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  • 04/07/2025
Fusion-acquisition et responsabilité pénale avec Mélanie Trouvé, Avocate, Chemarin & Limbour.

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00:00Musique
00:00On poursuit ce Lex Inside, on va parler de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de fusion-absorption
00:17avec mon invité Mélanie Trouvé, avocate chez Chemarin et Limbourg.
00:22Mélanie Trouvé, bonjour.
00:23Bonjour.
00:23Nous allons aborder ensemble la question de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de fusion-absorption.
00:31Tout d'abord, pour commencer, pouvez-vous revenir sur la jurisprudence fondatrice de la responsabilité pénale de la société absorbante ?
00:40Oui, bien sûr. C'est une jurisprudence de la Cour de cassation qui date de novembre 2020 maintenant,
00:44qui a eu un revirement de jurisprudence pour se mettre en conformité finalement avec le droit européen
00:50et avec une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
00:53qui, elle, datait déjà de 2015 à l'époque.
00:56Donc la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne consacrait en fait la possibilité de transmettre la responsabilité
01:03de la personne morale absorbée, qui avait commis une faute avant la fusion, vers la personne morale absorbante.
01:10En droit français, on avait un peu de mal avec cette conception parce qu'on avait finalement, nous,
01:14une conception très anthropomorphique de la personne morale.
01:17Et les juges français considéraient que la fusion avait pour conséquence finalement la liquidation du patrimoine de la société absorbée,
01:26ce qui empêchait un transfert de responsabilité vers la société absorbante.
01:30Donc la jurisprudence de la Cour de cassation est revenue sur cette vision anthropomorphique des choses.
01:36Et finalement, la Cour de cassation a considéré depuis 2020 qu'il y a effectivement un transfert de patrimoine
01:42entre la société absorbée et la société absorbante et une continuité économique entre les deux entités,
01:46ce qui permet, in fine, un transfert de responsabilité vers la société absorbante.
01:52Alors il y a un autre arrêt important, un arrêt du 29 avril 2025, qui permet de mieux comprendre les arrêts que vous venez de citer de 2020 et 2024,
02:02notamment sur les aspects procéduraux et qui posent la question d'une responsabilité du fait d'autrui.
02:09Pouvez-vous revenir sur cette décision et nous expliquer les enseignements ?
02:14Oui, alors d'abord, effectivement, on avait eu cette jurisprudence de 2024, de mai 2024, très récente,
02:19qui permettait de voir à quel point, finalement, la Cour de cassation étendait le revirement qu'elle avait opéré en 2020.
02:25Puisqu'en 2020, il était certain que ce revirement s'appliquait aux sociétés anonymes,
02:30puisque la Cour de cassation faisait référence à une directive européenne qui visait les fusions-absorptions des sociétés anonymes.
02:35Et puis, il était assez patent également que ça concernait également les sociétés par action simplifiée,
02:42puisque, en l'espèce, c'était une société par action simplifiée qui était concernée par cette jurisprudence.
02:47Et c'est en 2024, effectivement, qu'on a eu également une précision concernant les sociétés à responsabilité limitée.
02:54Et la Cour de cassation est venue nous dire que ça les concernait également.
02:57Donc, on a quand même toute une palette assez large de formes sociales qui sont concernées.
03:02Cette jurisprudence, cette fois du 29 avril 2025, très récente, montre que le champ de possibilités des questionnements ouverts en 2020 par la Cour de cassation
03:14est encore patent aujourd'hui, et notamment sur des points procéduraux, et en l'occurrence sur la question de l'effet dévolutif de l'appel de la société absorbée.
03:22Donc, en l'occurrence, ici, on avait deux sociétés condamnées en première instance sur la culpabilité, sur la peine,
03:31au sujet de blessures involontaires infligées à un salarié ayant entraîné, donc, trois mois d'interruption totale de travail.
03:38D'accord.
03:40On a, du coup, ces deux sociétés qui ont fait chacune appel pour leur compte.
03:43La société absorbante d'une part, la société absorbée d'autre part, sauf qu'entre-temps, entre la première instance et l'appel,
03:49eh bien, elles ont fusionné. Donc, ça a posé un petit souci à la Cour d'appel, qui a fini par dire que l'appel de la société absorbée
03:56était irrecevable, ainsi, du même coup que l'appel incident du ministère public. Pourquoi ? Parce qu'il y avait une disparition
04:01de sa personnalité morale, et donc une impossibilité de faire appel pour elle. Mais elle dit également, la Cour d'appel,
04:08que du même coup, la décision de première instance est définitive, et que, finalement, il n'y a pas de possibilité
04:13pour la personne morale absorbée.
04:16Donc, plus de voie de recours, c'est ça ?
04:18C'est ça, plus de voie de recours, ce qui est quand même assez problématique au regard de notre droit français,
04:22qui, justement, prévoit un second degré de juridiction.
04:25Donc, la Cour de cassation est venue casser partiellement l'arrêt d'appel.
04:29Elle dit, effectivement, la société absorbée ne peut pas, pour son propre compte, faire appel, puisqu'elle n'existe plus.
04:34En revanche, la décision de première instance n'est pas définitive,
04:37et l'appel de la société absorbante englobe, finalement, le cas de la société absorbée.
04:43Et comment est-ce qu'elle justifie ça, la Cour de cassation ?
04:45En reprenant, finalement, un principe assez basique, qui est l'effet dévolutif de l'appel et l'acte d'appel.
04:53Et elle regarde l'acte d'appel de cette société absorbante,
04:55et elle voit, effectivement, que c'est un acte d'appel très large,
04:57qui ne circoncie pas l'appel à, finalement, uniquement la société absorbante,
05:03mais parle de manière plus globale de la société absorbée, pardon, également.
05:07Elle regarde également les moyens qui sont développés par la société absorbante dans ses conclusions,
05:13et elle voit que ces moyens englobent également le cas de la société absorbée.
05:17Donc, finalement, elle nous dit, cette Cour de cassation,
05:20que la société absorbante peut développer, agir pour le compte, exactement, de la société absorbée.
05:27Et elle vient, enfin, faire une petite précision un peu plus étonnante.
05:31Elle vient guider, en fait, la juridiction de renvoi,
05:33en disant que la juridiction de renvoi aura statué non seulement sur la culpabilité
05:38et la peine de la société absorbée,
05:40mais également sur la peine de la société absorbante,
05:43alors même que sa culpabilité n'a pas été cassée.
05:47Ce qui pose, quand même, une petite question sur, notamment,
05:51la condamnation, effectivement, du fait des agissements d'auterie,
05:54mais aussi sur le fait d'être condamné doublement pour une sanction de même nature,
05:59ce qui est prohibé par le Code pénal,
06:01parce que, en fait, la Cour de cassation ne fait pas de renvoi
06:03à cet article qui prohibe, justement,
06:06la condamnation à deux amendes envers une même personne
06:10pour des faits de même nature,
06:12ce qui pose, effectivement, un souci sur le cumul de la peine.
06:16Donc, cette jurisprudence, elle est très intéressante
06:18puisqu'elle renforce, effectivement, cette idée, voilà,
06:21du second degré de juridiction,
06:23et vient dire que la société absorbée a droit à ce second degré de juridiction,
06:26et elle est quand même aussi très importante pour la société absorbante,
06:28puisque, elle, c'est, in fine, elle qui va subir les coups.
06:32Bien sûr, de l'action.
06:33Exactement.
06:34Donc, il est important qu'elle puisse, effectivement, faire appel de cela.
06:37Alors, on voit qu'il y a un mouvement jurisprudentiel
06:40sur cette responsabilité pénale des personnes morales.
06:43Il y a aussi la Cégip Areva Orano qui apporte d'autres éléments
06:47qui consacrent pour la première fois un partage des obligations
06:51entre la société absorbante et la société cessionnaire
06:56et la société cédante
06:58pour des faits de corruption d'agents publics étrangers
07:01en l'espèce commis avant la cession.
07:05Est-ce que ça marque un changement de paradigme
07:07avec cette Cégip Areva Orano
07:10dans l'appréhension de la responsabilité pénale
07:13des personnes morales lors de restructurations ?
07:17Ça montre que la justice négociée, finalement,
07:20s'inscrit dans le sillage de la jurisprudence de la Cour de cassation
07:23et prend le pas, en fait, sur, effectivement,
07:27la prise en compte de ces restructurations d'entreprises
07:31avant le jugement ou avant la Convention judiciaire d'intérêt public.
07:37Et donc, effectivement, dans cette Convention judiciaire Areva Orano,
07:42on a un partage des responsabilités qui est fait
07:44entre Areva qui supporte l'amende,
07:47Orano qui supporte le coût du contrôle et la mise en conformité,
07:52alors même qu'effectivement, Orano n'était pas du tout responsable
07:54à l'époque des faits, mais il y a eu, effectivement,
07:56cette cession d'actifs qui est intervenue
07:57avant la Convention judiciaire d'intérêt public.
07:59Est-ce qu'en définitive, il faut anticiper les risques juridiques
08:04des faits antérieurs à la cession ?
08:07Voilà ce qu'on peut retenir un peu de ce mouvement jurisprudentiel
08:10et de la Cégip ?
08:11Oui, bien sûr, anticiper, notamment pour le dirigeant
08:13de la société absorbante, puisque, in fine, c'est elle qui subira les risques.
08:16Alors, comment faire avec des audits juridiques
08:18de plus en plus poussés, ce qui n'est pas forcément facile
08:21parce que souvent, il s'agit de faits qui sont dissimulés,
08:23donc, effectivement, c'est un peu complexe à avoir
08:26au moment d'une fusion.
08:27Et puis, on a aussi à mettre en place des clauses contractuelles
08:31lors de la fusion, notamment de déclarations et de garanties
08:34assez fortes pour essayer de se prévenir contre ces risques.
08:38Et puis, pour en revenir à la fameuse jurisprudence
08:40du 29 avril dernier, on a quand même un petit piqûre de rappel
08:44pour les avocats sur l'importance de l'acte d'appel,
08:47de sa rédaction, en fonction de la stratégie juridique
08:50qu'on veut mettre en œuvre.
08:51On va conclure là-dessus.
08:52Merci, Mélanie Trouvé.
08:53Merci à vous.
08:54Je rappelle que vous êtes avocate chez Chemin et Limbourg.
08:56Merci.
08:57C'est la fin de cette émission.
08:58Merci de nous avoir suivis.
09:00Restez curieux et informés.
09:01À très bientôt sur Bsmart for Change.

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