08. L'architecture, maîtresse des arts?

  • il y a 10 ans
Dominique Massounie, historienne de l'art, maître de conférences à l'université Paris Ouest Nanterre La Défense

« Ornement. C’est toute la sculpture qui décore l’architecture ; mais ce mot se prend dans Vitruve et dans Vignole pour signifier l’entablement », Augustin-Charles D’Aviler, Explication des termes d’architecture, 1693.
« Tant d’avantages, […] annonçant l’utilité de l’architecture, nous annoncent aussi sa magnificence, [et] lui donnent sans contredit la prééminence sur tous les autres arts qu’elle régit, en les associant à ses travaux : convaincu de cette vérité […], rendons compte à nos élèves de la supériorité de l’architecture, dans le dessein de les exciter à se rendre véritablement digne un jour de s’illustrer dans cet art », Jacques-François Blondel, Cours d’architecture, 1771.

En 1754, le Mercure de France publiait une Supplication aux orfèvres, ciseleurs, sculpteurs en bois pour les appartements et autres (C-N. Cochin le Jeune, 1715-1790), qui dénonçait le pouvoir pris par les ornemanistes dans la conception du décor rocaille des intérieurs à la mode, ainsi que dans le dessin même des élévations et ouvrages d’extérieur qui avaient à souffrir de leur intervention.
La mise à l’écart des architectes de l’Académie royale entraînait en effet de graves entorses aux règles de convenance et de proportion, des formes sans dessin précis et la promotion, à l’échelle de l’Europe, du mauvais goût.
L’auteur affirmait dès lors le rôle d’ordonnateur de l’architecte par rapport aux peintres et aux sculpteurs. Ce texte nous invite à envisager la complexité du rapport architecture/ornement. Le terme, employé maintes fois par J-F. Blondel (1705-1774), doit être associé à diverses notions qui ne sont pas étrangères à la qualité de l’architecture : richesse ou dépouillement, dessin de la forme et du détail, imitation de la nature, iconographie et histoire, embellissement, goût, beauté. Jamais sous l’Ancien Régime, le débat sur l’ornement n’a signifié son absence totale. Bien au contraire, la seconde moitié du XVIIIe siècle fournit les solutions les plus variées dans son invention et son emploi et réaffirme son utilité. L’enseignement de Blondel tout comme le discours de Boffrand, l’œuvre de Peyre, de Ledoux, de Boullée, de Bélanger, de Chalgrin et de nombre de leurs contemporains témoignent avec force de l’intérêt porté à l’ornement par les architectes les plus novateurs.