Xenakis : Psappha (Adélaïde Ferrière)
  • il y a 2 ans
Adélaïde Ferrière du trio Xenakis interprète Psappha, pour percussion solo, pièce composée par Iannis Xenakis en 1975. Extrait du concert donné le 8 mai 2022 à l'auditorium de la maison de la Radio et de la Musique.

Rejetant l’imagerie sentimentale de Sappho de Lesbos, Xenakis revient aux sources grecques en choisissant le nom de Psappha, forme éolienne attestée dans plusieurs fragments de la poétesse. Lui qui avait déjà puisé son inspiration dans ses poèmes pour écrire Anaktoria (1969), savait aussi que Sappho avait inventé une structure métrique (strophe saphique) dans laquelle est utilisé notamment un vers de 11 pieds, constitué de syllabes longues et brèves (dès 1892, Camille Saint-Saëns s’en était servi dans le Chant saphique pour violoncelle et piano). Enfin, il a été sensible au fait que Sappho aurait introduit dans la poésie grecque le principe des métaboles rythmiques, autrement dit, des « changements » dans l’organisation des longues et des brèves.
Après Persephassa, le compositeur gréco-français poursuit donc son exploration du rythme en suivant une « approche intuitive », comme il l’expliquait en 1976 au moment de la création de l’œuvre. Dans Psappha, un seul percussionniste prend en charge six groupes d’instruments. Chaque groupe est désigné par le matériau (peau, métal, bois), et la liberté est laissée à l’interprète d’associer des instruments de son choix en respectant seulement cette donnée. Quant à la notation du rythme, elle découle de la définition qu’en donnait Xenakis : « En quoi consiste le rythme ? C’est choisir des points sur une droite, la droite du temps. Le musicien compte le temps de la même façon qu’en marchant on compte les bornes kilométriques. »
Dans Psappha, Xenakis construit un système de lignes et de points qui pourrait figurer l’isochronisme des pas du marcheur. Chaque ligne verticale qui coupe les lignes horizontales correspond à un battement ; le tempo est de 152 battements par minute. Les points d’impact distribués sur les lignes attribuées à chaque groupe sont disséminés suivant le principe des cribles. Si les premières combinaisons peuvent évoquer la métrique grecque (on perçoit une cellule iambique, une brève suivie d’une longue), la complexité s’accroît rapidement comme dans Persephassa : densification des groupes, superposition de couches rythmiques dotées chacune de sa propre accentuation, métaboles multiples qui changent les rapports de proportion entre les durées.
Ces effets polyrythmiques, associés à la variété des timbres et aux contrastes produits par les changements de dynamique, font de Psappha une œuvre novatrice et « un défi pour le percussionniste », de l’aveu même de Xenakis.
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