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France Culture
  • 13/03/2023

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00:00 7h-9h, les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:05 Les stars d'Hollywood en raffolent, les influenceurs, l'adulte sur TikTok à base
00:09 d'une seule injection par semaine.
00:11 L'ozympique, un médicament initialement prévu pour traiter le diabète, ferait perdre
00:16 du poids ce détournement.
00:17 Or de tout cadre médical fait polémique.
00:19 Ce médicament suscite de grands espoirs du côté du traitement de l'obésité.
00:23 Comment fonctionne-t-il et comment mieux en encadrer les usages ?
00:27 Bonjour Jean-Jacques Altman, vous êtes endocrinologue, professeur émérite à l'université Paris
00:33 Cité.
00:34 Je dois d'abord vous demander vos éventuels conflits d'intérêts.
00:37 Je n'en ai aucun.
00:38 C'est une bonne chose.
00:40 En revanche, vous avez publié le grand livre du diabète aux éditions Errol.
00:43 Il faut donc nous présenter ce qu'est l'ozympique.
00:46 L'ozympique est un traitement initialement du diabète assez efficace, employé en France
00:52 par plusieurs centaines de milliers de patients.
00:54 Je rappelle qu'il y a environ 3 millions de diabétiques dits de type 2 dans notre
00:58 pays.
00:59 Rappelez-nous ce qu'est le type 2.
01:00 Le diabète de type 2 est un diabète qui atteint les personnes dits d'âge mûr, des
01:05 adultes d'une cinquantaine d'années, le plus souvent sédentaires, en surpoids, peu
01:09 actifs et qui développe tout doucement un diabète appelé de type 2 par opposition
01:15 au type 1 qui est un diabète chez le jeune enfant qui brutalement est privé d'insuline,
01:20 l'hormone qui fait baisser le sucre dans le sang.
01:22 Quel est le lien entre le diabète, la lutte contre le diabète puisque c'est l'indication
01:29 originelle de l'ozympique et l'obésité ?
01:32 La plupart des diabétiques dits de type 2 qu'on vient de définir sont en surpoids.
01:36 Ce n'est pas obligatoire mais presque tous.
01:38 Et ce surpoids empêche justement l'hormone, l'insuline dont on vient de parler d'agir,
01:43 elle agit mal.
01:44 Il y a ce qu'on appelle l'insulino-résistance et comme elle n'agit pas bien, le sucre
01:48 dans le sang monte.
01:49 Et donc l'ozympique utilisé dans cette autre prescription, comment ce médicament agit-il ?
01:59 Dans le diabète, il agit d'abord essentiellement en augmentant le taux d'insuline dans le
02:05 sang.
02:06 Ça c'est une bonne chose puisque comme on en manque, si on en met plus, ça va finir
02:10 par compenser son défaut d'activité.
02:12 Et donc c'est le corps naturellement qui sécrète plus d'insuline ?
02:15 Oui, le corps sécrète plus d'insuline et l'ozympique en fait est ce qu'on appelle
02:19 un analogue.
02:20 C'est une molécule qui copie une hormone existante qui s'appelle le GLP, un nom un
02:25 peu compliqué qui est un acronyme anglais.
02:27 Et ce GLP qui est sécrété par nos cellules intestinales va stimuler la sécrétion d'insuline.
02:34 Et l'ozympique fait la même chose et c'est son mode d'action principal.
02:37 Mais il se trouve qu'il a d'autres actions.
02:39 Et l'autre action importante qui d'ailleurs au départ est plutôt un effet indésirable
02:45 mais qui vous allez le voir va être récupérée comme action positive, c'est qu'il ralentit
02:51 la vidange de l'estomac.
02:52 L'estomac se vide mal.
02:53 Et quand votre estomac est rempli d'aliments, même très peu, vous allez avoir rapidement
02:58 une sensation de satiété.
03:00 Vous n'allez plus avoir faim.
03:01 Et c'est un coup fin.
03:03 Bon j'aime pas ce mot comme la plupart des spécialistes de mon domaine.
03:07 Pourquoi vous n'aimez pas ce coup ?
03:08 Parce que c'est pas joli, c'est pas physiologique, c'est désagréable.
03:16 Puis c'est connoté avec des tas de molécules anciennes qui ont toutes été très dangereuses
03:21 et qui ont été retirées du marché avec précipitation.
03:23 On aimerait mieux un régulateur de l'appétit qu'un coup fin.
03:31 Et donc cette action qui finalement chez le diabétique s'est trouvée positive.
03:36 Puisque comme il mange moins, il réduit ses apports.
03:39 Et en réduisant les apports, vous avez une contribution à la perte de poids.
03:44 Mais est-ce que ce n'est pas dangereux de mal vider l'estomac ?
03:47 Je reprends vos termes, professeur.
03:49 Si, il y a des pathologies de la vidange gastrique, y compris des maladies très graves.
03:56 Si vous avez un cancer de l'estomac, vous videz mal votre…
03:59 Mais enfin là c'est pas du tout le cas.
04:00 C'est complètement autre chose.
04:02 La vidange est ralentie.
04:05 Il y a d'autres molécules qui font ça.
04:06 Il y a beaucoup de médicaments qui font ça, mais en général de manière marginale.
04:09 Il y a des antihypertenseurs qui font ça.
04:11 Et ça ne compte pas parce que c'est un effet très petit.
04:14 Mais là comme l'effet est majeur, ça finit par entraîner…
04:17 Chez le diabétique, il perd de poids de quelques kilos.
04:20 L'ozympique est donc aujourd'hui très à la mode.
04:23 Donc en fait il donne une impression de satiété aux personnes qui en prennent, c'est ça ?
04:29 C'est ça, oui.
04:31 Comme vous l'avez dit dans l'introduction, ça s'injecte une fois par semaine.
04:35 C'est relativement facile avec des stylos jetables très pratiques,
04:39 dont les diabétiques sont très heureux de l'existence.
04:42 Parce que moi, qui ai un certain âge, je peux vous dire que j'ai connu des techniques autrement plus ancestrales.
04:47 Et donc c'est extrêmement pratique, extrêmement facile, indolore et très pratique.
04:51 C'est un nouveau médicament ?
04:53 Pas tant que ça.
04:54 En France, je crois que j'ai regardé la MF, la autorisation de vente, elle date de 2019.
04:59 Ça fait 4 ans.
05:00 Et aux Etats-Unis, je pense que c'est à peu près pareil.
05:04 Et donc c'est devenu très à la mode, je m'excuse d'employer ce terme, mais c'est un peu la question.
05:08 Parce qu'avec les réseaux sociaux, aujourd'hui ce médicament est promu de manière complètement illégale.
05:13 J'ai compris que des stars comme Kim Kardashian à Elon Musk, l'avoir employé, en étaient très satisfaits.
05:21 Et puis ce qu'on appelle les influenceurs ou les influenceuses, je ne vais pas faire de misogynie,
05:26 en ont beaucoup parlé sur le fameux réseau TikTok.
05:29 Et cette molécule a eu un gros succès, alors qu'il y en a une autre qui existait un petit peu avant,
05:34 qui a agi exactement pareil et qui a été victime de dérive aussi.
05:38 Elle s'appelle Trudy City, mais moins qu'Ozempic.
05:42 Je ne peux pas vous dire pour quelle raison.
05:43 Je crois que ça a commencé en Australie d'ailleurs.
05:45 Puis ça a gagné les Etats-Unis et maintenant la France.
05:47 Quels sont les effets secondaires de ce médicament ?
05:50 Les effets secondaires, parce qu'il ne faudrait pas perdre de vue que c'est quand même une très bonne molécule pour diabétique.
05:56 Je ne voudrais pas faire peur aux diabétiques qui les emploient.
05:59 Mais malgré tout, il y a des effets secondaires décrits, d'une gravité importante.
06:04 Le plus important est le risque de cancer à la thyroïde, qui est très, très, très, très, très, très faible.
06:09 On va dire c'est un cancer pas grave, si on paie ses expressions.
06:12 Enfin bon, personne n'aimerait avoir ça.
06:14 Il y a un effet plus embêtant, puisque ça peut donner des cailloux dans la bile et dans la vésicule biliaire, des crises de colique hépatique.
06:22 Et il y a un troisième effet, il est suspecté de pouvoir donner des pancrates aigus.
06:26 Ça, c'est plus embêtant.
06:28 Ces effets indésirables sont rares.
06:31 Ce qui est embêtant dans la prescription non encadrée pour l'obésité, c'est que vous n'avez aucun contrôle médical.
06:37 Les gens l'achètent par des filières que je ne connais pas.
06:40 Peut être des compromissions avec je ne sais pas quel membre du service de santé.
06:45 Et il n'y a pas de contrôle du tout.
06:46 Si vous êtes un diabétique, vous voyez votre médecin, votre diabétologue régulièrement.
06:50 Il y a des stratégies pour prévenir des effets indésirables, pour les détecter.
06:54 Ce n'est pas du tout la même chose.
06:55 Dans une utilisation hors contrôle, la fréquence des effets indésirables sournois va beaucoup augmenter.
07:02 Et par ailleurs, c'est un peu une question naïve, mais c'est si facile que ça de se procurer un médicament
07:09 que normalement on ne devrait pas se voir administré, professeur ?
07:13 Ce qu'il faut dire aussi, c'est que pour l'instant,
07:17 il n'y a pas eu ce qu'on appelle d'AMM, d'autosétonomie sur marché, pour l'indication obésité.
07:22 Mais cette indication est en cours de demande.
07:24 Pour l'instant, vous avez uniquement une indication pour le diabète de type 2.
07:28 Et oui, parce que dans The Economist, il y a 10 jours, il y avait justement un gros dossier là-dessus
07:34 expliquant que l'obésité était évidemment un fléau et que pour le combattre,
07:40 les laboratoires rivalisaient à la fois d'ingéniosité, etc.
07:44 Un immense marché.
07:46 Mais c'est vrai, moi, depuis les décennies que je fais ce métier,
07:50 j'ai vu beaucoup de molécules apparaître et disparaître.
07:53 Et vous disiez aussi dans votre introduction, le mot miracle, on l'aime pas beaucoup en médecine,
07:58 on préfère efficacité, opiniatreté, succès, résultats.
08:02 Mais c'est vrai que les contraintes, d'ailleurs c'est un des effets indésirables,
08:06 si j'ose dire, de l'ozone pic mal manié,
08:08 c'est que vous pensez qu'il n'y a aucun effort à faire particulier pour maigrir.
08:11 Or, ce n'est malheureusement pas vrai.
08:13 Pourquoi ?
08:13 Parce que vous devez avoir une hygiène de vie adéquate, mieux manger,
08:19 ce qui ne veut pas dire mal manger et rien manger.
08:21 Faire de l'activité physique est un bien fait pour tout le monde de 7 à 77 ans.
08:26 Et si vous pensez que vous n'avez plus du tout à faire ça,
08:28 et uniquement vous injecter un petit médicament que ça va se faire tout seul,
08:31 franchement, c'est philosophiquement gênant, je pense.
08:34 Merci beaucoup.
08:35 Professeur, je rappelle Jean-Jacques Altman que vous avez publié le grand livre du diabète,
08:41 c'est aux éditions Erroll.

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