Les entreprises sont confrontées à un besoin inédit de se renouveler. Ce besoin a des sources négatives et positives. La principale source négative est la poursuite excessive d’une finalité simpliste : faire des profits pour les actionnaires. Elle a isolé les entreprises et nourri la suspicion à leur égard. Si, désormais, nombre d’entreprises s’en plaignent, pour autant elles ne se réforment pas. Pour ce qui est des sources positives, d’abord et paradoxalement la suspicion mentionnée plus haut cache un souhait largement répandu de voir l’entreprise jouer un rôle prépondérant dans la recherche d’une croissance raisonnée génératrice de bien-être et de progrès. De même, par la révolution numérique et les innovations, dont le rythme s’accélère, l’entreprise est à même d’offrir des solutions nouvelles aux défis climatiques, de santé, économiques et environnementaux. Pour cela, les modèles actuels hérités du passé et, avant tout, la finalité et la gouvernance doivent être profondément repensés. Le culte de l’intérêt de l’actionnaire devient d’autant plus néfaste que les moyens pour l’accroître sont amplifiés par la révolution numérique et les avancées technologiques. Les entreprises prospères de demain seront celles qui, face à une complexité croissante, adapteront une gouvernance souple qui favorise l’innovation, tout en analysant la contribution au bien-être au travail et au bien commun. Sont exposées ici les conditions d’une telle gouvernance – modification de la finalité, prépondérance du projet d’entreprise, responsabilité devant l’ensemble des parties prenantes –, tout en sauvegardant l’essence même de l’entreprise – délégation d’autorité au dirigeant et poursuite d’un profit mesuré comme condition de pérennité. Les propositions sont certes radicales mais elles remettront l’entreprise au service de la Société.
Cette note a été écrite par Daniel Hurstel, avocat au Barreau de Paris, membre associé de l’Académie royale des sciences, des lettres & des beaux-arts de Belgique.