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  • 15/02/2023

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Transcription
00:00 Nous sommes avec Farid Vahid, directeur de l'Observatoire de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient,
00:03 à la Fondation Jean Jaurès. Farid Vahid, bonsoir.
00:06 Merci beaucoup d'être avec nous sur France 24.
00:08 Il s'agit de la première visite d'état d'un président iranien en Chine depuis plus de 20 ans.
00:13 Cette visite, elle doit permettre avant tout de renforcer la coopération entre les deux pays,
00:18 surtout rendre opérationnel l'accord signé il y a un peu plus d'un an.
00:22 C'est ça et surtout, c'est dans le contexte du mouvement révolutionnaire en Iran.
00:26 C'est l'occasion pour la République islamique de montrer qu'ils ne sont pas isolés par la communauté internationale,
00:31 de contrer le narratif, ce qu'ils appellent le narratif occidental,
00:34 en disant qu'ils entretiennent d'excellentes relations avec une partie de la communauté internationale.
00:39 Donc c'est la philosophie du regard vers l'est de la République islamique,
00:42 c'est-à-dire partenariat militaro-stratégique avec la Russie et surtout partenariat économique avec la Chine.
00:48 Avec des pays qui ne regardent pas finalement ce qui se passe à l'intérieur, la répression actuelle.
00:54 Entre ces pays, c'est d'abord leur rivalité avec l'Occident.
00:58 Effectivement, la Chine et la Russie ne se préoccupent pas de la situation des droits de l'homme à l'intérieur de l'Iran.
01:03 Il ne faut pas oublier que l'Iran va vers un effondrement économique total
01:08 et la seule bouffée d'oxygène pour le régime iranien finalement,
01:10 c'est de vendre son pétrole, beaucoup moins cher que le prix du marché, aux Chinois.
01:14 Les Chinois, aujourd'hui, c'est le seul client du pétrole iranien en raison des sanctions américaines.
01:19 La Chine qui est le premier partenaire commercial de l'Iran,
01:22 aujourd'hui, l'Iran qui a beaucoup plus besoin aujourd'hui de la Chine que l'inverse.
01:29 Effectivement, l'Iran a beaucoup plus besoin de la Chine que l'inverse.
01:32 Après, dans un contexte de crise énergétique et dans le monde,
01:35 je pense que ça arrange très bien les Chinois d'avoir avec ça un pétrole beaucoup moins cher que le prix du marché.
01:39 Avec ce partenariat avec l'Iran, ça leur aide aussi d'avoir un allié stratégique au Moyen-Orient.
01:45 Vu l'influence de l'Iran dans beaucoup de pays de la région, finalement en Syrie, au Yémen, en Irak.
01:50 Donc ça reste un partenariat qui peut être dans l'avantage aussi des Chinois.
01:54 Mais effectivement, les Iraniens ont beaucoup plus besoin des Chinois.
01:57 Et derrière, il y a eu des tensions entre l'Iran et la Chine au moment de la visite du président chinois en Arabie saoudite,
02:02 il n'y a pas très longtemps, et certains propos tenus par des responsables chinois sur des îles controversées dans le Golfe Persique.
02:08 Justement, lors d'une rare visite en Iran, c'était en 2016, le président Xi Jinping,
02:12 il avait décrit l'Iran comme le principal partenaire de la Chine au Moyen-Orient.
02:18 Est-ce que c'est toujours le cas aujourd'hui ?
02:21 Ça n'a jamais été le cas et ce n'est toujours pas le cas.
02:23 Ça, c'est l'idéal de la République islamique pour le guide de la révolution en Iran.
02:27 Effectivement, l'idéal serait d'avoir un partenariat stratégique extraordinaire avec la Chine,
02:32 d'être le principal allié de la Chine dans la région et de former un axe anti-occident, Téhéran, Pékin, Moscou.
02:38 Mais ça n'a jamais été le cas dans le sens où les Chinois entretiennent de trouver une relation avec l'Arabie saoudite,
02:42 avec les Émirats arabes unis, avec Israël, avec tous les pays adversaires de l'Iran dans la région.
02:47 Et cet axe Moscou-Téhéran-Pékin, est-ce qu'il est vraiment réaliste
02:53 quand on voit aussi les échanges actuels de la Chine avec les États-Unis ?
02:57 La Chine ne veut pas se brouiller économiquement avec Washington.
03:02 C'est une très bonne question. Concernant la Chine, c'est compliqué.
03:04 Après, avec la Russie, ça se matérialise quand même.
03:06 Il y a les intérêts politiques et puis les intérêts économiques.
03:08 Exactement, il y a les intérêts politiques, idéologiques, économiques.
03:11 Il y aura besoin de la Chine économiquement pour pouvoir poursuivre, quand même,
03:15 avoir un certain PIB pour continuer à payer leurs fonctionnaires,
03:18 pour pouvoir quand même vendre un peu de pétrole. Ils ont besoin des Chinois.
03:20 Après, sur le volet anti-Occident, stratégique et à l'influence régionale,
03:24 ils ont plus les yeux vers Moscou que vers Pékin.
03:26 Mais Pékin, pour la République islamique, c'est le seul moyen de survie économique.
03:31 Et cette visite, elle intervient aussi alors que, évidemment,
03:34 l'Iran est sous le coup de sanctions occidentales.
03:36 La Chine aussi est en froid avec les Occidentaux.
03:39 On a vu ces histoires de ballons chinois au-dessus des États-Unis.
03:43 Cette visite, c'est une manière de renforcer encore un peu plus,
03:46 vous l'avez évoqué, ce camp anti-Occident ?
03:50 Oui et non. Pour les Iraniens, le plus important pour la République islamique,
03:53 c'est vraiment dans le contexte des événements à l'intérieur de l'Iran.
03:57 Alors que les Iraniens demandent à la communauté internationale
04:00 d'isoler le régime et de ne pas être dans le régime.
04:02 C'est un moyen pour le régime de montrer qu'ils peuvent sortir du pays,
04:05 entretenir des relations avec d'autres pays, en l'occurrence,
04:08 un pays quand même puissant comme la Chine.
04:10 Pour les Chinois, vous l'avez très bien dit, l'Iran n'est pas un pays indispensable.
04:14 L'économie chinoise se situe dans l'économie mondiale.
04:16 L'économie iranienne est complètement isolée de l'économie mondiale,
04:20 de la finance du monde. Ce n'est pas le cas de la Chine.
04:22 Pour la Chine, l'Iran, c'est un bonus.
04:25 C'est d'avoir, avec ça, un certain avantage.
04:27 Pour la République islamique, c'est beaucoup plus crucial que ça.
04:29 Donc on revient à la même chose.
04:31 Pour Téhéran, c'est primordial d'avoir une relation économique sérieuse avec Pékin,
04:36 ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui.
04:37 Ils ont signé un accord de 25 ans en 2021, mais ce n'est pas encore un traité.
04:41 Ça n'a pas été ratifié par les parlements.
04:43 On ne connaît même pas les articles de ce traité-là.
04:47 Et c'est finalement très idéologique parce que pour la République islamique,
04:50 qui entretient une haine anti-occident et le JCPOA qui n'a pas fonctionné
04:54 et de toute façon qui ne fonctionnera pas,
04:57 au contexte des événements encore actuels,
04:59 c'est la seule porte sortie, la relation avec Pékin.
05:02 Et est-ce que ce rapprochement iranien avec la Chine,
05:05 c'est une manière pour Téhéran de se sentir encore plus fort face aux États-Unis,
05:11 notamment concernant son programme nucléaire ?
05:14 Est-ce que c'est une manière d'avoir un peu plus les mains libres ?
05:18 Je ne dirais pas les mains libres parce que sur ce volet-là,
05:20 ils ne sont pas complètement d'accord entre Pékin et Téhéran.
05:22 Pékin pousse quand même la République islamique à revenir à l'accord nucléaire de 2015
05:27 parce que ce n'est pas dans l'intérêt des Chinois, des Russes non plus,
05:29 d'avoir un Iran nucléaire.
05:32 En revanche, le gouvernement actuel en place en Iran et le régime en son ensemble
05:37 n'a pas du tout envie de revenir sur les termes de l'accord pour plusieurs raisons.
05:42 Mais sur ce volet-là, je disais que non,
05:44 il y a quand même un certain désaccord entre les Chinois
05:46 qui ont quand même d'autres pays partenaires dans la région
05:50 qui poussent tous à mettre la pression sur Téhéran pour ne pas se doter de l'arme nucléaire.
05:54 Donc je pense que pour l'Iran, ça revient vraiment à la dimension économique,
05:59 dans la rivalité entre les Chinois et les Américains.
06:02 L'Iran n'a pas, la République islamique n'est pas une carte très importante à jouer non plus.
06:07 Donc cette visite, elle est surtout importante pour l'Iran.
06:12 Mais pour revenir à la Chine, qu'est-ce que ça apporte concrètement à la Chine, ce rapprochement ?
06:19 Iran, ça reste quand même un pays important, il ne faut pas l'oublier.
06:21 C'est 85 millions d'habitants, c'est un énorme marché au Moyen-Orient.
06:25 Ça porte l'entrée vers toute l'Asie de l'Ouest.
06:27 Les Iraniens poussent aussi pour avoir les nouvelles routes à la soie
06:30 qui passeraient idéalement par l'Iran.
06:33 Il y a quand même un contexte géopolitique qui est complexe.
06:35 Les Iraniens essayent aussi de se rapprocher de l'Inde.
06:38 Ce n'est pas forcément dans l'intérêt des Chinois.
06:41 Donc c'est quand même un jeu géopolitique subtil.
06:43 C'est une manière de contrer l'Inde aussi, de se rapprocher de l'Iran pour les Chinois ?
06:47 Effectivement, de toute façon, ça reste un marché économique important.
06:50 Et le plus important, c'est l'énergie. C'est la question de l'énergie.
06:53 Les Iraniens aujourd'hui ont beaucoup de pétrole, beaucoup de gaz, mais ne peuvent pas le vendre.
06:56 C'est juste les Chinois qui sont les clients des Iraniens.
06:58 Donc ça les arrange d'acheter du pétrole moins cher que ce que les Français ou les Américains
07:03 ou d'autres pays du bloc occidental achètent.
07:05 Donc l'intérêt pour Pékin est économique.
07:07 Pour l'Iran, c'est un intérêt politique, diplomatique et idéologique.
07:11 Merci beaucoup Farid Vaid-Dabarazi, notre invité ce soir sur France 24
07:16 pour revenir sur cette visite d'État du président iranien Ibrahim Raisi en Chine.
07:21 Visite d'État de trois jours qui a débuté ce mardi.

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