Thierry de Montbrial: «Sans redressement économique, l'influence de la France dans le monde continuera de diminuer»

  • il y a 5 ans
Mathématicien et économiste, Thierry de Montbrial, 76 ans, s’est très vite intéressé aux questions internationales. Premier directeur du Centre d’analyse et de prévision du Quai d’Orsay, il a créé en 1979 l’Institut français de relations internationales, l’un des grands think tanks de référence au niveau international. Auteur de très nombreux livres, il préface chaque année Ramses, le rapport de l’Ifri décrivant l’état du monde.

Cela fait désormais 40 ans que l’Ifri suit le cours des événements mondiaux. Thierry de Montbrial a eu l’oreil de tous les président de la République. Reste-t-il marqué par l’un d’entre eux ? « Certainement pas François Mitterrand, répond-il, mais plutôt Nicolas Sarkozy ou Emmanuelle Macron, chacun dans leur genre ». 

Justement, lorsque ce dernier est arrivé au pouvoir, l’image de la France s’est aussitôt redressée. Or dans ans plus tard, elle souffre et le Président a de plus en plus de mal à prendre le leadership en Europe. D’où vient ce changement ? « Avec l’élection de Macron, ce qui m’a énormément frappé c’est qu’il y a, dans le monde, une énorme attente de l’Europe et de la France, beaucoup plus que ce qu’on croit. Or la France avait, très franchement, disparu des radars. On espérait que le miracle Macron allait se prolonger dans les faits. Jusqu’à ce qu’il connaisse les obstacles que l’on sait. Ces difficultés qu’il rencontre sont exactement les mêmes qui lui ont permis de réussir », analyse le géopolitologue.

En l’Europe, il estime qu’« il n’y a pas de leadership, qu’il n’y en a jamais eu. Aucune des grandes personnalités européennes n’en a réellement exercé ». Quid de la place de la France au sein de l’Union européenne ? Comment son influence a-t-elle évolué ? Thierry de Montbrial estime qu’« elle est plus faible qu’il y a quarante ans (...) Une politique étrangère repose sur trois piliers, ajoute-t-il : une tradition diplomatique et militaire, un concept comme l’avait de Gaulle, et une puissance économique. Progressivement, notre concept gaullien s’est dilué, imprégné de néoconservatisme américain. Aujourd’hui, le concept France n’est pas très clair. Et si nous ne parvenons pas à nous redresser économiquement, notre influence dans le monde continuera de diminuer. »

L’Allemagne, qui a reconquis sa puissance économique depuis l’après-guerre, est-elle devenue une puissance diplomatique ? « Précisément non. Elle a la puissance économique mais pas diplomatique, car elle n’a pas entièrement recouvré ses capacités antérieures dans ce domaine, idem sur le plan militaire. Aussi parce que dans une certaine mesure, elle ne le veut pas. L’opinion publique allemande reste tout de même assez provinciale. »