Il avait les mains blanches et larges Il avait un cou de taureau Le dos cassé par trop de charges A sa manière il était beau Sur son tablier éclatant On apercevait quelques traces De lymphes séchées ou de sang D'animaux devenus carcasses
Le jour où je l'ai rencontré Au milieu d'un fatras de viande Il n'a rien eu à me montrer J'ai su comprendre sa demande Un seul clin d'oeil a suffi Pour que je le suive en silence Il m'a ouvert son paradis Sa chambre froide c'était Byzance
{Refrain} Oh mon boucher oh mon roi Vient me coucher contre toi Oh mon boucher oh mon roi Viens te coucher contre moi
Pendus au bout de leurs crochets Ils étaient trente à m'observer Roses comme un corps de ballet Allaient-ils se mettre à danser Le boucher me pris par les hanches Et me bascula en arrière J'étais comme un roseau qui penche Face à un chêne centenaire
L'étreinte qui suivi fut brève Et bénéfique, et angoissante Il me revient souvent en rêve Le goût de sa bouche insistante Cernée par les cadavres nus Des porcs voués à son billot Je l'ai aimé sans retenue Je l'ai aimé sans dire un mot
{refrain}
Quand il s'abandonna enfin J'entendis comme un grognement Un petit râle un peu éteint Qui n'était pas de mon amant Mais qui d'autre pouvait gémir? Levant les yeux dans un effort Oh je dus admettre le pire L'un des porcs n'était pas mort
Il respirait si faiblement Que je crus d'abord me tromper Mais en un instant mon amant Etait debout à mes côtés Il attrapa une arme blanche Et la leva vers le porcin L'attaque fut précise et franche Le cochon décéda soudain
{refrain}
Je n'ai pas revu mon amour Ni les néons des chambres froides Depuis j'ai banni pour toujours Le goût du porc même en salade Et je garde comme un trésor Le souvenir chaud de ses mains J'oublie le cochon demi-mort Et je dors, et je dors, et je dors, Jusqu'au lendemain!