Pascal Perrineau: «Elisabeth Borne n’a pas joué son rôle de chef de la majorité durant la campagne»
  • il y a 2 ans
A quoi avons-nous assisté, au juste, dimanche soir ? Les chiffres démontrent plutôt un match nul entre la gauche et la macronie, les commentaires soulignent plutôt une performance de la Nupes et une contre-performance de la majorité… Que faut-il en déduire ? « Il y a une vérité des chiffres, c’est plutôt un matche nul, tranche Pascal Perrineau, politologue et professeur émérite à Sciences Po. Le bloc majoritaire a perdu environ trois points, les composantes de la Nupes ont gagné deux ou trois points. Au fond, on assiste à une assez grande stabilité de ces blocs même si, bien sûr, avec la Nupes, une gauche radicale est de retour. »

Et alors qu’on parle beaucoup de « résurrection de la gauche », la Nupes ne récolte tout juste qu’un quart des voix. « Ce n’est pas un score fabuleux, juge notre invité. Comparé à ce que des candidats comme Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon ont su attirer au premier tour, c’est même une érosion. 25% à 26% pour un bloc de gauche, en France, ce n’est pas grand-chose. »

Toujours est-il que le résultat reste une déception pour le camp macroniste. « Plusieurs facteurs expliquent ce résultat, analyse Pascal Perrineau. Les forces qui constituent Ensemble! ne sont jamais devenues de vrais partis locaux. Or, une élection législative, c’est aussi une élection locale ! Même les députés sortants de la macronie sont souvent inconnus au bataillon (…) Aussi, la campagne a été indigente. Programme extrêmement tardif, extrêmement flou, manque d’énergie… Et Elisabeth Borne n’a pas joué son rôle de chef de la majorité durant la campagne. »

Si Emmanuel Macron devait décrocher moins de 289 députés à l’issue du second tour, en quoi la situation serait comparable a ce qu’a connu François Mitterrand en 1988 ? « La situation serait proche mais avec des différences. Proche, car en 1988, Mitterrand ne dispose pas de la majorité mais il ne lui manque que quelques unités pour atteindre la barre des 289 et le gouvernement de Michel Rocard va de temps en temps s’appuyer sur les élus d’Outre-Mer, sur les centristes et les modérés… Et il y avait l’article 49.3 qui a été utilisé vingt-huit fois, ce qui n’est plus possible aujourd’hui. La majorité est plus exposée désormais, ça sera plus difficile, surtout s’il manque une vingtaine de députés (…) Sans majorité absolue, Emmanuel Macron apprendra un peu de culture parlementaire ! »

Il ajoute: « Dans le même temps, l’électorat est de plus en plus exaspéré qu’on lui dise de voter contre la droite radicale, contre la gauche radicale… Les électeurs ont envie qu’on leur donne de bonnes raisons pour voter. Un projet, une ambition pour le pays et il faut bien reconnaître que ce n’était pas le cas pour ces législatives. »
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