Au lendemain de l'utilisation du 49.3 par le gouvernement d'Elisabeth Borne sur la réforme des retraites, Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, est l'invité du 7h50.
Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
00:00 7h48, vous l'avez compris, pas de débat éco exceptionnellement ce matin compte tenu de l'actualité, mais un premier invité dans ce 7-9-30.
00:08 On va parler d'économie évidemment. Bonjour Jean-Luc Mélenchon, ancien candidat à l'élection présidentielle, leader de la France Insoumise.
00:14 Merci d'être avec nous ce matin. Vous n'êtes plus député Jean-Luc Mélenchon, mais vous étiez hier à l'Assemblée Nationale en observateur
00:22 au moment où Elisabeth Borne a annoncé qu'elle aurait recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer sa réforme des retraites.
00:30 Est-ce que ce matin vous regrettez l'utilisation de cet article, vous auriez préféré un vote, ou bien est-ce que vous êtes satisfait de voir le gouvernement contraint d'y recourir ?
00:39 - Je suis... Les deux. D'un côté, le 49.3 est une mesure extrêmement brutale, pardon de vous contredire, mais elle n'a pas d'équivalent,
00:49 car 49.3 bloque et considère qu'une loi est adoptée tant que le gouvernement n'a pas été renversé. Nous avons un article équivalent à celui des Allemands,
00:59 c'est le 49.2, ou je crois que c'est le 49.2 qui dit qu'on peut déposer une motion de défiance à l'égard du gouvernement,
01:06 mais c'est en dehors de la procédure de l'adoption d'une loi. Donc ça c'est un cas unique qui résulte, là vous avez raison, d'une situation cafardesque
01:15 de la période de la quatrième république, où on a essayé d'inventer, le général de Gaulle avait appelé ça la démocratie rationalisée.
01:23 Je vous jure, tout le monde, c'était quand même une façon de serrer la gorge à tout le monde. Donc il n'y a pas d'équivalent, et donc de ce point de vue,
01:30 je déplore ce 49.3 et je souhaite que la cinquième république soit remplacée par une sixième république à la suite d'une constituante.
01:37 Mais, après c'est un combat, enfin on ne va pas raconter d'histoire, c'est un combat qui a lieu. La France sociale est entièrement mobilisée,
01:45 la France politique est entièrement mobilisée, tous les partis, et dans ce combat, on regarde le président de la république qui administre l'État
01:54 au lieu de gouverner le pays. Alors lui il a décidé qu'il fallait absolument cette réforme-là, celle-là, et pas une autre.
02:01 Et la discussion n'a pas lieu, et ça passe de force.
02:03 - Mais vous auriez voulu un vote des députés à l'Assemblée, vous auriez aimé qu'il y ait un vote sur les 74.3 ?
02:07 - Attendez, moi je prends, ce n'est pas mes vœux n'importe peu, ce qui compte c'est la situation politique. La situation politique est la suivante,
02:15 nous avons, nous, atteint notre objectif, nous je dis tous ceux qui étaient contre cette réforme, ce texte n'a aucune légitimité parlementaire,
02:24 on a raison de se révolter, on a raison de se mobiliser, parce que ce texte ne vaut que ce que vaut la parole de quelqu'un qui est minoritaire dans le pays,
02:33 le président de la république, qui n'a pas de majorité à l'Assemblée.
02:36 - Et d'un point de vue institutionnel, le texte aura valeur si l'émotion de censure lundi prochain échoue ?
02:41 - Alors, bien sûr, mais il y a façon et façon, comme je l'ai dit, on administre ou on gouverne.
02:47 Si vous administrez, ben c'est écrit à l'article 49.3, ceci et cela va se passer.
02:51 Si vous gouvernez, ça veut dire quand même tenter de rassembler un peuple sur des objectifs communs, c'est une méthode épouvantable.
02:58 Et j'ajoute ceci, ce sera une très grande première dans l'histoire parlementaire de la France,
03:03 parce qu'on aura un texte qui n'aura été voté librement nulle part, ni au Sénat, ni à l'Assemblée.
03:09 - C'est un petit peu de votre faute, pour l'Assemblée ?
03:11 - Ah mais...
03:12 - L'obstruction de la première lecture, l'article 7 n'est pas examiné, parce que vous ne voulez pas qu'il soit examiné.
03:17 - Eh bien, mais écoutez, rien n'obligeait à ce qu'il y ait un temps contraint.
03:20 Ça, c'est une trouvaille de M. Macron et de Mme Borne.
03:23 Ils ont décidé, article 47.1, qu'on appliquerait l'article 47.1 qui limite dans le temps la discussion.
03:30 Et le limite d'une manière qui n'est pas constitutionnelle,
03:33 parce que ça se rapporte à la nécessité obligatoire d'avoir voté le budget de l'État et de la Sécu avant Noël.
03:39 On n'est pas à Noël, là, on est en janvier.
03:41 Si on appliquait littéralement la Constitution,
03:44 on dirait "bah vous avez jusqu'à décembre prochain pour en discuter,
03:47 puisque c'est prévu qu'on doit avoir fini en décembre".
03:50 Non, ce qui est prévu, c'est que ça fera 50 jours.
03:52 1) C'est lui qui a bloqué la discussion.
03:54 2) La discussion a commencé.
03:56 Soit vous décidez que le droit d'amendement n'existe pas,
03:59 il comporte la possibilité de faire de l'obstruction,
04:02 tout le monde en a fait, de tous les partis, depuis le début de la Ve République.
04:06 Je vous rappelle qu'a duré deux mois la privatisation de TF1,
04:10 pour donner un exemple, j'en ai vu d'autres, à l'Assemblée Nationale ou au Sénat.
04:14 Par conséquent, ça n'a pas été voté librement au Sénat à cause du 47-1,
04:18 puis il y a eu un vote bloqué,
04:19 et à l'Assemblée Nationale, on a voté de deux,
04:22 en tout et pour tout, deux articles de la loi,
04:24 dont un a été battu.
04:25 – Compte tenu de ce que vous nous dites Jean-Luc Mélenchon,
04:27 est-ce que vous reprenez l'expression de Mathilde Panot,
04:30 hier chef de file des députés insoumis à l'Assemblée,
04:32 "nous sommes dans un basculement autoritaire", vous dites ça ce matin ?
04:35 – Alors, je pense qu'elle a raison de parler comme elle le fait,
04:38 d'abord si on parle un ton plus bas, on n'est pas écouté,
04:40 alors donc il faut toujours un peu monter le ton.
04:42 Mais elle n'est pas la seule, au Sénat,
04:45 une sénatrice socialiste a dit que c'était un coup d'État.
04:48 – Mais Michel Rocart était autoritaire alors ?
04:49 – Mais je sais pas, moi j'ai pas là,
04:51 c'est pas Michel Rocart qui est en face de moi, je le regrette.
04:53 – Mais 28 fois il a utilisé le 49-3, 28 fois.
04:55 – Parce que c'était un vrai démocrate, contrairement à l'usage abusif qui a été fait.
04:59 – Et adepte du 49-3.
05:00 – Oui, ben peut-être bien, mais pas moi, donc je le dis,
05:04 mais je ne voudrais pas qu'on assigne Michel...
05:05 – Non mais à l'époque vous étiez sénateur Jean-Luc Mélenchon,
05:07 le recours au 49-3 ne vous scandalisait pas ?
05:10 – Ah bon ? Ah bon ? Ben c'est que vous avez des souvenirs qui sont imprécis.
05:14 Disons que j'ai eu des tensions avec M. Michel Rocart comme avec d'autres,
05:17 mais Michel Rocart était un vrai démocrate, personne ne peut lui retirer ça.
05:22 Ce n'est pas le cas, et d'abord Michel Rocart croyait à ses idées.
05:25 Madame Borne est soi-disant de gauche,
05:27 personne ne se rappelle ce qu'elle a fait à gauche,
05:28 ni quel type de bataille elle a jamais mené à gauche,
05:31 et elle vient et elle commence par citer Rocart
05:33 le jour où elle procède à un coup de force.
05:35 Et voyez-vous, il s'est passé quelque chose d'assez fondamental,
05:40 c'est que tout aussitôt il s'est produit des mobilisations spontanées dans tout le pays.
05:44 Il va de soi que pour ma part je les encourage,
05:47 parce que je pense que c'est par là que ça se passe.
05:49 Et les syndicats unis nous réappellent à l'action ce week-end et le 23 mars.