 compromis mais avant d'être rade, résultat c'est d'abord une méthode,
07:35 ça suppose de l'écoute, de l'écoute des partenaires sociaux.
07:38 Le sentiment des syndicats aujourd'hui, c'est qu'on leur a marché dessus,
07:42 qu'on les a d'une certaine manière délégitimés.
07:45 Le sentiment des parlementaires, je le dis,
07:47 des parlementaires de tous bords, bien sûr ils ne viendront pas,
07:50 j'allais dire, fidèles à leur majorité et à leurs éléments de langage,
07:54 vous le dire, mais ils nous le disent dans les couloirs.
07:58 On a été maltraité.
08:00 Et quand j'entends que maintenant on procéderait plus
08:03 par voie réglementaire que par voie législative,
08:05 je dis, il faut arrêter, j'allais dire,
08:08 de creuser la tombe d'une démocratie qui ne demande qu'une chose, vivre.
08:14 Vous savez, la démocratie ne meurt pas de mouvement,
08:17 elle meurt d'immobilité.
08:19 – Là vous parlez des parlementaires de la majorité
08:21 qui vous font des confidences sur…
08:23 – Bien sûr, bien sûr, d'ailleurs Sartre le font à visage plus découvert,
08:28 je le débattais avec Bruno Fuchs du MoDem, qui dit assez nettement…
08:33 – Donc il y a une rupture aujourd'hui entre le parlement dans son ensemble,
08:36 en tout cas l'Assemblée nationale et Emmanuel Macron.
08:39 – Je le crois, à bien des égards, à bien des égards, voilà.
08:42 Et on ne peut pas s'en satisfaire.
08:45 Et puis il y a des causes qui sont trop grandes
08:48 pour ne pas chercher à s'y atteler tous ensemble.
08:51 Je pense en particulier à la question environnementale,
08:54 les rapports du GIEC qui sont sortis, qui sont extrêmement inquiétants
08:57 et on ne peut pas avoir un gouvernement qui semble ferme
08:59 et qui en réalité le plus souvent fait semblant.
09:01 Il y a besoin de s'y attaquer, il n'y a pas de détour possible,
09:03 il n'y a pas d'escrive possible, on ne peut pas se contenter de mots,
09:06 il faut aujourd'hui des actes.
09:08 – Au-delà du retrait du texte, est-ce qu'un changement de Premier ministre
09:11 aurait pu être une porte de sortie avec la nomination par exemple
09:14 d'un Premier ministre de gauche ?
09:16 – Mais écoutez, vous savez, tous ceux qui viennent de la gauche
09:19 et qui pensent apporter un supplément d'âme à la politique d'Emmanuel Macron,
09:23 franchement en sont pour leurs frais.
09:25 Quand je vois Olivier Dussopt qui vient de l'aile gauche du Parti socialiste
09:30 proche d'Henri-Emmanuel Ni, auquel j'ai l'honneur
09:33 et j'allais dire l'exigence quotidienne de succéder,
09:37 ils n'ont rien apporté finalement.
09:40 Vous connaissez la formule, le Premier ministre qui envoie le Président de la République,
09:44 et le Président de la République a été élu sur un programme de droite,
09:47 il a été élu sur le programme de Nicolas Sarkozy,
09:50 au fond on est dans le troisième mandat.
09:53 – Vous ne demandez pas le départ d'Elisabeth Borne,
09:55 pour vous ça ne changera rien ?
09:55 – Moi je pense qu'elle est assez largement disqualifiée,
09:59 voilà, sur une très importante…
10:01 – Donc elle ne doit pas faire…
10:02 – Ecoutez, qu'elle se pose la question elle-même, voilà.
10:05 Le compromis, comme disait ma collègue, présidente du groupe écologiste,
10:09 le premier compromis qu'a fait la Première ministre,
10:12 c'est d'abord avec sa conscience.
10:13 – Alors vous parliez du retrait du texte tout à l'heure,
10:15 aujourd'hui qu'est-ce qu'il y a comme porte de sortie pour retirer,
10:19 qu'est-ce qui vous reste à vous, pour retirer ce texte ?
10:22 – Il y a ce qui dépend en effet des parlementaires,
10:23 nous avons d'abord déposé, comme au Sénat d'ailleurs,
10:27 un recours au Conseil constitutionnel.
10:30 – Il a des chances d'aboutir ?
10:31 – Je pense qu'il a des chances d'aboutir.
10:32 Je pense qu'il a des chances d'aboutir.
10:34 – Et d'aboutir à un retrait du texte ?
10:35 – Sur quoi alors, sur la forme ?
10:36 – Les deux, d'abord sur la forme, le fait d'avoir choisi,
10:40 pour une réforme qui est structurelle,
10:41 qui engage des générations et des générations,
10:42 qui dépasse donc l'annualité budgétaire,
10:44 choisir un texte financier, un texte budgétaire,
10:46 comme un projet de loi de financement de la sécurité sociale,
10:49 est un détournement de procédure.
10:50 Vous regardez les intentions du législateur à l'époque et c'est manifeste.
10:54 Il y a aussi les procédures accélérées,
10:57 que moi je considère dans le moment, comme de la démocratie expéditive.
11:01 Je crois à la possibilité de lois immortelles,
11:04 qui survivent aux alternances,
11:05 qui survivent même aux républiques et aux régimes.
11:08 On en a été capable dans la 3ème République,
11:09 on en a été capable dans la 4ème République,
11:11 parfois dans la 5ème République,
11:12 mais ça demande du temps et de la considération
11:14 pour des points de vue qui parfois sont très éloignés.
11:17 Il y a ensuite le manque de sincérité.
11:20 La question de la sincérité du débat, elle est importante.
11:22 L'annexe explicative, qui est l'équivalent de l'étude d'impact,
11:25 est indigente, très partielle.
11:27 Nous privent, privent la représentation nationale de beaucoup d'informations.
11:31 Il y a des informations que nous avons demandées,
11:33 qu'avec Jérôme Guedj,
11:34 nous avons été obligés d'aller chercher dans les tiroirs des ministères
11:37 parce que le gouvernement ne les donnait pas à la représentation nationale,
11:42 ou donner des informations qui étaient fausses.
11:43 Songez entre les éléments de langage qui disaient
11:46 "1200 euros de pension minimale pour tous"
11:48 et le résultat final, il y en aura 20 000.
11:51 Vous vous rendez compte, évidemment,
11:52 qu'il y a un problème de sincérité, de clarté, de transparence,
11:55 puis il y a d'autres sujets de fond.
11:57 Et puis, pardon, il y a le référendum d'initiative partagée.
12:00 Nous avons là aussi déposé plus de 250 parlementaires,
12:05 de plusieurs sensibilités de gauche.
12:07 – Est-ce que la procédure n'est pas un peu longue, la procédure du RIP ?
12:11 Est-ce que la colère ne risque pas d'être retombée d'ici là
12:13 pour recueillir suffisamment de signatures ?
12:15 Le nombre est énorme.
12:16 – Nous avons 9 mois, une fois que ça aura été validé
12:17 par le Conseil constitutionnel, pour réunir 4,7 millions de signatures.
12:21 Mais enfin, nous avons l'espoir de le faire beaucoup plus rapidement.
12:25 Rappelez-vous que pour l'aéroport de Paris,
12:28 nous avons sur un sujet dont on peut estimer qu'il était moins directement
12:31 dans la vie quotidienne des Françaises et des Français,
12:33 réunit 1,1 million.
12:35 Emmanuel Macron, par ailleurs, disait qu'il était prêt à déclencher,
12:37 à baisser le seuil du RIP à 1 million, qu'à cela ne tienne.
12:42 – Mais là, il vous en faut 5 fois plus, ça vous paraît possible ?
12:45 – Ça me paraît tout à fait possible, oui, je crois.
12:47 Parce que ça concerne beaucoup de Françaises et de Français,
12:51 et qu'ils savent qu'il y a dans cette réforme un impôt sur la vie des gens,
12:54 et en particulier des classes moyennes, des classes populaires.
12:58 Ça, vous le mesurez de façon extrêmement précise.
13:02 – Sur la censure du Conseil constitutionnel,
13:04 vous espérez une censure totale du texte ?
13:08 – Bien sûr que je l'espère, si elle n'est que partielle…
13:11 – Vous y croyez vraiment ?
13:12 Vous pensez plutôt que ce seront des censures partielles,
13:14 si censure il y a ?
13:15 – C'est entre les mains du Conseil constitutionnel,
13:17 je forme moi de grands espoirs, on a beaucoup travaillé à notre recours.
13:20 On y a travaillé sérieusement, avec des gens dont c'est le métier,
13:25 dont c'est la compétence, et je crois, oui,
13:28 que ça a des chances de prospérer.
13:30 – Une censure totale ?
13:31 – Oui.
13:33 – Hier soir, on le disait tout à l'heure,
13:35 de nouvelles manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes de France,
13:38 à Paris, mais parfois encore plus importantes dans des villes moyennes.
13:42 Est-ce que vous craignez ou espérez que cela dure ?
13:44 Est-ce que cela peut durer ?
13:47 – Vous savez, le droit de manifester est un droit constitutionnel.
13:51 – Là, ce sont des manifestations qui ne sont pas déclarées,
13:54 est-ce que c'est un problème ?
13:54 – À chaque fois qu'elles peuvent être déclarées, elles le doivent.
13:57 Et d'ailleurs, beaucoup de mouvements sont aussi organisés
14:00 par les partenaires sociaux.
14:01 Il y a demain un mouvement social organisé par un front syndical,
14:06 une inter-syndicale, dont l'union, l'unité, ne se dément pas,
14:11 ne se départit pas.
14:12 Je forme, moi, beaucoup d'espoir dans ce moment.
14:16 Je souhaite qu'évidemment, tout cela se déroule dans le calme et la sérénité.
14:21 Mais aujourd'hui, c'est au gouvernement d'entendre
14:24 qu'il est le représentant de ceux qui, aujourd'hui, lui disent "entendez-nous".
14:28 – Mais voilà, j'ai envie de vous demander à quoi ça sert,
14:29 puisque jusqu'à présent, les manifestants qui ont été jusqu'à…
14:33 – Mais vous savez que la question qui se pose finalement,
14:36 et que se posent les Français, c'est "mais à quoi ça sert d'aller voter ?"
14:40 C'est pour ça que je dis qu'on est dans une crise institutionnelle.
14:42 Et qu'il faut aussi se poser maintenant, peut-être, cette question.
14:45 C'est dans un moment de grande défiance,
14:48 qu'on mesure dans l'abstention dans les élections,
14:51 dans un certain nombre d'ailleurs,
14:53 aussi de retranchements dans un vote à l'extrême droite.
14:58 Est-ce qu'Emmanuel Macron n'a pas fini d'essorer la Ve République ?
15:04 Par la Ve République elle-même, et ce qu'elle est devenue intrinsèquement,
15:08 mais par sa propre pratique solitaire.
15:11 Un président élu sur la promesse d'écouter tout le monde,
15:12 et qui n'a fini par écouter que lui-même.
15:14 – Vous l'accusez de sortir des cadres de la Ve République aujourd'hui ?
15:16 – Je ne l'accuse pas de sortir des cadres, je l'accuse de l'avoir essorée.
15:19 – Vous dites qu'il conduit à la fin de la Ve,
15:21 vous dites aujourd'hui "la Ve c'est fini, il faut passer à autre chose".
15:23 – Je crois que c'est un modèle qui se révèle finalement,
15:27 à bien des égards à bout souffle, je crois qu'il l'a essoufflée,
15:30 il l'a essorée par sa pratique personnelle,
15:33 et qu'aujourd'hui nous devons nous poser la question
15:35 de quelle manière on institue la participation citoyenne,
15:39 quel est l'équilibre des pouvoirs entre le Parlement et le Président de la République,
15:43 et comment on en finit avec cette verticalité qui finit par faire des dégâts.
15:49 Quand je regarde le Parlement allemand, quand je regarde le Parlement britannique,
15:53 je les envis, ils ont cette culture parlementariste,
15:56 qui est celle en réalité d'être beaucoup plus en résonance et en écho avec un pays.
16:02 – Ce n'est pas la nature de la Ve République.
16:03 – Ce n'est pas la nature du Président de la République.
16:05 – Jean-Luc Mélenchon, avec cette expression,
16:07 après le rejet de la motion de censure, il appelle à la "censure populaire".
16:09 C'est une expression que vous reprendriez ?
16:11 – Chacun a les expressions pour dire au fond
16:14 qu'il faut écouter le peuple quand il est en colère.
16:18 Ce n'est pas, j'allais dire, anecdotique les manifestations qui se sont déroulées,
16:22 ce n'est pas anecdotique que les trois quarts des Français soient contre cette réforme
16:25 et qu'ils aient à 80% souhaité que le gouvernement soit renversé
16:29 au moment du vote de la motion de censure.
16:30 Ce n'est pas commun ni habituel,
16:33 et c'est même un signe de gravité et de responsabilité
16:35 que l'ensemble des organisations syndicales,
16:37 avec les nuances et les désaccords qui peuvent être parfois les leurs, soient unis.
16:42 Ce n'est pas par hasard et ce n'est pas insignifiant
16:44 que la motion de censure ne passe pas, mais à neuf petites voix près.
16:48 – Je vous attendais à un score aussi serré, honnêtement.
16:53 – Je sais, je n'en fais jamais d'être surpris par la vie politique.
16:56 Au fond, c'est à la fois un signe de vitalité démocratique
17:00 et de sursaut finalement de la représentation nationale,
17:03 mais c'est aussi un signe inquiétant quand un gouvernement tient un cheveu…
17:08 – Vous n'attendiez pas à ce score ? – Voilà.
17:11 Bon, j'attendais, j'espérais plus, mais bon.
17:14 – Sur Marine Le Pen, hier, elle a dit, à la fin d'entretien à l'agence France Presse,
17:18 elle a dit qu'elle ne participerait pas à éteindre le feu de la contestation.
17:22 Quand dites-vous ?
17:23 – Qui a entre les mains aujourd'hui, je vais dire, la lance à incendie ?
17:28 Un feu qu'il a allumé lui-même, c'est le président de la République.
17:32 C'est le président de la République.
17:34 Il devrait… – Il n'y a que lui qui peut l'éteindre ?
17:36 – Il devrait, oui, je crois, oui.
17:39 – Lui parie sur l'essoufflement, l'épuisement des gens ?
17:42 – Oui, mais il a, par les choix qu'il a faits,
17:46 par la façon qu'il a eu de procéder, il a,
17:51 j'allais dire, abîmé un certain nombre d'institutions.
17:55 Il a donné aux Français le sentiment d'une distance plus grande entre lui et eux.
18:02 Et donc, tout ça me paraît devoir être raccommodé comment ?
18:07 Je dois vous dire qu'il est allé tellement loin que je ne sais pas.
18:10 – Alors aujourd'hui, ça veut dire qu'on ne peut plus raccommoder, pour vous ?
18:15 – Je crois qu'il le faut, mais ça veut dire qu'il faut des actes forts
18:19 et que espérer l'essoufflement, ça n'est pas un acte fort.
18:24 Et c'est surtout, franchement, se moquer des Français,
18:26 de ceux qui ont fait grève, je vous l'ai dit,
18:28 pour ceux qui ont des fins du mois difficiles,
18:30 qui n'arrivent pas à remplir leur frigo,
18:31 qui n'arrivent pas à remplir leur réservoir d'essence,
18:33 qui s'inquiètent pour l'avenir de leurs enfants, pour le leur,
18:36 pour comment leurs parents vont vieillir,
18:38 pour le changement climatique, pour la justice sociale.
18:42 Leur dire "écoutez, j'espère votre essoufflement".
18:45 – Alors, la majorité dit que la loi travail,
18:48 que le Parlement aura à débattre au printemps,
18:50 va contenir des choses qui vont apaiser la société
18:54 et qui permettront que le travail soit plus facile, plus juste.
18:58 Est-ce que vous espérez beaucoup de cette loi travail ?
19:01 – Vous savez, à chaque fois que la majorité gouvernement prend la parole,
19:05 il fait la plus grande réforme sociale depuis René Coty.
19:08 Ce sont les meilleurs depuis toujours.
19:10 J'ai entendu hier la Première Ministre, d'abord,
19:12 à propos du passage en force des retraites, dire que c'était une victoire.
19:16 J'ai cru à une plaisanterie qu'elle candidatait au prix de l'humour politique.
19:20 Ce n'était pas le cas.
19:21 Je l'ai entendu dire que c'était la réforme la plus concertée depuis toujours.
19:24 Ah bon ? Concertée avec qui ? Avec Emmanuel Macron, entre eux.
19:29 Mais ce n'est pas le cas. Alors, qu'est-ce qu'il faut en espérer ?
19:31 Voilà des mois qu'avec les parlementaires de l'ANUP,
19:35 de toute la gauche et même au-delà,
19:37 nous disons qu'il y a une question de salaire qui se pose,
19:39 de partage, de la richesse créée, de la valeur ajoutée, de la masse salariale.
19:43 Quand vous songez que depuis 2008, les 10% de Français les moins bien rémunérés
19:47 ont vu leur rémunération augmenter trois fois et demi moins vite
19:50 que les 10% de Français qui ont les plus hauts salaires,
19:53 quand vous voyez des écarts de rémunération,
19:56 mettons d'une entreprise de la grande distribution
19:58 qui gagne 300 fois ce que gagne une caissière,
20:00 vous dites que ce n'est pas possible.
20:01 Alors, si le projet d'augmenter le niveau du SMIC, comme nous l'avons proposé,
20:05 de mieux partager la richesse créée,
20:08 de mettre à contribution du remboursement du quoi qu'il en coûte,
20:13 les multinationales, les grandes fortunes, les grands patrimoines,
20:16 mais je ne crois pas que ce soit le projet d'Emmanuel Macron.
20:18 Il continue d'appartenir à ses actionnaires.
20:19 – En attendant cette loi travail,
20:21 chaque soir la police procède à différentes arrestations lors des manifestations,
20:26 des réquisitions ont été opérées hier déjà,
20:30 est-ce que c'est une bonne manière de faire revenir un peu de calme
20:33 dans un pays qui est à feu et à sang depuis jeudi soir ?
20:38 – Écoutez, que les forces de l'ordre soient amenées
20:41 à sécuriser un certain nombre de rassemblements, très bien,
20:45 mais le respect de l'ordre public il vaut pour tout le monde,
20:47 pour les manifestants comme pour les policiers.
20:49 Et donc, moi j'ai vu un certain nombre d'opérations de maintien de l'ordre
20:51 qui m'ont paru pour le moins brutales, voire parfois expéditives.
20:57 Il y a besoin que le cadre républicain soit respecté.
21:02 Je lisais que le parquet avait dit que sur les 292 gardes à vue,
21:09 283 avaient été sans suite faute de constitution d'infraction.
21:16 Je me dis, mais comment ceux-là se sont-ils retrouvés quand je vois que…
21:18 – Et en même temps, le roi Nunez, le préfet de police de Paris,
21:20 dit qu'il n'y a pas d'interpellation injustifiée dans le cadre de ces manifestations.
21:23 – Écoutez, j'ai vu l'ambassade d'Autriche intervenir
21:26 parce que des lycéens autrichiens en villégiature de notre capitale
21:31 avaient été pris dans l'anas, puisque c'est le terme consacré.
21:36 Vous savez, quand on a vu le roi Nunez, on s'est dit,
21:38 c'est la doctrine de l'allemand qui est mise de côté.
21:40 Et là, je vois la doctrine du préfet de l'allemand reprendre du service,
21:44 et je dois vous dire que je m'en inquiète.
21:46 Et donc, je vous le redis, il n'y a pas d'ordre sans justice,
21:50 et la seule mesure de justice possible aujourd'hui, c'est le retrait de cette réforme.
21:54 – Un dernier mot sur un autre texte, c'est le texte "immigration"
21:57 que les sénateurs devaient examiner à partir de la semaine prochaine,
22:00 et que l'exécutif a reporté à la demande de Gérard Larcher.
22:03 C'est une bonne chose que l'examen de ce texte soit reporté, selon vous ?
22:07 – Écoutez, je ne l'ai pas examiné, donc je ne peux pas vous en dire quoi que ce soit.
22:13 – Est-ce que dans le climat social actuel,
22:14 c'était le bon moment d'examiner un texte sur l'immigration ?
22:16 – Ce qu'il y avait de baroque, c'est que c'était à nouveau un texte en même temps,
22:20 c'était un texte qui était censé à la fois plaire à la droite et à la gauche.
22:23 Finalement, ça ne plaisait à personne, parce que, pour ce qui me concerne,
22:25 je considère qu'un certain nombre de principes sont indivisibles,
22:28 et que ce n'est pas en coupant le salami en tranches qu'on le rend plus digeste.
22:33 Donc, si la copie est mauvaise, qu'ils la reprennent.
22:36 – Mais de quelle manière il faut la reprendre ?
22:37 Est-ce qu'il faut la reprendre avec d'un côté un texte de droite
22:40 et de l'autre un texte de gauche ?
22:41 – Moi, je ne crois pas… – Que tout ne soit pas dans le même texte ?
22:44 – Moi, je ne crois pas au "en même temps", je crois à la clarté de la ligne politique.
22:47 Le sentiment que j'ai depuis l'élection présidentielle,
22:50 c'est que le président de la République ne sait pas bien quoi faire de ce deuxième quinquennat.
22:54 Il n'a pas vraiment fait de campagne présidentielle,
22:56 il n'a pas vraiment fait de campagne législative,
22:58 là on ne sait pas trop où il va, et je crois que c'en est à nouveau la traduction.
23:02 Ou alors, est-ce le premier acte de ce que j'ai compris ?
23:06 C'est-à-dire au fond, on va procéder par voie réglementaire,
23:09 sans passer désormais par le Parlement à chaque fois qu'on pourra l'éviter.
23:12 Moi, je ne crois pas qu'on fait plus de démocratie avec moins de démocratie.
23:15 – Mais est-ce qu'un texte peut encore être voté au Parlement tel qu'il est aujourd'hui ?
23:18 On t'envoie qu'un texte aussi important que la réforme des retraites ne passe pas ?
23:23 Ou n'est pas mis au vote, comme vous le disiez ?
23:26 – Vous savez, la première ministre, comme d'autres présidents de groupe,
23:28 m'avait reçu avec Patrick Cannaire, il nous avait demandé
23:31 "Vous êtes prêts à voter les textes ?"
23:32 On lui dit "Lesquels ?" "Principiels."
23:36 "On n'est pas été élu pour faire la majorité qu'Emmanuel Macron n'a pas."
23:40 "Est-ce que vous êtes prêts à des compromis ?"
23:41 Et là, je leur ai dit "Et le Président, il est prêt à des compromis ?"
23:44 Manifestement, il n'est prêt à aucun compromis.
23:46 Est-ce qu'ils ont trouvé finalement le mode d'emploi de ce parlementarisme de fait ?
23:50 Non, non, en réalité, ils fonctionnent toujours avec des codes anciens,
23:54 alors qu'à certains égards, finalement…
23:56 – Donc il a raison d'éviter de passer par le parlement pour faire voter un texte ?
23:58 – Non, il a tort de ne pas faire confiance aux institutions.
24:00 Il a tort de penser qu'il peut avoir raison tout seul.
24:02 Il a tort de penser que c'est avec moins de démocratie
24:05 qu'on fait plus de démocratie, plus de confiance dans les représentants.
24:08 – Merci Boris Vallaud, merci beaucoup d'avoir été notre invité.
24:11 On regarde la une de La Dépêche.
24:12 Macron a quitté le double, c'était la une de votre journal, Christelle.
24:16 Merci beaucoup Boris Vallaud d'avoir été notre invité.

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