Kabylie :Hommage de Ferhat Mehenni a son fils aîné... 2014

  • il y a 8 ans
http://www.tamazgha.fr/Qui-a-tue-Ameziane-Mehenni-fils-de-Ferhat,1371.html
Rien n’est venu infirmer la version policière donnée à l’AFP selon laquelle ce crime n’aurait aucun lien avec les activités politiques du leader de la cause berbère. Une thèse qui résiste difficilement à l’examen du dossier.
Dans la nuit du 18 au 19 juin 2004, Ameziane Mehenni, trente ans, le fils du célèbre chanteur kabyle Ferhat, était mortellement poignardé par deux « individus de type maghrébins », boulevard de Clichy, à Paris. Un an plus tard, rien n’est venu infirmer la version donnée par l’AFP juste après le drame : « D’après la police, ce crime n’aurait aucun lien politique », stipulait la dépêche. « La police, si prudente d’habitude au début d’une affaire, avait étrangement dérogé à sa discrétion en orientant l’opinion sur une piste de droit commun », commente le père de la victime. La thèse officielle du meurtre par hasard résiste difficilement à l’examen du dossier. Les enquêteurs ne pouvaient ignorer qu’Ameziane jouait un rôle de conseiller auprès de Ferhat, une voix berbère aussi forte et adulée que celle de Lounès Matoub, assassiné en 1998.
Après le massacre par les gendarmes d’une centaine de jeunes Kabyles qui manifestaient leur désarroi au printemps 2001, Ferhat avait radicalisé ses positions et fondé le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) [1]. Ce faisant, il redevenait une cible prioritaire pour le gouvernement algérien. C’est l’aboutissement logique d’une trentaine d’années de militantisme, ponctuées par douze arrestations. En 1985, le leader berbère est condamné à trois ans de prison par la Cour de sûreté de l’État, pour la création de la première Ligue algérienne des droits de l’homme. De nouveau interpellé, menacé, il ramène ses enfants en France : « Je voulais leur épargner deux choses, la mort et l’arabisation. Je ne savais pas que la mort nous rattraperait ici », dit-il. L’homme reste digne en dépit d’une peine indicible.
La reconstitution des faits laisse perplexe. Quelques heures avant d’être tué, Ameziane a dîné avec des amis et des connaissances dans un restaurant, rue de Clignancourt. Il sort vers 23 heures et s’éloigne en marchant. Trois heures plus tard, il est accosté par deux individus. Il s’écroule, tente de se relever, sombre dans l’inconscience, tandis que ses agresseurs s’éclipsent sans être inquiétés. Il décédera « d’une hémorragie intra-thoraxique » à l’hôpital Bichat. Le rapport d’autopsie (d’une grande indigence) mettra en évidence « une plaie évaluée à 16 centimètres » ayant perforé le ventricule droit. Le médecin légiste se hasardera même à suggérer qu’Ameziane a été poignardé à terre, ce que rien n’autorise à conclure et ce qu’aucun témoin n’établit. Une lecture attentive du rapport, corrélée avec les témoignages, évoque un coup de couteau porté de face, par un agresseur gaucher.
Pour écarter la thèse de l’assassinat politique, l’enquête a mis en avant trois faits précis. Le même soir, un passant a été agressé au couteau sur le même boulevard. Ce type de fait divers est banal, explique-t-on. L’argument ne tient pas, car dans ce cas précis, plusieurs témoins ont entendu des cris, ils ont vu l’altercation et une course-poursuite. Les deux hommes qui ont accosté Ameziane n’ont pas élevé la voix. Le coup de couteau ne peut s’expliquer par une querelle. Deux autres témoignages sont mis en avant pour accréditer la thèse officielle. Au restaurant, la victime aurait repéré un individu avec qui il aurait eu une chicane quelques semaines auparavant. Ameziane pourrait avoir été victime d’un mauvais coucheur. Le fils du chanteur kabyle aurait, au cours du même dîner, exhibé un couteau et menacé, pour plaisanter, une convive. La mort serait donc à imputer à l’agressivité de la victime. Mais ces deux faits ont été rapportés plusieurs jours après par une même source : M. B. et sa petite amie, présents au dîner. Or ces affirmations n’ont été confirmées par aucun des autres convives. Et lorsque nous avons voulu interroger ce témoin, il avait discrètement quitté la France. Nous voulions lui demander, entre autres, dans quelles circonstances il avait renversé du vin rouge sur le pantalon d’Ameziane. Si l’on avait voulu le désigner à de possibles tueurs, on n’aurait pas fait mieux ! Aujourd’hui, les proches de la victime s’interrogent : quels sont les liens éventuels entre B. et les services secrets algériens ?
Ainsi, la thèse du meurtre par hasard,